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31/03/2015 | FRANCE | N°14DA01594

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 31 mars 2015, 14DA01594


Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2014, présentée pour M. D...C...E..., demeurant..., par Me A...B... ; M. C...E...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403014 du 12 septembre 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2014 du préfet de l'Oise l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et, d'autre part, l'arrêté du 10 septembre 2014 du préfet

de l'Oise ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annul...

Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2014, présentée pour M. D...C...E..., demeurant..., par Me A...B... ; M. C...E...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403014 du 12 septembre 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2014 du préfet de l'Oise l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et, d'autre part, l'arrêté du 10 septembre 2014 du préfet de l'Oise ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2014 du préfet de l'Oise l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller ;

1. Considérant que le préfet de l'Oise, à la suite de l'interpellation par les services de la police nationale le 10 septembre 2014 de M. C...E..., ressortissant colombien né le 6 mars 1972, a pris à son encontre le même jour deux arrêtés lui faisant, d'une part, obligation de quitter le territoire français et prononçant, d'autre part, son placement en rétention administrative ; que M. C...E...relève appel du jugement du 12 septembre 2014 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2014 du préfet de l'Oise l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M. C...E..., comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de l'intéressé ;

3. Considérant que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne [C-383/13 PPU du 10 septembre 2013], une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par M. C...E..., que ce dernier a été entendu par les services de police le 10 septembre 2014, en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, ses conditions d'entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement ; que M. C...E...a eu, ainsi, la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit donc être écarté ;

4. Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que, si M. C...E...fait valoir, qu'entré en France en 2010, il est demeuré depuis dans ce pays où il vivrait maritalement avec une compatriote également en situation irrégulière et mère d'un enfant scolarisé en France domiciliés à Paris, il n'établit ni la date effective de son entrée sur le territoire national, ni la réalité et la stabilité du lien de concubinage dont il se prévaut, et ce, alors même qu'il a déclaré lors de son interpellation résider avec un ami au Bourget ; qu'il ne justifie pas davantage être dépourvu de toute attache familiale en Colombie, pays dans lequel résident ses parents et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 38 ans ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de M. C...E..., ce dernier, célibataire, sans charge de famille, n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement prononcée par le préfet de l'Oise aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le refus de délai de départ volontaire :

7. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière du requérant ;

8. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit communautaire d'être entendu ne peut être retenu pour des motifs identiques à ceux mentionnés au point 3 ;

9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut être retenu pour des motifs identiques à ceux mentionnés au point 4 ;

10. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. C...E..., les dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Oise pour lui refuser un délai de départ volontaire, qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, ne sont pas incompatibles avec celles de la directive 2008/115/CE que la loi du 16 juin 2011 précitée a eu pour objet de transposer ; qu'en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans un des cas définis par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger, à même d'assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives ; que, par suite, le moyen, tiré de l'incompatibilité des dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec la directive 2008/115/CE, doit être écarté ;

11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

12. Considérant que, si M. C...E...soutient qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il disposait d'une adresse fixe en France et était titulaire d'un passeport en cours de validité, il ressort toutefois des termes de l'arrêté attaqué que, pour justifier son refus de faire bénéficier l'intéressé d'un délai de départ volontaire, le représentant de l'Etat s'est également fondé sur la circonstance que M. C...E...s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement ; que, par suite, et en tout état de cause, le préfet pouvait, par ce seul motif et sans commettre d'erreur de droit, décider de priver le requérant d'un délai de départ volontaire ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

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N°14DA01594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01594
Date de la décision : 31/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL GARCIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-03-31;14da01594 ?
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