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03/02/2015 | FRANCE | N°13DA01456

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 03 février 2015, 13DA01456


Vu la requête, enregistrée le 26 août 2013, présentée pour la commune de Laucourt, représentée par son maire en exercice, par Me J...G...; la commune de Laucourt demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100352 du 11 juin 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, retenu sa responsabilité partielle dans le décès de M. K... A...à la suite de l'accident dont il a été victime le 14 mars 2009 et, d'autre part, rejeté l'appel en garantie qu'elle avait formé contre la société RLM-TP ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...et de ses enf

ants ;

3°) de réformer le jugement en ce qui concerne le montant de l'indemnisa...

Vu la requête, enregistrée le 26 août 2013, présentée pour la commune de Laucourt, représentée par son maire en exercice, par Me J...G...; la commune de Laucourt demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100352 du 11 juin 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, retenu sa responsabilité partielle dans le décès de M. K... A...à la suite de l'accident dont il a été victime le 14 mars 2009 et, d'autre part, rejeté l'appel en garantie qu'elle avait formé contre la société RLM-TP ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...et de ses enfants ;

3°) de réformer le jugement en ce qui concerne le montant de l'indemnisation accordée à Mme A...et à ses enfants en réparation des préjudices qu'ils ont subis ;

4°) d'appeler la SARL RLM-TP à la garantir de toutes les condamnations pécuniaires et les conséquences dommageables susceptibles d'être mises à sa charge résultant de l'accident dont M. A...a été victime le 14 mars 2009 ;

5°) de mettre à la charge de la SARL RLM-TP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- les observations de Me I...C..., substituant Me Catherine Quetu, avocat des consortsA..., et de Me Isabelle Veillard, avocat de la SARL RLM-TP ;

1. Considérant que M. A...est décédé en effectuant un travail d'élagage d'arbres, en compagnie de M. H...D..., sur le territoire de la commune de Laucourt ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a reconnu que la responsabilité de la commune devait être partiellement engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute à l'égard d'un collaborateur occasionnel du service public ; que la commune de Laucourt relève appel de ce jugement ; que MmeA..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, présente, par la voie de l'appel incident, des conclusions tendant à ce que la responsabilité de la commune soit intégralement retenue et à ce que le montant des frais funéraires soient pris en compte dans l'indemnisation de son préjudice ; qu'enfin, l'Etat conclut, par la voie de l'appel incident, à ce que la commune de Laucourt soit condamnée à lui verser l'intégralité des sommes qui ont été allouées à Mme A...au titre des diverses prestations financières incombant à l'Etat ;

Sur la responsabilité de la commune :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...est décédé le 14 mars 2009 à la suite de l'effondrement de la nacelle dans laquelle il se trouvait pour effectuer des travaux d'élagage d'arbres communaux situés place Henri Bayard à Laucourt et dont les branches pouvaient présenter un danger pour les usagers de cette voie publique ; que ces travaux correspondaient à l'exécution d'un service public incombant à la commune de Laucourt ; que les opérations d'élagage ont été exécutées par une personne qui faisait acte de volontariat avec l'accord exprès de la commune qui a mis à sa disposition le chariot élévateur nécessaire à la réalisation de ces travaux ; que la circonstance que la collectivité locale ait autorisé M. A...à conserver le bois coupé pour son usage personnel, alors même que son ramassage faisait partie de la mission qu'il s'était proposé d'accomplir, n'était pas de nature à lui dénier la qualité de collaborateur occasionnel du service public ; que, par suite, M. A..., qui n'était pas lié par un contrat de travail à la commune de Laucourt, pouvait rechercher la responsabilité de celle-ci sur le fondement du risque qu'il encourait du fait de cette collaboration, sans que la commune requérante ne puisse utilement se prévaloir, pour atténuer cette responsabilité, du fait d'un tiers ou de l'exception de risque accepté par la victime ;

3. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que l'accident est lié en partie à l'imprudence de la victime qui, bien que ne possédant pas d'habilitation pour le maniement du chariot élévateur, a insisté auprès de la commune pour utiliser ce type de matériel sans s'informer précisément des particularités de son maniement, lors de la démonstration effectuée par un salarié de l'entreprise propriétaire de l'engin donné en location à la commune ; qu'il ressort en outre des termes mêmes du rapport d'enquête de gendarmerie, qu'en dépit des différents pictogrammes apposés sur la cabine de conduite ou sur la nacelle, les règles élémentaires de sécurité relatives au déploiement de l'engin sur une hauteur de 17 mètres n'ont pas été respectées et que M. A...ne portait aucun casque, ni harnachement lors de l'accident ; qu'enfin, l'expertise diligentée par le procureur de la République a établi que si le jour de l'accident régnait un vent défavorable, principalement responsable du basculement de la nacelle, la chute de la victime est également due, dans une moindre mesure, à une surcharge occasionnée par la présence à son bord de deux personnes avec leur matériel d'élagage, l'ensemble excédant le poids maximum de 200 kilos requis pour ce type de chariot élévateur ; qu'en retenant que ces diverses imprudences exonéraient la responsabilité de la commune à hauteur de 30 %, les premiers juges ont fait une juste appréciation des responsabilités encourues ;

Sur l'indemnisation des préjudices :

