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12/11/2015 | FRANCE | N°15DA00533

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 12 novembre 2015, 15DA00533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 octobre 2014 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette obligation.

Par un jugement n° 1404246 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête dirigée co

ntre l'arrêté préfectoral.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 octobre 2014 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette obligation.

Par un jugement n° 1404246 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté préfectoral.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2015, M. A...B..., représenté par Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 octobre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a omis de répondre à un moyen ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation professionnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 13 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 ;

- ont également été méconnues les stipulations de l'article 41 du protocole additionnel approuvé par le règlement (CEE) n° 2760/72 du Conseil du 19 décembre 1972 ;

- le refus de titre de séjour a violé les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ce refus méconnaît également les dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- il est entaché d'une erreur manifeste de ses conséquences sur sa situation professionnelle ;

- dans l'examen de sa demande, l'autorité préfectorale a méconnu les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 sur les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par les ressortissants étrangers ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit à être entendu préalablement à une décision faisant grief, tel que consacré par le droit de l'Union européenne.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Maritime qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le protocole additionnel de l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie du 23 novembre 1970 ;

- la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du Conseil d'association mis en place par l'accord créant une association entre la CEE et la Turquie ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rouen n'a ni visé ni répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le préfet n'aurait pas examiné la situation professionnelle de M. B...préalablement au refus de titre de séjour pris à son encontre ; que, par suite, l'intéressé est fondé à en demander l'annulation ;

2. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen ;

Sur le refus de titre de séjour :

3. Considérant que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail (...) est prise par le préfet (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail (...), le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; (...) " ;

5. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce qu'allègue M.B..., s'il est loisible au préfet de saisir pour avis la direction régionale des entreprises, de la consommation, du travail et de l'emploi sur une demande d'autorisation de travail d'un étranger, aucune disposition ne lui impose une telle saisine ; que, d'autre part, il ressort de la décision attaquée que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation professionnelle de l'intéressé en mentionnant la promesse d'embauche dont M. B...se prévaut, ses précédentes expériences professionnelles en qualité de maçon et l'absence de justification par son futur employeur des recherches précédemment accomplies afin de pourvoir le poste pour lequel il a sollicité l'autorisation de travail ; que, dans ces circonstances, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation professionnelle du requérant doit être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 13 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie : " Les Etats membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d'accès à l'emploi des travailleurs et de leurs familles qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l'emploi " ;

7. Considérant que s'il est constant que, jusqu'à l'intervention de la décision attaquée, M. B..., ressortissant turc, était en possession d'un récépissé l'autorisant à séjourner en France le temps nécessaire au traitement de sa demande de titre de séjour, il ressort des termes mêmes de ce récépissé qu'il n'autorisait pas son titulaire à travailler ; que, dans ces conditions, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article 13 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980, celles-ci n'étant uniquement invocables que par les ressortissants turcs en situation régulière en France notamment au regard de l'emploi ; que, par suite, en refusant un titre de séjour à M.B..., le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions précitées de la décision n° 1/80 ; qu'en outre, les stipulations de l'article 41-1 du protocole additionnel de l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ne peuvent utilement être invoquées par le requérant dès lors qu'elles ne sont pas de nature à conférer à un ressortissant turc un droit d'établissement en France, celui-ci restant régi par le droit national ;

8. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en raison de sa situation professionnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, il ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du même code à l'encontre du refus du préfet de la Seine-Maritime opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., né le 5 janvier 1992, déclare être entré en France le 30 octobre 2010 ; qu'à supposer établie cette date d'entrée, l'intéressé s'est ensuite maintenu sur le territoire français au bénéfice du traitement de sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 août 2011 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 9 novembre 2012 ; qu'il est célibataire et n'a pas de charge de famille ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où réside, selon ses écritures, sa famille et où il aurait lui-même vécu jusqu'à l'âge d'au moins dix-huit ans ; que, s'il se prévaut de son insertion dans la société française, il ne produit aucune pièce permettant d'en attester ; que, compte tenu des conditions du séjour et en dépit de la durée de présence de l'intéressé sur le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il ressort des éléments versés au dossier que M. B...a exercé une activité salariée en qualité de maçon entre les mois d'octobre 2011 et de décembre 2012 ; qu'il est constant qu'il n'a pas exercé d'activité professionnelle au-delà de cette date ; qu'il produit une promesse d'embauche de la société SARL Eylul pour un emploi similaire au soutien de sa demande de titre ; que, dans ces conditions, M. B...ne justifie pas de circonstances humanitaires ou de motifs tendant à son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ; que, pour les mêmes raisons, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation professionnelle de M. B...doit être écarté ;

11. Considérant que les prescriptions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 qui n'ont pour objet que d'éclairer les préfets dans la mise en oeuvre de leur pouvoir discrétionnaire de régularisation, ne sont pas invocables à l'appui du recours dirigé contre un refus de titre de séjour ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

13. Considérant que M. B...a sollicité son admission au séjour ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 26 février 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 29 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2015.

Le président-assesseur,

Signé : C. BERNIERLe président de chambre,

Président-rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00533
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Textes applicables - Conventions internationales.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : DEMIR

Origine de la décision
Date de l'import : 26/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-11-12;15da00533 ?
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