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19/06/2012 | FRANCE | N°11DA00864

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 19 juin 2012, 11DA00864


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 1er juin 2011, régularisée par la production de l'original le 3 juin 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la compagnie AXA FRANCE IARD, dont le siège social est situé 26 rue Drouot à Paris cedex (75458), par Me Billemont, avocat ; la compagnie AXA FRANCE IARD demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704453 du 5 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de M. Jacques A, de la société Sodeg Ingénierie, de la soc

iété Socotec, de la société Verrière Française et de la société Sobra à ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 1er juin 2011, régularisée par la production de l'original le 3 juin 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la compagnie AXA FRANCE IARD, dont le siège social est situé 26 rue Drouot à Paris cedex (75458), par Me Billemont, avocat ; la compagnie AXA FRANCE IARD demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704453 du 5 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de M. Jacques A, de la société Sodeg Ingénierie, de la société Socotec, de la société Verrière Française et de la société Sobra à lui verser la somme de 1 321 691,33 euros, assortie des intérêts au taux légal et capitalisés, en réparation du préjudice causé par les désordres affectant trois bassins du centre national de la mer de Boulogne-sur-Mer ;

2°) de condamner M. Jacques A, la société Sodeg Ingénierie, la société Socotec, la société Verrière Française et la société Sobra à lui verser la somme de 1 321 691,33 euros, augmentée des intérêts au taux légal et capitalisés ;

3°) de condamner M. Jacques A, la société Sodeg Ingénierie, la société Socotec, la société Verrière Française et la société Sobra à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de Me Billemont, avocat, pour la compagnie AXA FRANCE IARD, de Me Galet, avocate, pour la société Sobra, de Me Gilliet, avocate, pour la société Bluestar Silicones France, de Me Le Normand, avocat, pour la société Socotec, de Me Degaie, avocate, pour M. A et de Me Caille, avocat, pour la société Verrière Française ;

Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 5 juin 2012 et confirmée par la production de l'original le 6 juin 2012, présentée pour la compagnie AXA FRANCE IARD ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 juin 2012, présentée pour la société Verrière Française ;

Considérant que la commune de Boulogne-sur-Mer a délégué, par mandat, la maîtrise d'ouvrage de la construction du centre de culture scientifique et technique de la mer, dénommé centre national de la mer Nausicaa, à la société d'équipement du Pas-de-Calais (SEPAC) et en a confié la maîtrise d'oeuvre, solidairement, à M. A, architecte, et à la société Bureau d'études techniques Sodeteg, devenue Sodeg Ingénierie ; que la société Verrière Française a été chargée de l'exécution du lot n° 21A2 relatif au vitrage des bassins ; que l'exécution du lot n° 21A3 relatif à la résine d'étanchéité a été confiée à la société Sobra ; que la société Socotec a été chargée du contrôle technique de l'opération ;

Considérant, qu'en vertu d'une convention d'affermage, signée le 18 décembre 1990, la commune de Boulogne-sur-Mer a confié l'exploitation de cet équipement à la société d'économie mixte d'exploitation du centre national de la mer ; que la compagnie AXA FRANCE IARD, assureur de cette société d'économie mixte en application d'un contrat d'assurance dommages ouvrages, subrogée dans les droits de son assurée à concurrence de la somme de 1 321 691,33 euros versée à celle-ci en réparation des préjudices résultant de désordres apparus sur trois bassins, fait appel du jugement du 5 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à condamner solidairement M. A, la société Sodeg Ingénierie, la société Socotec, la société Verrière Française et la société Sobra à lui verser la même somme sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la minute du jugement attaqué, que le tribunal administratif de Lille a visé l'ensemble des mémoires et qu'il a, en particulier, analysé les moyens invoqués par la compagnie AXA FRANCE IARD ; que, par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que les moyens qu'elle a présentés n'ont fait l'objet d'aucune analyse, ni d'un quelconque exposé par le tribunal administratif ;

Sur la responsabilité décennale :

En ce qui concerne l'étanchéité des bassins :

