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31/07/2012 | FRANCE | N°10DA00299

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 31 juillet 2012, 10DA00299


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie les 10 mars et 24 septembre 2010, régularisés par la production des originaux les 16 mars, 1er avril, 31 août et 27 septembre 2010, présentés :

- d'une part, pour l'ASSOCIATION STOPEOLE, représentée par son président, dont le siège est situé 1 route de Longueil à ..., pour M. Denis H, demeurant à ..., pour M. Jacques M, demeurant ..., pour M. André P, demeurant à ..., pour Mme Lucienne P, demeurant à ..., pour M. Jean-François Q, demeurant .

.., pour M. Philippe et Mme Valérie O, demeurant ..., pour M. Eric I, demeu...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie les 10 mars et 24 septembre 2010, régularisés par la production des originaux les 16 mars, 1er avril, 31 août et 27 septembre 2010, présentés :

- d'une part, pour l'ASSOCIATION STOPEOLE, représentée par son président, dont le siège est situé 1 route de Longueil à ..., pour M. Denis H, demeurant à ..., pour M. Jacques M, demeurant ..., pour M. André P, demeurant à ..., pour Mme Lucienne P, demeurant à ..., pour M. Jean-François Q, demeurant ..., pour M. Philippe et Mme Valérie O, demeurant ..., pour M. Eric I, demeurant ..., pour M. Romain B, demeurant ..., pour M. Philippe E, demeurant ..., pour M. Eric C, demeurant à ..., pour M. Christian J, demeurant ..., pour M. Olivier N, demeurant ..., pour Mme Nathalie L, demeurant ..., pour M. Michel D, demeurant ..., pour M. Marc A, demeurant ..., pour M. Joseph F, demeurant ..., pour M. Charles K, demeurant ..., et pour M. Fabien G, demeurant ... ;

- d'autre part, en qualité d'intervenants au soutien de la requête, pour Mme Sophie R, demeurant ..., pour M. Ludovic T et Mlle Anita S, demeurant ..., pour M. et Mme Gérard U, demeurant ..., pour M. et Mme V, demeurant ..., pour M. Frédéric W et Mme Marielle X, demeurant ..., pour M. et Mme Y, demeurant ..., pour M. et Mme Dominique Z, demeurant ..., pour M. Thierry Degrave et Mme Chantal Ferrer, demeurant 12 résidence Le Moulin à Quiberville (76860), pour M. et Mme Laurent Fras, demeurant 1..., pour M. et Mme Michel AA, demeurant ..., pour M. et Mme Fabrice AB, agissant en leur nom personnel et au nom de leur fils Brice, demeurant ..., pour M. et Mme Christophe AC, demeurant ..., pour M. et Mme Sylvain AD, agissant en leur nom personnel et au nom de leurs enfants, demeurant ..., et pour M. Jean-Pierre AE, demeurant ... ;

- par Me Ph. Blondel, avocat ;

L'ASSOCIATION STOPEOLE et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0700545-0700546-0700547-0700549-0700550 en date du 7 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 18 décembre 2006 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a délivré deux permis de construire pour l'édification des éoliennes nos 3 et 4 au profit de la société Energies des Longs Champs et des arrêtés du 18 décembre 2006 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a délivré trois permis de construire pour l'édification des éoliennes nos 5, 6 et 7 et d'un poste de livraison au profit de la société Bourg-Dun Energies ;

2°) d'annuler les cinq arrêtés précités ;

3°) de mettre à la charge in solidum des pétitionnaires la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code du patrimoine ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ;

Vu la loi du 2 mai 1930 ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller,

- les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public,

- et les observations de Me Ph. Blondel, avocat de l'association STOPEOLE et autres, et de Me P. Elfassi, avocat de la société Energie des Longs Champs et de la société Bourg-Dun Energies ;

Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 21 juin 2012 et confirmée par la production de l'original le 25 juin 2012, présentée pour L'ASSOCIATION STOPEOLE et autres ;

Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 2 juillet 2012 et confirmée par la production de l'original le 3 juillet 2012, présentée pour les sociétés Energie des Longs Champs et Bourg-Dun Energies ;

