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31/07/2012 | FRANCE | N°11DA01269

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 31 juillet 2012, 11DA01269


Vu la requête, enregistrée le 1er août 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL LOUNIS HOLDING, dont le siège social est situé 435 route de Dieppe à Londinières (76600), par Me Boisanfray avocate ; la SARL LOUNIS HOLDING demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901169 du 9 juin 2011 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre

des exercices clos au cours des années 2003 et 2004 ;

2°) de prononcer la ...

Vu la requête, enregistrée le 1er août 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL LOUNIS HOLDING, dont le siège social est situé 435 route de Dieppe à Londinières (76600), par Me Boisanfray avocate ; la SARL LOUNIS HOLDING demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901169 du 9 juin 2011 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2003 et 2004 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires contestées ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais qu'elle a exposés en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

Considérant que la SAS Serapid France, qui exploite une entreprise de fabrication de matériels industriels de levage et de poussée, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices qu'elle a clos en 2003 et 2004 ; que les suppléments d'impôt sur les sociétés procédant de cette vérification de comptabilité ont été mis en recouvrement, au titre de l'exercice clos en 2003, seul exercice bénéficiaire, au nom de la SARL LOUNIS HOLDING, société mère du groupe fiscalement intégré auquel appartient la SAS Serapid France vérifiée ; que la SARL LOUNIS HOLDING forme appel du jugement du 9 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à concurrence d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance portant sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos au cours de l'année 2003, a rejeté le surplus de sa demande, laquelle doit être regardée comme tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos au cours de l'année 2003 et au rétablissement du déficit qu'elle a déclaré au titre de l'exercice clos au cours de l'année 2004 ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision du 20 septembre 2011, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur de contrôle fiscal Nord a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, de la somme de 8 410 euros, des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles la SARL LOUNIS HOLDING a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003 ; que le litige est, dans cette mesure, devenu sans objet ;

Sur le surplus de la requête :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification " ;

Considérant que, si l'administration n'est pas en mesure de produire l'avis de réception postal du pli contenant l'avis de vérification du 21 décembre 2005 envoyé à la SAS Serapid France mentionnant que le vérificateur se présenterait le 6 janvier 2006 à 10 h 30, elle produit une attestation postale, datée du 17 janvier 2006, indiquant que l'objet recommandé n° RA217946938FR a été distribué le 22 décembre 2005 ; que les mentions de cette attestation postale du 17 janvier 2006, il est vrai non signée, concordent avec celles d'une seconde attestation du 7 décembre 2007, signée cette fois d'un agent identifiable du centre de distribution de Saint-Nicolas-d'Aliermont, par laquelle La Poste confirme expressément la précédente attestation et précise que la même lettre mentionnant l'adresse de la SAS Serapid France lui a bien été distribuée le 22 décembre 2005 ; que la société vérifiée, qui n'a élevé aucune objection lorsque le vérificateur s'est présenté dans ses locaux le 6 janvier 2006, n'établit pas que le pli distribué le 22 décembre 2005 ne contenait pas l'avis de vérification ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité a été engagée sans l'envoi préalable de l'avis de vérification, prévu par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, n'est pas fondé ;

Considérant, en second lieu, que la SARL LOUNIS HOLDING ne peut utilement se prévaloir des énonciations des paragraphes nos 21 et 28 de la documentation administrative n° 13 L-1513 du 1er juillet 2002, qui soulignent notamment que l'attestation de La Poste certifie que le pli a bien été délivré et qu'une signature figure sur la fiche de distribution, dès lors que la doctrine invoquée, relative à la procédure d'imposition, ne contient pas d'interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, que, jusqu'à la création de la société de droit britannique Serapid Limited le 11 décembre 2004, la SAS Serapid France écoulait ses produits sur le marché britannique en recourant aux services de M. A, ressortissant britannique, moyennant le versement de commissions calculées sur un pourcentage des commandes passées ; que, dans la perspective du départ à la retraite de ce représentant, la SAS Serapid France a convenu avec ce dernier, par un contrat conclu le 11 décembre 2001, d'organiser la reprise par la société française de son portefeuille de clients ; qu'il résulte des stipulations mêmes de cette convention, en particulier des clauses mettant M. A dans l'obligation de transmettre à son successeur la liste complète des clients actuels ou potentiels de la SAS Serapid France au Royaume-Uni, ainsi que des clauses prévoyant le versement à M. A d'une indemnité calculée sur un pourcentage de son chiffre d'affaires moyen, que la société requérante a consenti au rachat de la clientèle démarchée par M. A ; que, contrairement à ce que soutient la SAS Serapid France, elle ne s'est pas bornée à verser à M. A, qui n'était pas son salarié, une indemnité de départ à la retraite ; qu'en ayant omis de refacturer à la société Serapid Limited le montant non contesté de 91 302 euros, versé à titre d'indemnité à M. A, la SAS Serapid France a ainsi apporté, sans contrepartie financière, un portefeuille de clients à la société Serapid Limited, laquelle lui est juridiquement étrangère ; que cette renonciation à un profit constitue, en principe, un acte anormal de gestion ; que, si la SARL LOUNIS HOLDING soutient que l'intérêt propre que la SAS Serapid France retirait de cette opération consistait, non seulement à conserver ses débouchés commerciaux en Grande-Bretagne, mais à développer ses affaires dans ce secteur géographique, elle ne l'établit pas en se bornant à produire, d'une part, un tableau qui fait état d'une diminution du chiffre d'affaires réalisé dans ce secteur géographique et même d'une diminution de la fraction de son chiffre d'affaires global réalisé en Grande-Bretagne au titre des années 2003 à 2005 et, d'autre part, un graphique faisant état de l'évolution de son chiffre d'affaires global en France et en Europe, sans approche fine du marché britannique ; que, faute pour la société requérante de justifier l'existence d'une contrepartie commerciale réelle et suffisante à l'absence de refacturation, à la société Serapid Limited, de l'indemnité de rachat du droit d'exploiter la clientèle auprès de laquelle M. A assurait la représentation commerciale des produits de la SAS Serapid France, le service doit être regardé comme établissant que cet abandon de recettes s'écarte d'une gestion normale ; que, par suite, l'administration était en droit de rehausser les résultats de l'exercice 2004 de la société vérifiée du montant de 91 302 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 nonies de l'annexe III à ce code : " Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient. Le coût de revient est constitué : Pour les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables et les emballages commerciaux achetés, par le prix d'achat augmenté des frais accessoires d'achats ; Pour les produits intermédiaires, les produits finis, les emballages commerciaux fabriqués et les produits en cours, par le coût d'achat des matières et fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers. Ces coûts sont fournis par la comptabilité analytique ou, à défaut, déterminés par des calculs ou évaluations statistiques " ;