Considérant que la réception de l'ouvrage a été prononcée, sans réserve, le 16 mai 1991 ; qu'il n'est pas contesté que trois des bassins du centre Nausicaa, à savoir le bassin des sélaciens, la senne des thons et l'aquarium des lagons ont, dans le courant de l'année 1992, présenté des fuites d'eau de mer ; qu'il résulte, notamment, du rapport remis le 19 février 2004 par l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Lille que ces infiltrations procédaient d'un défaut d'adhérence du mastic mis en oeuvre pour la pose des vitrages feuilletés, sur le produit dénommé gel-coat lui-même utilisé pour recouvrir le matériaux composite appliqué sur les éléments des bassins ; que l'expert a constaté que ce défaut d'adhérence a favorisé un suintement d'eau salée qui a entraîné l'obstruction, par oxydation, des busettes implantées dans les cadres, de nature à entraver la ventilation des feuillures accueillant les éléments de vitrage ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les fuites en cause se traduisent par des suintements sur les parois et le sol des pièces accueillant le bassin des sélaciens et l'aquarium des lagons et, sur la partie basse de la senne des thons, par une quantité journalière d'environ 5 litres d'eau recueillie dans un seau placé sous la pointe de ce bassin en forme de pyramide inversée d'un volume de 600 m³ ; que l'examen technique approfondi des matériaux de l'aquarium des lagons n'a pas révélé de teneur anormalement élevée en eau des supports en béton et des mortiers, l'humidité mesurée étant même inférieure à celle constatée sur des parois de même nature réputées sèches ; qu'en plus de cette absence d'infiltration profonde, l'expert n'a pas détecté de dégradation anormale, les irrégularités de surface et cloquages repérés résultant de l'évolution normale des matériaux, notamment du revêtement composite, immergés dans l'eau de mer ; que, contrairement à ce que soutient la compagnie d'assurances requérante, les désordres énumérés ci-dessus ne portent pas atteinte à la solidité des ouvrages, et ce, alors même qu'il ne pourrait être mis fin aux phénomènes de corrosion des parties métalliques par des travaux de simple entretien ; que ces mêmes désordres, y compris des traces d'écoulement blanchâtres sur les vitres des bassins en litige, ne sont pas davantage de nature à les rendre impropres à leur destination, en dépit de la valeur esthétique que la société d'économie mixte d'exploitation du centre national de la mer attache à juste titre à ces éléments d'équipement, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces désagréments de faible intensité, d'ailleurs courants dans les établissements semblables, aient entraîné une désaffection du public ou étaient susceptibles d'entraîner une baisse significative de fréquentation ; que, par suite, la compagnie AXA FRANCE IARD n'est pas fondée à soutenir que les désordres en cause présentaient un degré de gravité tel qu'ils étaient de nature à entraîner la responsabilité décennale des intervenants à l'opération de construction des aquariums ;

En ce qui concerne l'intoxication de la faune :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'aucune surmortalité de la faune aquatique accueillie dans les bassins, que seule la société d'économie mixte d'exploitation du centre national de la mer serait à même de justifier, n'a été observée ; qu'aucune concentration anormale en produits toxiques dans l'eau de ces bassins, au surplus partiellement renouvelée par apport d'eau de mer prélevée au large, n'est établie ; que l'exploitant de l'ouvrage ne fournit pas davantage de précision sur les médicaments qu'il peut être amené à administrer aux animaux ; qu'il n'est, ainsi, pas établi que les matériaux utilisés, qui devaient être de qualité alimentaire, pour assurer l'étanchéité des aquariums ont relâché ou étaient susceptibles de diffuser des composés toxiques à la suite de l'apparition de microbulles dans les revêtements des bassins ; que, l'existence même des désordres allégués n'étant pas établie, la compagnie AXA FRANCE IARD n'est pas fondée à soutenir qu'ils étaient de nature à rendre les ouvrages en question impropres à leur destination ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la compagnie AXA FRANCE IARD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les appels en garantie :

Considérant, d'une part, que les conclusions d'appel en garantie formées par la société Socotec dirigées contre la société Rhône Poulenc Silicones, devenue Rhodia Silicones et désormais dénommée Bluestar Silicones France, ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative dès lors que la société appelée en garantie, liée à la société Verrière Française par des relations de droit privé, n'a pas la qualité de participante à l'opération de travaux publics en litige ;

Considérant, d'autre part, que la présente décision rejette les conclusions indemnitaires présentées par la compagnie AXA FRANCE IARD tendant à la condamnation des constructeurs qu'elle a désignés dans sa requête d'appel ; que, par suite, les conclusions d'appel en garantie présentées par ces derniers sont sans objet ;

Sur les conclusions de la société Socotec pour procédure abusive :

Considérant que l'action de la compagnie AXA FRANCE IARD ne présente pas un caractère abusif ; que, les conclusions de la société Socotec tendant à sa condamnation à lui verser une somme de 10 000 euros doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la compagnie AXA FRANCE IARD doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la compagnie AXA FRANCE IARD à verser une somme de 1 500 euros, chacun, à M. A, à la société Sodeg Ingénierie, à la société Socotec, à la société Verrière Française et à la société Sobra au titre des frais exposés par ces derniers et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Socotec à verser une somme de 1 500 euros à la société Bluestar Silicones France au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la compagnie AXA FRANCE IARD est rejetée.

Article 2 : La compagnie AXA FRANCE IARD versera à M. A, à la société Sodeg Ingénierie, à la société Socotec, à la société Verrière Française et à la société Sobra une somme de 1 500 euros, chacun, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Socotec versera la somme de 1 500 euros à la société Bluestar Silicones France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A, de la société Sodeg Ingénierie, de la société Socotec, de la société Verrière Française, de la société Sobra et de la société Bluestar Silicones France est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie AXA FRANCE IARD, à M. Jacques A, à la société Sodeg Ingénierie, à la société Socotec, à la société Verrière Française, à la société Sobra et à la société Bluestar Silicones France.

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11DA00864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA00864
Date de la décision : 19/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs. N'ont pas ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : BILLEMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-06-19;11da00864 ?
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