Sur la recevabilité des interventions :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct " ; que les interventions rédigées au soutien de la demande des appelants ont été présentées non, par mémoires distincts, mais dans la requête d'appel introduite par l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres ; que, dès lors, ces interventions ne sont pas recevables ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision " ; qu'eu égard à la nature de l'office ainsi attribué au juge des référés, et sous réserve du cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement cet office, il aurait préjugé l'issue du litige, la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il soit membre de la formation se prononçant ultérieurement au fond sur la demande tendant à l'annulation de cette décision ; que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne résulte pas des motifs de l'ordonnance du 1er octobre 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen que celui-ci aurait pris position sur le fond du présent litige ; qu'ainsi, l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres ne sont pas fondés à soutenir que la participation du magistrat en question au jugement au fond de l'affaire en qualité de rapporteur est de nature à faire douter de l'impartialité de la formation de jugement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en énonçant que " l'enquête publique n'avait pas à prendre en compte l'impact (du projet) sur le site du Val Razé " et que " les éoliennes en litige ne portent pas atteinte au caractère agricole du secteur où elles s'inscrivent ", les premiers juges n'ont fait que répondre aux nombreux arguments soulevés par les appelants à l'appui de deux de leurs moyens tirés, d'une part, du caractère erroné de l'avis de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, d'autre part, de l'insuffisance de l'étude d'impact ; que, dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif aurait, pour rejeter leurs conclusions, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, relevé d'office des moyens sans les soumettre au contradictoire ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes, d'une part, du premier alinéa de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, le permis de construire ne peut être délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France (...) " et de l'article L. 621-2, alors applicable, du code du patrimoine : " Est considéré, pour l'application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou proposé pour le classement tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre n'excédant pas 500 mètres (...) " ; que, d'autre part, aux termes de l'article R. 421-38-5 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable aux décisions attaquées : " Lorsque la construction se trouve dans un site inscrit, la demande de permis de construire tient lieu de la déclaration exigée par l'article 4 (alinéa 4) de la loi du 2 mai 1930. (...) Le permis de construire est délivré après consultation de l'architecte des bâtiments de France " ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les éoliennes projetées seront situées à plus de 500 mètres des édifices classés ou inscrits ; qu'ainsi, les permis de construire n'avaient pas à être délivrés avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France ; que, d'autre part, le projet d'implantation des éoliennes, bien qu'étant situé à proximité du Val Razé, ne se situe pas au sein de ce val ; que, par suite, l'architecte des bâtiments de France, en mentionnant que " la commune était hors du champ des espaces protégés ", s'est prononcé sur le fondement de l'article R. 421-38-5 du code de l'urbanisme et a, ainsi, rendu un avis simple qui ne liait pas l'autorité administrative et dont elle n'a pas repris, en tout état de cause, la teneur ; qu'il résulte de ce qui précède que l'irrégularité éventuelle de cet avis serait restée sans influence sur la légalité des décisions attaquées ; que, dès lors, le moyen tiré du caractère erroné de l'avis constitue un moyen inopérant, auquel le tribunal administratif n'était pas donc tenu de répondre ; que, dans ces conditions, il n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de certains des appelants ;

