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12/12/2014 | FRANCE | N°14DA00205

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 12 décembre 2014, 14DA00205


Vu la requête, enregistrée le 3 février 2014, présentée par le préfet de la Seine-Maritime ;

Le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303531 du 30 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. E...C..., son arrêté du 27 décembre 2013 obligeant l'intéressé à quitter le territoire français sans délai et son arrêté du même jour ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

2°) de rejeter les conclusion

s dirigées contre ces arrêtés présentées par M. C...devant le tribunal administratif ;

..........

Vu la requête, enregistrée le 3 février 2014, présentée par le préfet de la Seine-Maritime ;

Le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303531 du 30 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. E...C..., son arrêté du 27 décembre 2013 obligeant l'intéressé à quitter le territoire français sans délai et son arrêté du même jour ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

2°) de rejeter les conclusions dirigées contre ces arrêtés présentées par M. C...devant le tribunal administratif ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 13 novembre 2014 du président de la cour désignant M. Laurent Domingo pour exercer les fonctions de rapporteur public à l'audience du 27 novembre 2014 ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur ;

Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif :

1. Considérant que, lorsqu'un fonctionnaire a régulièrement reçu délégation de signature en cas d'absence ou d'empêchement de ses supérieurs hiérarchiques, l'acte administratif signé par lui et entrant dans le champ de la délégation qu'il a reçue ne peut être regardé comme entaché d'incompétence lorsqu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ses supérieurs n'auraient pas été absents ou empêchés ;

2. Considérant que, par un arrêté du 3 septembre 2013, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, le préfet de la Seine-Maritime a donné à Mme B...D..., adjointe au chef de service de l'immigration de la préfecture de la Seine-Maritime, délégation à l'effet de signer notamment et en cas d'urgence les mesures d'éloignement, de mise en rétention administrative, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., chef de service ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière n'aurait pas été empêchée le jour où la décision en litige a été prise ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal de Rouen a, au motif de l'incompétence de MmeD..., annulé son arrêté du 27 décembre 2013 obligeant M. C... à quitter le territoire français sans délai et son arrêté du même jour ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Rouen ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant que la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et des articles R. 511-1 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, dès lors qu'il dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet doit, lorsqu'il envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime disposait à la date de la décision contestée d'éléments d'information précis permettant d'établir que M.C..., qui s'est borné à produire les résultats d'un prélèvement sanguin du 22 mars 2012 qui mettrait en évidence une atteinte par les virus de l'hépatite B et C, présentait un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de saisine du médecin de l'agence régionale de santé doit être écarté ;

7. Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention d'une obligation de quitter le territoire français, de la décision pouvant être prise à cette occasion de ne pas accorder à l'étranger de délai pour y satisfaire, de l'interdiction de retour sur le territoire français et de la décision mentionnant le pays de destination ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

8. Considérant que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne [C-383/13 PPU du 10 septembre 2013] une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux d'audition par la police judiciaire du Havre des 26 décembre et 27 décembre 2013 que M.C..., à deux reprises, a refusé d'être auditionné et n'a pu faire état, de ce seul fait, de divers éléments liés à sa situation personnelle ; que, dans ces conditions, M. C...n'a pas été privé de son droit à être préalablement entendu avant la mesure d'éloignement afin de porter à la connaissance de l'autorité administrative les éléments pertinents susceptibles d'influer sur le sens de la décision ; que, par suite, la décision contestée n'a pas méconnu le principe général du droit d'être entendu qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., de nationalité tchétchène, né le 2 décembre 1979, a déclaré, sans l'établir, être entré en France en avril 2012 en provenance des Pays-Bas ; qu'il demeurait sur le territoire national tout au plus depuis dix-huit mois à la date de la décision contestée ; que s'il se prévaut de ce que sa mère et sa soeur vivraient en France en situation régulière et de ce qu'il aurait travaillé pour la communauté Emmaüs d'Amiens puis du Havre, ces faits ne sont pas corroborés par les pièces du dossier ; que sa relation avec sa compagne, qu'il connaissait depuis deux mois avait pris fin peu de temps avant son interpellation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé impliquerait un maintien en France ; qu'ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé sur le territoire français, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet de la Seine-Maritime n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité ;

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. C...n'est pas fondé à soutenir que le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est dépourvu de base légale à raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

12. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.C..., les dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles s'est fondé le préfet de la Seine-Maritime pour lui refuser un délai de départ volontaire, qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, ne sont pas incompatibles avec celles de la directive 2008/115/CE que la loi du 16 juin 2011 précitée a eu pour objet de transposer ; qu'en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans un des cas définis par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger, à même d'assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives ; que, par suite, le moyen, tiré de l'incompatibilité des dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec la directive 2008/115/CE, doit être écarté ;

13. Considérant qu'aux termes du 3° du paragraphe II de l'article L. 511-1 du même code : " / (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

14. Considérant que, pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M.C..., le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur les dispositions du a) et du f) de l'article précité ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...ne présente aucun document d'identité et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'en outre, M. C...est démuni de tous documents de voyage et a déclaré être sans domicile fixe ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant un délai de départ volontaire à l'intéressé ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'illégalité ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

16. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 que l'intéressé n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;

17. Considérant que M. C... ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'il encourrait des risques le visant personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité ;

Sur l'arrêté ordonnant le placement en rétention administrative :

19. Considérant que la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 15 que l'intéressé n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision de refus de délai de départ volontaire pour soutenir que la décision ordonnant le placement en rétention administrative serait privée de base légale ;

21. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ;

22. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui déclare être sans domicile fixe, est démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'il ne présente donc pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir tout risque de fuite pour l'application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, ordonner le placement en rétention administrative de M. C...;

23. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative est entaché d'illégalité ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 27 décembre 2013 obligeant M. C...à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination et son arrêté du même jour ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C...devant le tribunal administratif de Rouen doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 décembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...C....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°14DA00205 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA00205
Date de la décision : 12/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-12-12;14da00205 ?
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