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13/08/2012 | FRANCE | N°11DA01598

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 13 août 2012, 11DA01598


Vu la requête, enregistrée le 16 octobre 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie et régularisée par la production de l'original le 18 octobre 2011, présentée pour Mme Basrije A, élisant domicile chez Me Norbert Clément 69 rue Jules Watteeuw à Roubaix (59100), par Me N. Clément ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104746 du 19 août 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 mai 2011 du préfet du Puy-

de-Dôme en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai...

Vu la requête, enregistrée le 16 octobre 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie et régularisée par la production de l'original le 18 octobre 2011, présentée pour Mme Basrije A, élisant domicile chez Me Norbert Clément 69 rue Jules Watteeuw à Roubaix (59100), par Me N. Clément ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104746 du 19 août 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 mai 2011 du préfet du Puy-de-Dôme en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixe le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite, d'une part, et de la décision du même préfet du 17 août 2011 la plaçant en rétention, d'autre part ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de Me Clément qui renoncera à percevoir l'aide juridictionnelle ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,

- les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public,

- et les observations de Me N. Clément, avocat de Mme A ;

Considérant que Mme A, née le 29 mai 1981 à Podujevo, alors en République fédérative socialiste de Yougoslavie, est entrée en France, selon ses déclarations, le 30 décembre 2010 et a déposé une demande d'asile le 11 janvier 2011 ; que, par une décision du 26 janvier 2011, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 31 mars 2011 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par un arrêté en date du 9 mai 2011, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité de réfugiée et un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a décidé qu'elle pourrait être reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays dans lequel elle établit être légalement admissible ; que le 17 août 2011, le préfet du Puy-de-Dôme a ordonné son placement au centre de rétention administrative de Lille-Lesquin ; que, par un jugement en date du 19 août 2011, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, statuant selon la procédure prévue par l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable, a rejeté les conclusions de Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2011 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi, d'une part, et de la décision du 17 août 2011 la plaçant en rétention administrative, d'autre part ; que l'intéressée relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que, par une décision en date du 3 février 2012, postérieure à l'arrêté du 9 mai 2011 attaqué, la Cour nationale du droit d'asile a reconnu à Mme A la qualité de réfugiée ; qu'à sa suite, le préfet du Puy-de-Dôme a délivré à l'intéressée le 14 mai 2012 un récépissé, valable jusqu'au 13 août 2012, constatant la reconnaissance d'une protection internationale, valant autorisation de séjour dans l'attente de la délivrance d'une carte de résident ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant abrogé son arrêté du 9 mai 2011, lequel n'a reçu aucune exécution ; que, par suite, les conclusions de Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2011 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe son pays de renvoi et au prononcé d'une injonction sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions dirigées contre le placement en rétention administrative :

Considérant, d'une part, que si la décision du préfet du Puy-de-Dôme du 17 août 2011 ordonnant le placement en rétention de Mme A pour une durée de cinq jours était entièrement exécutée à la date du 16 octobre 2011 à laquelle l'intéressée a présenté sa requête d'appel, cette seule circonstance n'était pas de nature à lui retirer un intérêt à introduire un recours contre le jugement rejetant sa demande d'annulation de cette décision ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Nord doit être écartée ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 de l'article 15 de la directive du 16 décembre 2008 : " À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque : / a) il existe un risque de fuite, ou / b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. / Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise " ; qu'aux termes du 1 de l'article 17 de la même directive relatif à la " rétention des mineurs et des familles " : " Les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu'en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / ( ...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 du même code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1 : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, lorsque l'étranger est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du présent code, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l'étranger (...) " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / f° Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, intervenues pour transposer la directive communautaire du 16 décembre 2008 susvisée et éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 16 juin 2011, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle entend mettre à exécution l'une des décisions d'éloignement visées à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prise à l'égard d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, d'apprécier, au regard des circonstances propres à l'intéressé, notamment au regard du risque que celui-ci tente de se soustraire à la mesure d'éloignement et aux garanties de représentation effectives dont il dispose, s'il peut le laisser en liberté, l'assigner à résidence, ou le placer en rétention administrative ; que, s'agissant des étrangers parents d'enfants mineurs ne présentant pas de garanties suffisantes de représentation, visés à l'article L. 562-1 de ce code, et conformément aux objectifs de l'article 17 de la directive, le recours au placement en rétention ne doit constituer qu'une mesure d'exception réservée au cas où l'étranger ne disposerait pas, à la date à laquelle l'autorité préfectorale prend les mesures nécessaires à la préparation de l'éloignement, d'un lieu de résidence stable ;

Considérant que le placement en rétention administrative de Mme A était motivé par la circonstance que cette dernière ne justifiait pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir son risque de fuite compte tenu de ce qu'elle était démunie de tout document de circulation transfrontière et qu'elle ne disposait ni de ressources, ni de domicile personnel ; que, toutefois, Mme A et l'ensemble de sa famille composée de son époux et de leurs trois enfants nés en 2001, en 2004 et en 2007 résidaient de façon habituelle dans un hôtel depuis le mois de juillet 2011 dans le cadre de leur prise en charge par une association spécialisée dans l'hébergement d'urgence ; qu'il n'est pas contesté que, lors d'un contrôle effectué le 10 août 2011, les services de police ont pu constater leur présence à cette adresse où ils les ont interpellés afin de les placer en rétention une semaine plus tard ; qu'au surplus, la requérante et sa famille avaient constamment élu domicile à la même adresse postale depuis leur arrivée en France ; qu'elle-même et son époux étaient dans l'attente de l'examen par la Cour nationale du droit d'asile de leur recours dirigé contre la décision de rejet prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mars 2011 sur leur demande d'asile qui a, au demeurant, abouti ; que Mme A devait donc être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme disposant d'un lieu de résidence stable ; que, dans ces conditions, le préfet du Puy-de-Dôme ne pouvait, sans erreur d'appréciation, considérer que Mme A, compte tenu de sa qualité de parent de trois enfants mineurs, présentait un risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français dont elle faisait l'objet et ordonner son placement en rétention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 août 2011 du préfet du Puy-de-Dôme la plaçant en rétention administrative ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Clément, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Clément de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2011 du préfet du Puy-de-Dôme.

Article 2 : La décision du 17 août 2011 du préfet du Puy-de-Dôme est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Clément, avocat de Mme A, une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Basrije A, au ministre de l'intérieur et à Me Norbert Clément.

Copie sera adressée pour information au préfet du Puy-de-Dôme et au préfet du Nord.

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N°11DA01598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA01598
Date de la décision : 13/08/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-08-13;11da01598 ?
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