En ce qui concerne la régularité des avis :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les sociétés Energie des Longs Champs et Bourg-Dun Energies ont déposé le 3 mai 2004 huit demandes de permis de construire pour la réalisation d'un parc éolien de sept éoliennes et de deux postes de livraison sur la commune de Bourg-Dun ; qu'à la suite de l'enquête publique, les sociétés pétitionnaires, qui ont pris en compte les conclusions du commissaire enquêteur et les avis réservés ou défavorables de certains services administratifs, ont décidé de limiter leur programme à cinq éoliennes et à un poste de livraison et ont demandé, en ce sens, que trois de leurs demandes de permis de construire soient classées sans suite ; que, si une nouvelle enquête publique a été ordonnée par le préfet par arrêté du 13 mars 2006, le nouveau projet de parc éolien des sociétés pétitionnaires, qui se limitait à réduire le nombre des constructions projetées, sans modifier ni l'implantation, ni la puissance des éoliennes maintenues, n'imposait pas au préfet de reprendre dans sa totalité l'instruction des demandes de permis de construire dont il s'agit ; qu'en particulier, l'autorité administrative n'était pas tenue, de saisir, à nouveau, pour avis, l'ensemble des services administratifs qui avaient été valablement consultés dans le cadre du projet initial déposé par les sociétés pétitionnaires ; qu'ainsi, en s'abstenant de saisir une nouvelle fois la direction régionale des affaires archéologiques qui soulignait dans son avis que les travaux projetés ne feront pas l'objet de prescriptions archéologiques, la direction régionale et départementale de l'agriculture et de la forêt selon laquelle le projet éolien ne soulevait pas d'objections de sa part et le service départemental de l'architecture qui précisait que ce projet était situé hors des espaces protégés, le préfet n'a pas entaché d'irrégularité la procédure de délivrance des permis de construire attaqués ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article 8 de l'arrêté du 13 mars 2006 relatif à l'enquête publique, qui prévoient que le sous-préfet de Dieppe transmet au préfet de la Seine-Maritime, le dossier d'enquête publique, accompagné de son avis motivé, ne font que rappeler les conditions de collaboration entre les services existant au sein de l'administration et ne créent pas une formalité prescrite à peine de nullité de la procédure ; que, dès lors, les appelants ne peuvent utilement soutenir que l'absence de cet avis a entaché d'irrégularité la procédure ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de ses avis, la direction régionale de l'environnement de Haute-Normandie a préconisé la suppression des éoliennes nos 1 et 2, lesquelles avaient un impact visuel négatif important sur les communes de Quiberville et de Saint-Aubin et sur la chapelle de Flainville ; que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, et alors même que les éoliennes projetées ne sont séparées les unes des autres que de quelques centaines de mètres, il ressort des pièces du dossier que les éoliennes nos 1 et 2 étaient les plus proches des sites en cause et notamment de la vallée du Dun dans sa partie littorale ; que, par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l'avis défavorable rendu par la direction régionale de l'environnement en date du 7 octobre 2004 et l'avis favorable émis par la même administration le 30 juin 2006, à la suite du projet remanié déposé par les sociétés pétitionnaires, sont entachés de contradictions ;

En ce qui concerne le caractère insuffisant de l'étude d'impact :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) / II. - L'étude d'impact présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; / 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation (...) " ;

Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

Considérant que les appelants soutiennent que l'étude d'impact serait insuffisante en ce qu'elle ne mentionne pas le Val Razé, qu'elle comporte un ensemble photographique qui dénature la réalité des lieux, qu'elle contient des contrevérités concernant les flux migratoires et qu'elle ne prend pas en compte les efforts de réhabilitation de la biodiversité engagés dans la région ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact d'avril 2004 a répertorié, en sa qualité de site inscrit intégré au site de la vallée du Dun, le Val Razé ; que ce site est ainsi expressément cité dans la description du milieu naturel, dans celle des sites inscrits, dans l'étude de la faune et de l'avifaune, dans l'analyse paysagère sur le périmètre rapproché et dans la partie de l'étude d'impact portant sur le choix de l'implantation des éoliennes ; que les différentes cartes géographiques reproduites par l'étude d'impact permettent sans ambiguïté de constater la présence du Val Razé à proximité du secteur d'implantation du parc éolien ; que le dossier élaboré en décembre 2005, qui complète la première étude d'impact prend de nouveau en compte la réalité du Val Razé tant au niveau paysager que des habitations présentes sur ce site et de l'impact prévisible du projet contesté sur ce site ; que, s'agissant des flux migratoires, un diagnostic ornithologique a été réalisé par le groupe ornithologique normand de l'université de Caen, dont aucun élément au dossier ne permet de remettre en question la compétence et l'impartialité ; que cette étude, après avoir répertorié les différentes espèces présentes sur le site, souligne qu'en période de migration, les mouvements d'oiseaux sur le site semblent de faible ampleur et que " les milieux cultivés concernés par le projet s'étendent sur une surface très importante en Seine-Maritime et que les quelques couples d'oiseaux reproducteurs qui seront perturbés par ces éoliennes trouveront probablement assez facilement un milieu de substitution " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que de telles conclusions soient erronées ; que, par ailleurs, l'étude d'impact procède à une description détaillée de la zone d'implantation du projet d'éoliennes tant au niveau de sa flore que de sa faune et procède à l'inventaire des zones naturelles d'intérêts écologiques faunistiques et floristiques ; que si elle ne mentionne pas précisément les opérations engagées par certains organismes pour maintenir et favoriser cette biodiversité, cette omission n'est pas de nature à induire en erreur la population sur les effets positifs ou négatifs sur le site du projet contesté ; qu'enfin, si certains photomontages peuvent apparaître comme étant trop éloignés de la réalité en présentant un paysage particulièrement plat, cette représentation est compensée par d'autres photographies produites dans cette même étude et par un descriptif géographique et topographique détaillé du site permettant d'apprécier plus justement l'impact du projet sur l'ensemble du site vis-à-vis du patrimoine bâti et non bâti ; qu'en tout état de cause, l'allégation selon laquelle les photomontages auraient été délibérément faussés n'est pas établie ; que, dans ces conditions, l'étude d'impact doit être regardée comme satisfaisant aux prescriptions de l'article R. 122-3 précité du code de l'environnement ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est envisagé par les sociétés Energie des Longs Champs et Bourg-Dun Energies d'implanter un poste de livraison électrique et cinq éoliennes d'une hauteur, pale comprise, de 111 mètres, sur la commune de Bourg-Dun, laquelle est située à proximité du site inscrit de la vallée du Dun et du Val Razé et dans un plus vaste ensemble rattaché au pays de Caux composé de paysages diversifiés et proches du front de mer ; que si les appelants soutiennent que le projet éolien portera atteinte au caractère naturel et spécifique de ce paysage opposant une façade côtière, au " plateau " et à des " zones vallées ", il ressort des pièces du dossier et notamment tant des productions des appelants que des études d'impact réalisées par les sociétés pétitionnaires, que les éoliennes contestées seront situées dans une zone consacrée principalement à l'activité agricole, présentant peu de relief et insérée dans un environnement homogène au sein de cette région ; que, par lui-même, le plateau ne présente pas un intérêt particulier ; que les éoliennes sont, par ailleurs, distantes de plus de deux kilomètres du front de mer et il ne ressort d'aucune pièce du dossier, en dépit des affirmations des appelants, que la mer serait visible des pieds des constructions projetées ; qu'enfin, pour tenir compte de l'impact visuel des éoliennes, les sociétés pétitionnaires ont notamment, à la suite des conclusions de la première enquête publique, supprimé de leur projet la construction des deux éoliennes qui avaient le plus fort impact sur l'environnement ; que, dans ces conditions, compte tenu de la qualité du paysage proche et lointain et eu égard aux mesures préventives prises par les porteurs de projet, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'implantation des éoliennes serait de nature à altérer sensiblement ou à transformer les caractéristiques essentielles du paysage, ni que l'implantation de ce nouveau parc comporterait un effet de saturation visuelle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le champ visuel sur les paysages ou les habitations dont peuvent disposer les automobilistes à partir des routes départementales situées à proximité du projet de construction litigieux pourrait être affecté par le parc éolien projeté ; que, par ailleurs, la circonstance selon laquelle l'implantation du projet éolien contesté est envisagée dans un large secteur touristique composé notamment de stations balnéaires, n'est pas de nature, à elle seule, à établir l'existence d'une atteinte à l'intérêt des lieux ;

Considérant, en troisième lieu, que les appelants soulignent la présence de nombreux édifices inscrits ou classés dans la zone d'implantation des éoliennes et soutiennent que la construction de ce parc éolien à proximité ou en co-visibilité avec ce patrimoine bâti compromet la préservation de celui-ci ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les éoliennes les plus proches des monuments classés sont séparées de la chapelle de Saint-Julien dans la commune de Flainville et de l'église de Bourg-Dun d'une distance respective de 1,4 et 1,9 km ; que compte tenu de leur éloignement et des obstacles existants, elles ne présentent qu'une co-visibilité fugitive avec ces édifices, à partir de lieux très circonscrits ; qu'il en est de même pour le Four à pain de Bourg-Dun datant du 18ème siècle, qui bénéficie d'une protection végétale importante ; qu'en outre, aucune co-visibilité avec le manoir d'Anglesqueville, l'église de Longueil, le château de Bosc-le-Mesnil ou encore le château de Saint-Aubin éloignés d'une distance de plus de 2,5 km du parc éolien ne ressort des études d'impact produites ; qu'ainsi, aucune pièce du dossier ne met en évidence l'existence de co-visibilité entre le projet en litige et ce patrimoine, qui serait de nature à altérer la perception de ces édifices ou à compromettre sensiblement les perspectives offertes par ceux-ci ;

