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09/02/2016 | FRANCE | N°14DA01805

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 09 février 2016, 14DA01805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime daté du 25 avril 2014 refusant de lui accorder un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1401693 du 23 septembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2014, MmeB..., représent

e par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 septembre 2014 du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime daté du 25 avril 2014 refusant de lui accorder un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1401693 du 23 septembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2014, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 septembre 2014 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 avril 2013 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le principe du contradictoire résultant du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu ;

- elle est dépourvue de base légale, en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la situation particulière n'a pas été examinée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas examiné sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2015, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vinot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., de nationalité guinéenne née le 20 avril 1990, a sollicité le statut de réfugiée qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 novembre 2010, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 6 novembre 2012 ; que, par un arrêté du 20 décembre 2012, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité de refugiée et l'a obligée à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ; que la requérante a ensuite déposé le 13 mars 2013 une autre demande de titre de séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code ; que, par une décision du 8 octobre 2013, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 20 décembre 2012 ; que saisi à nouveau de l'examen de l'ensemble de la situation de MmeB..., le préfet de la Seine-Maritime a refusé à cette dernière la délivrance d'une carte de séjour temporaire par une décision prise en réalité le 25 avril 2014 mais datée par erreur " du 25 avril 2013 " ; qu'elle relève appel du jugement du 23 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'à l'appui de sa demande, Mme B...soutenait notamment que l'arrêté attaqué avait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen ;

Sur le refus de séjour :

4. Considérant que si Mme B...fait valoir que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en droit dès lors qu'il ne fait mention ni des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 concernant la délivrance d'une carte de résident en qualité de réfugiée, ni de celles de l'article L. 313-13 relatives à la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de la protection subsidiaire, ce moyen, de même que celui tiré du fait que le préfet n'aurait pas motivé en fait le rejet de la délivrance des titres de séjours sollicités sur ces fondements, sont inopérants dès lors que le préfet se trouvait en tout état de cause en situation de compétence liée pour refuser, à la suite de la décision rendue par la Cour nationale du droit d'asile, de délivrer à l'intéressée les titres de séjours dont il s'agit ;

5. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a motivé aussi bien en droit qu'en fait le refus de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la requérante n'est pas davantage fondée à prétendre que le représentant de l'Etat se serait limité à examiner sa situation au regard d'une éventuelle régularisation par le travail alors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a également porté son appréciation sur les éléments dont se prévalait Mme B...et qui auraient pu, le cas échéant, justifier l'attribution d'un titre de séjour pour des considérations exceptionnelles ou humanitaires au titre de la vie privée et familiale ;

6. Considérant que si Mme B...fait valoir qu'elle est entrée en France depuis le 25 octobre 2009 pour solliciter le statut de réfugiée et qu'elle est bien insérée dans la société française, ces circonstances ne constituent pas à elle seules des considérations humanitaires ni des motifs exceptionnels d'admission au séjour au titre de la vie privée et familiale au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si l'intéressée soutient qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de sculpteur sur pierre et sur marbre, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que Mme B..., qui a suivi des études de technique de commercialisation en France et qui s'était inscrite à un stage d'hôtesse d'accueil, puisse se prévaloir d'une quelconque expérience professionnelle dans le domaine de la sculpture sur pierre ou sur marbre ni que son employeur, dont le préfet relève qu'il était en liquidation judiciaire à la date de l'arrêté attaqué, ait été dans l'impossibilité de pourvoir ce poste en faisant appel aux services spécialisés de pôle emploi ; qu'ainsi, la requérante, qui ne saurait utilement se prévaloir à l'encontre d'un refus de titre de séjour des risques qu'elle encourrait dans son pays d'origine en raison des persécutions dont elle aurait fait l'objet ou du développement en Guinée de la fièvre Ebola, n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en lui refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, qu'eu égard tant à la durée qu'aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de séjour opposée par le préfet ait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante qui est célibataire sans charge de famille et qui ne justifie pas être dépourvue de toute attache familiale en Guinée ; que le préfet n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas non plus, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de Mme B... ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant que Mme B...a sollicité son admission au séjour ; qu'elle a donc été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de la décision qui l'a obligée à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de cette mesure ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français en raison de celle de la décision de refus de séjour ne peut qu'être écarté ; qu'il en est de même pour les motifs énoncés au point 6 du présent arrêt, des moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacherait la mesure d'éloignement ;

9. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même que le préfet aurait commis des erreurs de plume dans la rédaction de l'arrêté attaqué, que le représentant de l'Etat se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de la requérante ;

Sur le pays de destination :

10. Considérant que la décision attaquée, qui fixe le pays dont Mme B...a la nationalité ou tout autre pays pour lequel elle établit être légalement admissible comme pays de destination, est suffisamment motivée en droit dès lors qu'elle mentionne les articles L. 513-2 et L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel prévoit que l'autorité administrative peut assortir sa décision portant refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé ; qu'en rappelant à l'intéressée qu'elle n'établissait pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays, le représentant de l'Etat a suffisamment motivé sa décision en fait ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant que si la requérante fait valoir qu'elle a fait l'objet de persécutions en Guinée en raison des opinions politiques qui lui auraient été imputées par les autorités au cours de l'année 2009 en raison de la proximité de son père avec l'ancien président Conté et qu'elle serait recherchée dans son pays d'origine, les pièces produites au dossier constituées par des copies d'avis de recherche ou d'un mandat d'arrêt émis au cours de l'année 2010 et dont la requérante ne précise pas les conditions de leur obtention alors qu'elle prétend ne plus avoir de relations avec la Guinée, ne sont pas de nature à justifier, eu égard à leur origine douteuse, la réalité des allégations de l'intéressée quant aux risques personnels et actuels qu'elle encourrait en cas de retour en Guinée ; que, par suite, MmeB..., dont la demande d'asile avait été au demeurant rejetée par la Cour nationale du droit d'asile qui avait souligné le manque de crédibilité des allégations de l'intéressée notamment quant aux fonctions exercées par son père auprès de l'ancien président, n'est pas fondée à soutenir que le préfet, dont il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué qu'il a examiné la situation de la requérante au regard des risques de persécutions encourues en cas de retour dans son pays d'origine, aurait méconnu les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'épidémie due au virus Ebola en Guinée était, à la date de la décision attaquée, d'une ampleur telle que le retour dans son pays de l'intéressée pouvait lui faire craindre pour sa vie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision contestée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 23 septembre 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen et le surplus des conclusions sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 26 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. François Vinot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 février 2016.

Le rapporteur,

Signé : F. VINOTLe président de la chambre,

Signé : M. C...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°14DA01805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 14DA01805
Date de la décision : 09/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. François Vinot
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-02-09;14da01805 ?
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