En ce qui concerne les pertes de revenus :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de son décès au mois de mars 2009, M.A..., qui exerçait les fonctions de contrôleur des impôts de 2ème classe parvenu au 9ème échelon de son grade, percevait un traitement brut annuel, indemnités comprises, de 29 903 euros ; que dans le cadre d'un déroulement normal de carrière M.A..., qui serait parvenu au mois de janvier 2015, date à laquelle la cour statue, au grade de contrôleur de 1ère classe de 9ème échelon, aurait perçu un traitement brut annuel, indemnités comprises, de 32 351 euros ; que MmeA..., qui a deux enfants mineurs, et alors même qu'elle aurait exercé une activité rémunérée à temps partiel au cours de l'année 2008, peut prétendre disposer de 40 % des revenus apportés par son mari au ménage soit 12 940 euros ; que la part revenant à chacun des deux enfants peut être évaluée à 20 % soit un montant de 6 470 euros ; que, compte tenu du barème de capitalisation établi en 2011 sur la base des tables de mortalité établie par l'INSEE, la valeur du point de rente pour un homme âgé de 43 ans s'établit à 24,138 ; que, par suite, le capital revenant à Mme A...s'élève à 312 346 euros dont il convient de retrancher, d'une part, le capital décès, soit 22 687 euros, versé par l'Etat au titre de l'article D 712-19 du code de la sécurité sociale, d'autre part, la capitalisation de la pension de réversion, soit un montant de 64 847 euros, et, enfin, le capital décès de 27 430 euros versé par la Mutuelle des finances publiques ; que, dès lors, le capital compensant la perte de revenus de Mme A...s'élève à 197 382 euros ; que compte tenu de l'âge respectif des enfants de Mme A...au décès de leur père, soit 13 ans pour E...et 10 ans pourF..., et eu égard à l'âge moyen jusqu'auquel les enfants restent à la charge de leurs parents dans la société française, qui peut être estimé à 21 ans avec une valeur du point de rente fixé respectivement à 8,206 pour E...et 10,589 pourF..., le capital compensant la perte de revenu de chacun des enfants s'élève, après déduction des sommes versées au titre du capital décès et de l'allocation d'orphelin, à un montant de 44 268 euros pour E...et de 58 916 euros pourF... ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

5. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de Mme A...et de ceux de ses enfants en leur allouant une somme de 20 000 euros chacun ;

En ce qui concerne les frais funéraires :

6. Considérant que Mme A...a supporté, à la suite du décès de son époux, des frais d'obsèques d'un montant de 3 704 euros ; que ces frais d'obsèques, qui ont été justifiés, font partie des préjudices indemnisables sans que s'y oppose, dès lors que Mme A...n'a perçu aucune indemnité spécifique destinée à financer ces frais, la circonstance qu'un capital décès ait été versé à cette dernière ; que, par suite, Mme A...est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que le jugement du tribunal administratif d'Amiens qui a omis de mentionner, dans son dispositif, l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être réformé sur ce point ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6, que, compte tenu du partage de responsabilité déterminé au point 3, les préjudices subis par Mme A...et par ses enfants mineurs, E...etF..., du fait du décès de M.A..., doivent être évalués respectivement à la somme de 154 760 euros, de 44 987 euros et de 55 241 euros ; que, toutefois, il convient de limiter les indemnités revenant aux deux enfants aux sommes réclamées par appel incident, soit 41 727,04 euros pour E...et 50 803,84 euros pourF... ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Laucourt est seulement fondée à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif l'a condamnée à verser à MmeA..., soit ramenée à la somme de 154 760 euros ;

Sur l'appel en garantie de la commune de Laucourt :

9. Considérant que la commune de Laucourt demande à être garantie des condamnations prononcées contre elle par la SARL RLM-TP, propriétaire de l'engin de levage pris en location par la commune de Laucourt ; qu'il résulte de l'instruction, que le contrat de location mentionne que le locataire déclare connaître le fonctionnement et les normes de sécurité du matériel loué et que le personnel de l'entreprise de location a délivré les consignes de sécurité usuelles à l'utilisateur de l'engin ; que, dès lors, la SARL RLM-TP, à laquelle il n'appartenait pas de veiller à ce que l'engin donné en location soit utilisé dans le respect des consignes de sécurité figurant sur la nacelle et rappelées à l'utilisateur lors de la réception de l'engin de levage, a accompli les démarches lui incombant ; que, dès lors, aucune faute ne peut lui être imputée ; que, par suite, la commune de Laucourt n'est pas fondée à soutenir que la SARL RLM-TP aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité et à demander sa condamnation à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;

Sur les conclusions de l'Etat :

10. Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'indemnisation à laquelle l'Etat pouvait prétendre en la fixant, compte tenu du partage de responsabilité mentionné au point 3, à un montant 62 607,97 euros ; que l'appel incident du ministre des finances et des comptes publics ne peut qu'être rejeté ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la commune de Laucourt, de Mme A...et de l'Etat présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Laucourt une somme de 1 000 euros à verser à la société RLM-TP au titre des dispositions précitées du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 182 850,67 euros que la commune de Laucourt a été condamnée à verser à Mme A...par le jugement du 11 juin 2013 est ramenée à 154 760 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1100352 du tribunal administratif d'Amiens du 11 juin 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de l'appel incident de Mme A...sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions du ministre des finances et des comptes publics présentées par la voie de l'appel incident et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La commune de Laucourt versera à la SARL RLM-TP une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Laucourt, à Mme B...A..., à la SARL RLM-TP, à la SMACL Assurances et au ministre des finances et des comptes publics.

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N°13DA01456


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité fondée sur le risque créé par certaines activités de puissance publique. Responsabilité fondée sur l'obligation de garantir les collaborateurs des services publics contre les risques que leur fait courir leur participation à l'exécution du service. Collaborateurs bénévoles.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SCP LEPRETRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 03/02/2015
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13DA01456
Numéro NOR : CETATEXT000030189571 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-02-03;13da01456 ?
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