Considérant, enfin, que les appelants ne peuvent utilement soutenir que le parc éolien aura un impact important sur la biodiversité et notamment sur la faune et l'avifaune, lesquels ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire à la cour de procéder à une visite sur place des lieux, qu'en accordant les permis de construire en litige, que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-14-1 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-14-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions sont de nature, par leur localisation ou leur destination : / a) A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés (...) " ; que dans son rapport, le commissaire enquêteur a relevé que le nombre d'implantations correspond à celui fixé par la charte éolienne établie par la communauté de communes " Mer et Lin " et que les implantations sont en nombre raisonnable sur le département de la Seine-Maritime ; qu'aucune autre pièce du dossier ne fait apparaître, par ailleurs, que les permis de construire litigieux seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation en raison du risque " d'urbanisation dispersée " que le parc éolien serait susceptible de favoriser ; que le moyen soulevé en ce sens par les appelants ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Sur les autres moyens :

Considérant que les orientations figurant dans la charte éolienne établie par la communauté de communes " Mer et Lin " et publiée en 2004 n'ont pas d'effet contraignant ; que, par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être, en tout état de cause, écarté ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les éoliennes envisagées auraient des effets perturbateurs notamment dus au bruit ou sur la santé pour les populations résidentes et notamment celles du lotissement de Quiberville ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général " ; que si ces stipulations ne font pas obstacle à l'édiction, par l'autorité compétente, d'une réglementation de l'usage des biens, dans un but d'intérêt général, ayant pour effet d'affecter les conditions d'exercice du droit de propriété, il appartient au juge, pour apprécier la conformité aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'une décision individuelle prise sur la base d'une telle réglementation, d'une part, de tenir compte de l'ensemble de ses effets juridiques, d'autre part, et en fonction des circonstances concrètes de l'espèce, d'apprécier s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les limitations constatées à l'exercice du droit de propriété et les exigences d'intérêt général qui sont à l'origine de cette décision ;

Considérant que les autorisations de construire délivrées aux sociétés Energie des Longs Champs et Bourg-Dun Energies ont été prises conformément aux dispositions du code de l'urbanisme ; que la circonstance selon laquelle les éoliennes apporteraient des nuisances aux propriétaires riverains ou auraient pour effet de dévaloriser leurs propriétés, n'apparaissent pas, dans les circonstances de l'espèce, comme portant à leur droit de propriété une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut donc qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Energie des Longs Champs et Bourg-Dun Energies, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que demandent les appelants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de chacun de ces derniers le versement aux sociétés Energie des Longs Champs et Bourg-Dun Energies, qui avaient le même conseil, d'une somme globale pour les deux sociétés de 150 euros au titre des frais de même nature exposés par elles ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les interventions présentées au soutien de la requête ne sont pas admises.

Article 2 : La requête de l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres est rejetée.

Article 3 : L'ASSOCIATION STOPEOLE, M. Denis H, M. Jacques M, M. André P, Mme Lucienne P, M. Jean-François Q, M. Philippe O, Mme Valérie O, M. Eric I, M. Romain B, M. Philippe E, M. Eric C, M. Christian J, M. Olivier N, Mme Nathalie L, M. Michel D, M. Marc A, M. Joseph F, M. Charles K et M. Fabien G verseront aux sociétés Energie des Longs Champs et Bourg-Dun Energies, chacun, la somme globale pour les deux sociétés, de 150 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION STOPEOLE, à M. Denis H, à M. Jacques M, à M. André P, à Mme Lucienne P, à M. Jean-François Q, à M. Philippe O, à Mme Valérie O, à M. Eric I, à M. Romain B, à M. Philippe E, à M. Eric C, à M. Christian J, à M. Olivier N, à Mme Nathalie L, à M. Michel D, à M. Marc A, à M. Joseph F, à M. Charles K, à M. Fabien G, à Mme Sophie R, à M. Ludovic T, à Mlle Anita S, à M. et Mme Gérard U, à M. et Mme V, à M. Frédéric W, à Mme Marielle X, à M. et Mme Y, à M. et Mme Dominique Z, à M. Thierry Degrave, à Mme Chantal Ferrer, à M. et Mme Laurent Fras, à M. et Mme Michel AA, à M. et Mme Fabrice AB, à M. et Mme Christophe AC, à M. et Mme Sylvain AD, à M. Jean-Pierre AE, aux sociétés Energie des Longs Champs et Bourg-Dun Energies et au ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Copie sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°10DA00299


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation nationale. Dispositions législatives du code de l'urbanisme.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : BLONDEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Date de la décision : 31/07/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10DA00299
Numéro NOR : CETATEXT000026243782 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-07-31;10da00299 ?
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