Considérant que le vérificateur a constaté qu'une partie des éléments électriques acquis par lots auprès de fournisseurs, moyennant un prix global, figurait dans le stock de la SAS Serapid France pour une valeur nulle à la clôture des exercices 2003 et 2004 ; qu'en ayant estimé que la conservation de ces composants électriques par l'entreprise vérifiée était motivée par une utilisation différente de la fabrication de matériels commandés par des clients, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère erroné de la valeur d'inscription de ces composants stockés, dès lors que la SARL LOUNIS HOLDING se borne à affirmer, sans le justifier, que ces biens, que sa filiale vérifiée n'a pas sortis de son stock, ne seraient pas réutilisables ; qu'en ayant, au cours de la procédure contradictoire de redressement, évalué la valeur des éléments de stock en cause à partir des derniers prix connus sans les majorer des frais accessoires, l'administration justifie également le bien-fondé de la correction qu'elle a apportée aux écritures d'actif en cause, dès lors que la société requérante ne justifie, ni d'ailleurs ne soutient, que le cours du jour serait inférieur au prix de revient ainsi calculé ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5°) Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) Les provisions pour pertes afférentes à des opérations en cours à la clôture d'un exercice ne sont déductibles des résultats de cet exercice qu'à concurrence de la perte qui est égale à l'excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture du même exercice sur le prix de vente de ces travaux compte tenu des révisions contractuelles certaines à cette date. S'agissant des produits en stock à la clôture d'un exercice, les dépenses non engagées à cette date en vue de leur commercialisation ultérieure ne peuvent, à la date de cette clôture, être retenues pour l'évaluation de ces produits en application des dispositions du 3 de l'article 38, ni faire l'objet d'une provision pour perte. (...) " ; que lorsqu'une entreprise constate que les matières ou produits qu'elle détient en stock, ou une catégorie déterminée d'entre eux, a, à la date de clôture d'un exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation ; que pareille provision ne peut toutefois être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante ;

Considérant que la SAS Serapid France, pour faire face aux risques de dépréciation des pièces détachées figurant dans son stock, a constitué des provisions arrêtées forfaitairement à hauteur de 15 % de la valeur des produits standards n'ayant pas connu de mouvements au cours de l'année écoulée, de 30 % de la valeur des mêmes produits restés en stocks au cours des deux années précédentes, de 50 % de la valeur des mêmes éléments n'ayant pas été mouvementés au cours des trois dernières années, de 80 % de la valeur des mêmes éléments non mouvementés au cours des quatre dernières années et, enfin, de 100 % de la valeur des pièces détachées n'ayant connu aucun mouvement dans les 5 dernières années ; que ces taux, établis à partir du seul critère de la durée de détention en stock, ne reposent pas sur les caractéristiques propres des pièces détachées ou des catégories de pièces conservées et ne sont justifiés par aucun historique de la fréquence d'utilisation, par la SAS Serapid France, des pièces stockées ; que, s'il n'est pas contesté que certaines pièces devenues non conformes ont pu être détruites, l'administration fait valoir que cette destruction, qui a concerné 93 articles à la clôture de l'exercice 2004, n'avait porté que sur 1,6 % de la valeur du stock de la SAS Serapid France ; que, s'il n'est pas davantage contesté que l'obsolescence de certaines des pièces conservées en stock a pu conduire à une diminution de leur prix de revient, l'administration fait valoir que, dans le cadre du débat oral et contradictoire, la société vérifiée a confirmé qu'elle ne revendait pas ces articles à perte ; que si, devant le juge, la SARL LOUNIS HOLDING soutient qu'elle est tenue, en vertu de contrats spécifiques la liant avec des clients particuliers tels que l'industrie nucléaire, de conserver des pièces uniques pendant une très longue durée alors même que ces produits ne sont jamais utilisés, elle ne l'établit pas en se bornant à l'affirmer ; qu'en tout état de cause, le caractère spécifique de ces pièces n'est pas de nature à justifier la mise en oeuvre d'une méthode de dépréciation d'un stock complet de produits standards et non standards fondée sur la seule existence de mouvements en stock au cours des cinq années précédentes en l'absence de données inhérentes à l'entreprise propres à expliquer les montants de taux de décote susmentionnés ; que, par suite, la société requérante n'établit pas que les dépréciations ayant motivé les provisions en litige sont évaluées avec une approximation suffisante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL LOUNIS HOLDING n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SARL LOUNIS HOLDING, doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 8 410 euros, en droits et pénalités, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL LOUNIS HOLDING tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003.

Article 2 : Le surplus de la requête de la SARL LOUNIS HOLDING est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL LOUNIS HOLDING et au ministre de l'économie et des finances.

Copie sera transmise au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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