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05/03/2015 | FRANCE | N°14DA01181

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 05 mars 2015, 14DA01181


Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2014, présentée pour M. G...D..., demeurant..., par Me F...A...; M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400661 du 7 mai 2014 du tribunal administratif de Rouen par lequel a été rejetée sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2013 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler cet arr

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3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de sé...

Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2014, présentée pour M. G...D..., demeurant..., par Me F...A...; M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400661 du 7 mai 2014 du tribunal administratif de Rouen par lequel a été rejetée sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2013 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour temporaire valable un an ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de surseoir à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, saisie de questions préjudicielles par le tribunal administratif de Melun et d'adresser ces mêmes questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son avocat, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant russe né le 20 mai 1990, entré irrégulièrement en France le 7 avril 2011 avec sa compagne, MmeI..., s'est vu refuser la qualité de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 septembre 2011, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 mars 2013 ; que, par un arrêté du 27 septembre 2013, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ; que M. D...relève appel du jugement du 7 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.D..., le tribunal administratif de Rouen n'a pas omis de statuer sur le moyen qu'il avait invoqué et tiré de ce que les décisions attaquées de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français auraient méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que, dans cette mesure, le jugement attaqué serait irrégulier ;

Sur le refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de séjour contestée comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde au regard des seuls éléments de la demande formulée par M. D...; que, si cette décision ne fait pas référence au texte relatif à la protection subsidiaire, à savoir l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'une telle disposition est prise en compte d'office par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, des décisions desquelles ladite décision attaquée découle ; que, par suite, elle est suffisamment motivée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet de la Seine-Maritime se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. D...;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que M. D...séjournait en France, à la date de la décision attaquée, depuis environ deux ans et demi avec sa compagne et leurs deux enfants, nés respectivement le 29 mai 2011 et le 15 décembre 2012 ; que l'état de santé de M. D...ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences graves sur sa santé ; que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale avec sa compagne et leurs enfants se reconstitue en dehors du territoire français ; que, dans ces conditions, la décision de refus de séjour du préfet de la Seine-Maritime, en ce qu'elle a examiné si elle ne portait pas au droit de M. D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. D...;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

8. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale de M.D..., avec sa compagne et leurs enfants, se reconstitue en dehors du territoire français ; que, par suite, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 du présent arrêt, que M. D...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de ses conclusions à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que M. D...a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de la décision qui l'a obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de cette mesure ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet de la Seine-Maritime se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. D...;

12. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22 " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre de la santé au vu d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D...aurait fait part au préfet de la Seine-Maritime de problèmes de santé avant que ne soit prise la décision contestée d'obligation de quitter le territoire français ; que ni la seule production d'une ordonnance médicale du 14 octobre 2013 du Dr B...H..., ni celle d'un certificat médical du 6 novembre 2013 du Dr E...C...établissent, qu'à la date de la décision contestée, les troubles psychologiques que M. D...allègue nécessitaient une prise en charge dont le défaut aurait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, par ailleurs, il ne pouvait pas bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié ; que, dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime, qui ne peut pas être regardé comme ayant disposé d'élément précis pouvant lui faire penser que l'état de santé de M. D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'a ni commis d'irrégularité de procédure en ne demandant pas au médecin de l'agence régionale de santé de se prononcer sur l'état de santé de l'intéressé, ni méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 5 et 6 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

15. Considérant, en sixième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur le pays de renvoi :

16. Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 3 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision relative au pays de renvoi serait insuffisamment motivée doit être écarté ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 10 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision relative au pays de renvoi méconnaîtrait le principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit à être entendu préalablement à toute décision défavorable doit être rejeté ;

18. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que, par la décision attaquée, le préfet de la Seine-Maritime se serait cru lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

19. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

20. Considérant que si M. D...fait valoir qu'il encourrait des risques en cas de retour en Russie en raison de son appartenance au mouvement d'opposition " Ossétie Unie ", la seule production d'une convocation par la police, dont il n'a fait état que postérieurement à l'arrêté attaqué, n'est de nature à établir ni la réalité de son militantisme au sein de ce parti ni celle des craintes personnelles dont il se prévaut ; que, par suite, M.D..., dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 septembre 2011 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 12 mars 2013 laquelle avait déjà souligné le caractère peu consistant des déclarations de l'intéressé, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu tant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

21. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aucun élément du dossier ne permet de regarder la décision attaquée comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, saisie de questions préjudicielles par le tribunal administratif de Melun et d'adresser ces mêmes questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne, M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°14DA01181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 14DA01181
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-03-05;14da01181 ?
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