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12/05/2015 | FRANCE | N°14DA01665

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 12 mai 2015, 14DA01665


Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2014, présentée pour Mme A...F..., demeurant..., par Me C...E...; Mme F...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401276 du 1er juillet 2014 du tribunal administratif de Rouen par lequel a été rejetée sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2014 du préfet de la Seine-Maritime en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler, dans cette mesure, cet a

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3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de...

Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2014, présentée pour Mme A...F..., demeurant..., par Me C...E...; Mme F...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401276 du 1er juillet 2014 du tribunal administratif de Rouen par lequel a été rejetée sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2014 du préfet de la Seine-Maritime en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler, dans cette mesure, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son avocat, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, à titre subsidiaire, en cas de refus de l'aide juridictionnelle, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président ;

1. Considérant que MmeF..., ressortissante russe d'origine arménienne née le 9 décembre 1968, est entrée irrégulièrement en France le 17 août 2011, selon ses propres déclarations ; qu'elle a sollicité le 3 octobre 2011, sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le bénéfice de l'asile en France lequel lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 22 novembre 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 octobre 2013 ; que, par un arrêté du 19 février 2014, le préfet de la Seine-Maritime a alors rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme F...et a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ; que Mme F...relève appel du jugement du 1er juillet 2014 du tribunal administratif de Rouen par lequel a été rejetée sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 février 2014 du préfet de la Seine-Maritime en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays à destination duquel pourrait être exécutée cette mesure d'éloignement ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que Mme F...a sollicité son admission au séjour en France au titre de l'asile ; qu'elle a donc été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligée à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendue préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22 " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre de la santé au vu d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin hospitalier et d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

4. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme F..., qui n'a sollicité à aucun moment la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé mais seulement au titre de l'asile, aurait informé le préfet de la Seine-Maritime que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'irrégularité de procédure en ne demandant pas au médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie de se prononcer sur son état de santé ;

5. Considérant, d'autre part, que le certificat médical du 10 septembre 2013 rédigé par le Dr D...B..., médecin psychiatre du centre hospitalier du Rouvray, se borne à décrire les diverses pathologies dont souffre Mme F...et ne permet pas de justifier que ces pathologies nécessitent une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour l'intéressée, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'aucune autre pièce du dossier ne justifie de telles conséquences ; que, par suite, l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que, si Mme F...fait valoir qu'elle vit en France depuis trois ans avec son fils qui est scolarisé dans un collège où il obtient de bons résultats, qu'elle s'investit au sein d'une association et qu'elle entretient de nombreuses relations en France, notamment avec sa soeur, de nationalité française, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Russie où résident, notamment, sa mère et son fils ainé ; que, dans ces conditions, la décision attaquée du préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit de Mme F...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que la seule circonstance qu'une mesure d'éloignement aurait pour conséquence d'interrompre la scolarité d'un enfant durant l'année scolaire ne suffit pas à faire regarder cette mesure comme méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

10. Considérant, en sixième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 5 à 9 du présent arrêt, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme F...;

Sur le pays de renvoi :

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office (...) " ;

12. Considérant que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de sa destination n'est pas suffisamment motivée en droit, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure et que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auxquelles elles font référence sont elles-mêmes visées par l'arrêté attaqué ; qu'enfin, en indiquant que Mme F...n'établissait pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé en fait sa décision fixant le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office ;

13. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

14. Considérant que, si MmeF..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'elle risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Russie, où elle aurait auparavant subi des persécutions et des sévices, elle ne produit toutefois pas d'élément ou de justification à l'appui de cette simple allégation ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°14DA01665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 14DA01665
Date de la décision : 12/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-05-12;14da01665 ?
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