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20/01/2015 | FRANCE | N°14DA00132

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 20 janvier 2015, 14DA00132


Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2014, présentée par le préfet de l'Oise, qui demande à la cour, d'annuler le jugement n° 1307270 du 17 décembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé l'arrêté du 12 décembre 2013 refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B...A...et la décision du même jour le plaçant en rétention administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;
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Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2014, présentée par le préfet de l'Oise, qui demande à la cour, d'annuler le jugement n° 1307270 du 17 décembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé l'arrêté du 12 décembre 2013 refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B...A...et la décision du même jour le plaçant en rétention administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller ;

1. Considérant que le préfet de l'Oise relève appel du jugement du 17 décembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé l'arrêté du 12 décembre 2013 refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A...et la décision du même jour le plaçant en rétention administrative ;

2. Considérant que M.A..., de nationalité algérienne né le 16 novembre 1988, a été interpellé le 12 décembre 2013 par les services de la police et a déclaré être entré en France en avril 2011 dépourvu de document d'identité ou de voyage en se prévalant d'une fausse identité ; que, par un arrêté du 12 décembre 2013, le préfet de l'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire au motif que le risque de fuite au sens du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était établi et, par une décision du même jour, l'a placé en rétention administrative au motif qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. L'autorité administrative peut faire application du deuxième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa. (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. A...a justifié par la suite être entré sur le territoire français sous couvert d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa délivré par les autorités roumaines, il s'était déjà soustrait à une précédente mesure d'éloignement prononcée le 27 novembre 2012 par le préfet de police et à l'occasion de laquelle il avait dissimulé sa véritable identité afin de ne pas être reconnu par les autorités consulaires de son pays d'origine ; que si l'intéressé a déclaré, lors de son interpellation, être hébergé chez son oncle à Colombes, il ne justifie toutefois pas d'une résidence stable et permanente à cette adresse en se bornant à produire outre une facture d'électricité établie au nom de M. A...E..., une attestation émanant de la mairie de Beauvais mentionnant cette domiciliation en vue du dépôt de son dossier de mariage ; qu'enfin M.A..., qui s'était encore prévalu lors de son interpellation de sa fausse identité, n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour depuis son entrée sur le territoire français ; qu'il entrait donc, en l'absence de circonstances particulières, dans le champ d'application des dispositions précitées du d) et du f ) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de l'Oise n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à M. A...un délai de départ volontaire ; que le préfet de l'Oise est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision de refus de délai de départ volontaire au motif que le risque de fuite n'avait pas été établi ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de son interpellation pour séjour irrégulier le 12 décembre 2013, M. A...s'est prévalu d'une fausse identité ainsi que d'une adresse dont l'effectivité et la stabilité n'était pas avérée à la date de la décision attaquée ; qu'il s'était également soustrait à une précédente mesure d'éloignement en revendiquant le fait qu'il a tenté d'égarer l'administration en dissimulant déjà à cette occasion son véritable patronyme ; qu'ainsi, M. A...ne présentait pas de garanties de représentation effectives au sens de l'article L. 561-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé au motif que ce dernier était dépourvu de garanties de représentation effectives ; qu'il suit de là que le représentant de l'Etat est également fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 12 décembre 2013 prononçant le placement en rétention de M.A... au motif que ce dernier présentait des garanties de représentation suffisantes ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif à l'encontre de ces décisions ;

Sur le refus de délai de départ volontaire :

7. Considérant que la décision attaquée, qui vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique, notamment, que M. A...déclare être entré en France en avril 2011, qu'il n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour et que le risque de fuite au sens du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est établi, comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;

8. Considérant que M. A...excipe de l'illégalité de la décision du 12 décembre 2013 lui faisant obligation de quitter le territoire français ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les conclusions en annulation qu'il a formées contre cette décision ont été rejetées par le jugement du tribunal administratif de Lille du 17 décembre 2013, devenu définitif sur ce point ; que, par suite, le moyen invoqué par M. A...et tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

9. Considérant que le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé, que M. A...a été entendu par les services de police le 10 décembre 2013 dans le cadre de la procédure de retenue prévue par les dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, les raisons et conditions de son entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement ; que M. A...a eu ainsi la possibilité, au cours de cet entretien, de faire valoir utilement ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ;

Sur le placement en rétention administrative :

10. Considérant que M. C...D..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, qui a signé la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation du préfet de l'Oise, en date du 26 août 2013, régulièrement publiée, à l'effet notamment de signer la décision en litige ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté comme manquant en fait ;

11. Considérant que la décision attaquée, qui se réfère notamment aux articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique, qu'en l'absence de moyen de transport immédiat, M. A...n'est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire français ; qu'elle relève, en outre, qu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet et qu'il ne peut donc pas bénéficier d'une assignation à résidence ; qu'elle comporte, ainsi, l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est, dès lors, suffisamment motivée ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt que M. A... ne peut se prévaloir de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative est privé de base légale ;

13. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision ordonnant le placement en rétention administrative aurait méconnu le droit d'être entendu doit être écarté ;

14. Considérant qu'en vertu de la directive du 16 décembre 2008, le placement en rétention n'est possible que si l'assignation à résidence n'est pas suffisante pour éviter le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes de la directive que, d'une part, le placement en rétention peut trouver à s'appliquer notamment s'il existe un risque de fuite ou si l'étranger empêche la réalisation de la mesure d'éloignement et que, d'autre part, l'assignation à résidence ne doit être privilégiée que dans des cas particuliers et à condition que cette mesure puisse être appliquée efficacement ; qu'il résulte du II de l'article L. 511-1 et de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la rétention administrative de l'étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français n'est possible que s'il s'est soustrait à cette obligation ou s'il existe des éléments objectifs qui, sauf circonstances particulières, permettent à l'autorité administrative de regarder comme établi le risque qu'il s'y soustraie ; que les cas particuliers justifiant que soit prononcé un placement en rétention administrative prévus à l'article 15 de la directive précitée sont définis à l'article L. 561-2 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, l'autorité administrative est tenue d'effectuer, sous le contrôle du juge, un examen de la situation de chaque étranger afin notamment d'examiner si les conditions légales permettant le placement en rétention sont réunies et si l'étranger bénéficie de garanties de représentation effectives ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne méconnaissent pas l'exigence de proportionnalité rappelée par le 4 de l'article 8 de cette directive ainsi que son seizième considérant ; que par suite, le moyen tiré la méconnaissance de cette exigence doit être écarté ;

15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de son interpellation pour séjour irrégulier le 12 décembre 2013, M. A...a déclaré une fausse identité et être démuni de tout document d'identité ; que par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, qu'il ne justifie pas d'une résidence stable et permanente sur le territoire français ; qu'ainsi, et alors même qu'il a produit par la suite, un passeport en cours de validité, il ne présentait pas de garanties de représentation effectives au sens de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de M. A... ; qu'il ressort enfin des pièces du dossier que la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 12 décembre 2013 en tant qu'il a refusé d'accorder à M. A...un délai de départ volontaire et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 4 du jugement n° 1307270 du 17 décembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille dirigées contre les décisions de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et de placement en rétention administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

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N°14DA00132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00132
Date de la décision : 20/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Marjanovic

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-01-20;14da00132 ?
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