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05/03/2015 | FRANCE | N°14DA01180

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 05 mars 2015, 14DA01180


Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2014, présentée pour Mme B...D..., demeurant..., par Me C...A...; Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400662 du 7 mai 2014 du tribunal administratif de Rouen par lequel a été rejetée sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2013 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler cet ar

rêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de ...

Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2014, présentée pour Mme B...D..., demeurant..., par Me C...A...; Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400662 du 7 mai 2014 du tribunal administratif de Rouen par lequel a été rejetée sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2013 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour temporaire valable un an ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de surseoir à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, saisie de questions préjudicielles par le tribunal administratif de Melun et d'adresser ces mêmes questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son avocat, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président ;

1. Considérant que MmeD..., ressortissante russe née le 21 mars 1992, entrée irrégulièrement en France le 7 avril 2011 avec son compagnon, M.E..., s'est vue refuser la qualité de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 septembre 2011, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 mars 2013 ; que, par un arrêté du 27 septembre 2013, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ; que Mme D... relève appel du jugement du 7 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeD..., le tribunal administratif de Rouen n'a pas omis de statuer sur le moyen qu'elle avait invoqué et tiré de ce que les décisions attaquées de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français auraient méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que, dans cette mesure, le jugement attaqué serait irrégulier ;

Sur le refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de séjour contestée comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde au regard des seuls éléments de la demande formulée par Mme D...; que, si cette décision ne fait pas référence au texte relatif à la protection subsidiaire, à savoir l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'une telle disposition est prise en compte d'office par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, des décisions desquelles ladite décision attaquée découle ; que, par suite, elle est suffisamment motivée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet de la Seine-Maritime se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de Mme D...;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que Mme D...séjournait en France, à la date de la décision attaquée, depuis environ deux ans et demi avec son compagnon et leurs deux enfants, nés respectivement le 29 mai 2011 et le 15 décembre 2012 ; que l'état de santé de son compagnon, auprès duquel il n'est pas établi au demeurant que sa présence serait indispensable, ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences graves sur sa santé ; que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale avec son compagnon et leurs enfants se reconstitue en dehors du territoire français ; que, dans ces conditions, la décision de refus de séjour du préfet de la Seine-Maritime, en ce qu'elle a examiné si elle ne portait au droit de Mme D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme D...;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

8. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale de MmeD..., avec son compagnon et leurs enfants, se reconstitue en dehors du territoire français ; que, par suite, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 du présent arrêt, que Mme D...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de ses conclusions à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que Mme D...a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; qu'elle a donc été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de la décision qui l'a obligée à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de cette mesure ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet de la Seine-Maritime se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de Mme D...;

12. Considérant, en quatrième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 5 et 6 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur le pays de renvoi :

14. Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 3 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision relative au pays de renvoi serait insuffisamment motivée doit être écarté ;

15. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 10 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision relative au pays de renvoi méconnaîtrait le principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit à être entendu préalablement à toute décision défavorable doit être rejeté ;

16. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que, par la décision attaquée, le préfet de la Seine-Maritime se serait cru lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

17. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

18. Considérant que si la requérante fait valoir qu'elle encourrait des risques en cas de retour en Russie en raison de l'appartenance de son mari au mouvement d'opposition " Ossétie Unie ", la seule production d'une convocation de ce dernier par la police, dont elle n'a fait état que postérieurement à l'arrêté attaqué, n'est de nature à établir ni la réalité du militantisme de son époux au sein de ce parti ni celle des craintes personnelles dont elle se prévaut ; que, par suite, MmeD..., dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 septembre 2011 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 12 mars 2013 laquelle avait déjà souligné le caractère peu consistant des déclarations de l'intéressée, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu tant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

19. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aucun élément du dossier ne permet de regarder la décision attaquée comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, saisie de questions préjudicielles par le tribunal administratif de Melun et d'adresser ces mêmes questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°14DA01180


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Date de la décision : 05/03/2015
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14DA01180
Numéro NOR : CETATEXT000030322643 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-03-05;14da01180 ?
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