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03/02/2015 | FRANCE | N°14DA00296

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 03 février 2015, 14DA00296


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2014, présentée par le préfet de l'Oise ; le préfet demande à la cour d'annuler le jugement n° 1400418 du 27 janvier 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 21 janvier 2014 obligeant M. E...à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination de son pays d'origine et celui du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces du dossier desquelle...

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2014, présentée par le préfet de l'Oise ; le préfet demande à la cour d'annuler le jugement n° 1400418 du 27 janvier 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 21 janvier 2014 obligeant M. E...à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination de son pays d'origine et celui du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été communiquée à M. E... qui n'a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur ;

1. Considérant que le préfet de l'Oise relève appel du jugement du 27 janvier 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé, d'une part, l'arrêté du 21 janvier 2014 par lequel le préfet de l'Oise a prononcé à l'encontre de M.E..., ressortissant marocain né le 6 juin 1965, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination de son pays d'origine, d'autre part, celui du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. E...déclare être entré en France en 2003 et y avoir résidé depuis lors, il ne justifie pas de la date à laquelle il est effectivement entré sur le territoire national, ni de sa présence habituelle et continue pour la période dont il se prévaut ; qu'il n'a jamais sollicité la régularisation de sa situation administrative depuis qu'il séjourne en France ; que la circonstance que des membres de sa fratrie résident en France n'est pas de nature à démontrer que l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, ne disposerait plus d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-huit ans ; qu'enfin, la fragilité psychologique de M.E..., dont a fait état le premier juge, n'est, en tout état de cause, attestée par aucune pièce du dossier ; que, par suite, eu égard aux conditions de séjour de M. E..., la mesure d'éloignement prise par le préfet de l'Oise n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.E... ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé, pour ces motifs, les arrêtés du 21 janvier 2014 ;

3. Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant que, par un arrêté du 26 août 2013, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, M. A...B..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation de M. D...C..., préfet de l'Oise, pour signer en son nom tous arrêtés, correspondances, décisions, requêtes et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les mesures concernant les étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'obligation de quitter le territoire français manque en fait ;

5. Considérant que l'arrêté comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; qu'il est dès lors suffisamment motivé ;

6. Considérant que le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé, que M. E...a été entendu par les services de police en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, les raisons et conditions de son entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement ; que le requérant a eu ainsi la possibilité, au cours de cet entretien, de faire valoir utilement ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que l'arrêté du préfet de l'Oise n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, M.E..., qui n'établit pas entrer dans une catégorie d'étrangers pouvant bénéficier de la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit, mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir ; que, par suite, M.E..., qui ne saurait utilement se prévaloir des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 relatifs à l'application de l'article L. 313-14 du code précité, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Oise ne pouvait ainsi procéder à son éloignement du territoire français ;

Sur l'absence de délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de délai de départ volontaire de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée ;

9. Considérant que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est dès lors suffisamment motivé ;

10. Considérant qu'il ressort de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu doit être écarté ;

11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...), l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.E..., qui est entré irrégulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il ne dispose pas de document d'identité ou de voyage en cours de validité et n'établit pas, par la production d'une attestation d'hébergement postérieure à l'arrêté, disposer d'une adresse stable sur le territoire français ; que, dès lors, il ne peut être regardé comme présentant les garanties de représentation suffisantes ; qu'il entrait donc, en l'absence de circonstances particulières, dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le représentant de l'Etat n'établirait pas l'existence d'un risque de se soustraire à l'exécution d'une mesure d'éloignement doit être écarté ;

Sur le placement en rétention administrative :

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à exciper à l'appui de ses conclusions dirigées contre le placement en rétention administrative de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée ;

14. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 4 que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ; qu'il doit dès lors être écarté ;

15. Considérant que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est dès lors suffisamment motivé ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 12 que M. E...ne peut être regardé comme présentant les garanties de représentation suffisantes ; que, dès lors, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant son placement en rétention administrative ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le préfet n'a pas entaché l'arrêté prononçant la rétention administrative de M.E... d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé les arrêtés du 21 janvier 2014 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400418 du 27 janvier 2014 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F...E....

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

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N°14DA00296


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 03/02/2015
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14DA00296
Numéro NOR : CETATEXT000030189584 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-02-03;14da00296 ?
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