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05/03/2015 | FRANCE | N°14DA00510

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 05 mars 2015, 14DA00510


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés le 20 mars 2014, le 25 mars 2014 et le 17 juin 2014, présentés par le préfet de l'Eure ; le préfet de l'Eure demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303059 du 18 février 2014 du tribunal administratif de Rouen par lequel, d'une part, a été annulé, à la demande de Mme B...C...épouseA..., l'arrêté du 27 septembre 2013 ayant refusé à cette dernière un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel pourrait être

exécutée cette mesure d'éloignement, d'autre part, lui a été enjoint de délivrer ...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés le 20 mars 2014, le 25 mars 2014 et le 17 juin 2014, présentés par le préfet de l'Eure ; le préfet de l'Eure demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303059 du 18 février 2014 du tribunal administratif de Rouen par lequel, d'une part, a été annulé, à la demande de Mme B...C...épouseA..., l'arrêté du 27 septembre 2013 ayant refusé à cette dernière un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement, d'autre part, lui a été enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, enfin, a été mise à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Rouen ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision 64-732 CEE du Conseil du 23 décembre 1963 portant conclusion de l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

Vu le règlement CEE n° 2760/72 du Conseil du 19 décembre 1972 portant conclusion du protocole additionnel ainsi que du protocole financier, signés le 23 novembre 1970, annexés à l'accord susvisé ;

Vu la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président ;

1. Considérant que le préfet de l'Eure demande à la cour de prononcer l'annulation du jugement du 18 février 2014 du tribunal administratif de Rouen par lequel a été annulé l'arrêté du 27 septembre 2013 ayant refusé à Mme C...épouse A...la délivrance d'un titre de séjour, obligeant cette dernière à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ;

Sur les conclusions du préfet de l'Eure tendant à l'annulation du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'en application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant étranger d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ;

4. Considérant que MmeA..., ressortissante turque née le 21 juin 1989, est entrée en France en avril 2010 pour y rejoindre son mari, également ressortissant turc, avec lequel elle s'était mariée quelques mois auparavant, le 10 décembre 2009 ; que M. A...est titulaire d'une carte de résident valable dix ans, jusqu'au 28 avril 2020 ; que M. et Mme A...sont parents de deux enfants nés en France respectivement le 5 février 2011 et le 25 juin 2012 ; qu'il est constant que l'existence de la vie commune de Mme A...avec son mari est effective depuis son arrivée en France en avril 2010 ; que, dans ces conditions, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Rouen, l'arrêté du 27 septembre 2013 du préfet de l'Eure a porté au droit de Mme A...au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; que cet arrêté a, ainsi, méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ce, sans qu'il puisse être utilement invoqué que Mme A...aurait pu bénéficier de la procédure du regroupement familial ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête du préfet de l'Eure doit être rejetée ;

Sur les conclusions de Mme A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Eure est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B...C...épouse A...et au préfet de l'Eure.

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N°14DA00510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 14DA00510
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : DEMIR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-03-05;14da00510 ?
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