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13/11/2014 | FRANCE | N°14DA00381

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 13 novembre 2014, 14DA00381


Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2014, présentée pour M. A...C..., élisant domicile..., par Me B... D... ; M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306536 du 8 novembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2013 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français et ordonne son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler dans cette mesure cet arrêté ;

3°) d'enjo

indre au préfet, sous astreinte de 155 euros par jour de retard à l'expiration d'un dél...

Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2014, présentée pour M. A...C..., élisant domicile..., par Me B... D... ; M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306536 du 8 novembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2013 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français et ordonne son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler dans cette mesure cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 155 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de l'admettre provisoirement au séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à Me D...dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, est insuffisamment motivé ;

- sa situation ne relevait pas du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les articles L. 211-1 et R. 211-3 du même code n'étaient pas applicables à sa situation ;

- la mesure de placement en rétention ne pourra qu'être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2014, présenté par le préfet du Pas-de-Calais, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- l'arrêté en litige est suffisamment motivé ;

- M. C...entrait dans le champ d'application du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de décider qu'il serait obligé de quitter le territoire français ;

- les articles L. 211-1 et R. 211-3 du même code n'étaient pas applicables à sa situation ;

Vu la décision en date du 13 janvier 2014 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai admettant M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

Vu le règlement (CE) n° 562/2006 du parlement européen et du conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;

Vu le règlement (UE) n° 1091/2010 du parlement européen et du conseil du 24 novembre 2010 modifiant le règlement (CE) n° 539/2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller ;

1. Considérant que M.C..., ressortissant albanais, relève appel du jugement du 8 novembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2013 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français et ordonne son placement en rétention administrative ;

2. Considérant qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, en tant qu'il fait obligation à M. C...de quitter le territoire français ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 20 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur le territoire des Parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de la première entrée, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) " ; qu'au nombre de ces conditions figurent notamment celles tenant à la possession, d'une part, de documents valables permettant le franchissement de la frontière, d'autre part, de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour, ou de garanties d'obtenir légalement de tels moyens ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du 15 mars 2006 susvisé : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / a) être en possession d'un document ou de documents de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière ; / (...) / c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ; / (...) " ; qu'en vertu de l'article premier du règlement (UE) n° 1091/2010 du 24 novembre 2010 susvisé, les ressortissants albanais titulaires d'un passeport biométrique sont exemptés de l'obligation de visa pour des séjours dont la durée totale n'excède pas trois mois ;

5. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-1 de ce code : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Sous réserve des conventions internationales (...) des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 211-3 du même code : " Lorsque l'entrée en France est motivée par un transit, l'étranger justifie qu'il satisfait aux conditions d'entrée dans le pays de destination " et qu'aux termes de l'article R. 211-29 du même code : " (...) / Le contrat d'assurance souscrit par l'étranger ou par l'hébergeant pour le compte de celui-ci doit couvrir, à hauteur d'un montant minimum fixé à 30 000 euros, l'ensemble des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, susceptibles d'être engagées pendant toute la durée du séjour en France " ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions précités que si les ressortissants albanais qui détiennent, comme c'est, en l'espèce, le cas de M. C..., un passeport biométrique, sont exemptés de l'obligation de visa pour des séjours dont la durée totale n'excède pas trois mois au sein de l'espace Schengen, ils doivent cependant, y compris pour des séjours inférieurs à trois mois, d'une part, justifier de l'objet et des conditions de leur séjour, d'autre part, disposer des moyens de subsistance suffisants ou démontrer être en mesure de les acquérir légalement, enfin, être à même de produire une attestation de prise en charge, par un opérateur d'assurance agréé, des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'ils pourraient engager durant toute la durée de leur séjour en France ; qu'en outre, dans l'hypothèse où leur entrée sur le territoire français est seulement effectuée à l'occasion d'un transit vers un autre pays de l'Union, les ressortissants albanais concernés doivent justifier qu'ils satisfont aux conditions d'entrée dans le pays de destination ;

7. Considérant qu'il ressort du procès-verbal d'audition de M.C..., établi le 4 novembre 2013 par un fonctionnaire de la police aux frontières, que l'intéressé, qui avait été interpellé le jour même, en compagnie de son cousin et de deux autres ressortissants albanais, dans une zone de transit située sur le site d'Eurotunnel, a notamment déclaré être entré la veille sur le territoire français dans le seul but de se rendre en Grande-Bretagne, n'avoir en sa possession qu'une somme d'environ cent euros et ne pas disposer d'un titre de transport permettant son retour vers son pays de départ, ni d'une attestation de nature à justifier de sa prise en charge par un opérateur d'assurance maladie, ni même d'un quelconque titre l'autorisant à entrer en Grande-Bretagne ; que, si, postérieurement à ces déclarations, l'intéressé a produit une attestation d'assurance santé, il admet lui-même que la durée de validité de ce dernier document, qui n'est au demeurant pas rédigé en langue française, ni accompagné d'une traduction, expirait le 3 novembre 2013, soit à la date même à laquelle l'intéressé a indiqué être entré sur le territoire français ; qu'ainsi, M. C... ne peut sérieusement prétendre qu'il justifiait, à cette date, d'une garantie suffisante à lui permettre de faire face aux dépenses de santé qu'il pouvait être amené à exposer durant toute la durée de son séjour en France, fût-elle inférieure à trois mois ; qu'il suit de là et en tout état de cause, que M. C...n'est pas fondé à prétendre que, pour estimer que sa situation relevait du 1° précité du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 211-1 et R. 211-3 du même code, le préfet du Pas-de-Calais, d'une part, se serait mépris dans l'appréciation de sa situation, d'autre part, aurait méconnu le champ d'application ou fait une inexacte application de ces dispositions ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2013 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français et ordonne son placement en rétention administrative ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 30 octobre 2014 à laquelle siégeaient :

- M. Edouard Nowak, président de chambre,

- Mme Isabelle Agier-Cabanes, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 novembre 2014.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : E. NOWAK

Le greffier,

Signé : B. LEFORT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Béatrice Lefort

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N°14DA00381


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 13/11/2014
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14DA00381
Numéro NOR : CETATEXT000029778666 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-11-13;14da00381 ?
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