La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/02/2016 | FRANCE | N°15DA01121

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 09 février 2016, 15DA01121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 février 2015 du préfet du Pas-de-Calais refusant de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, l'arrêté du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1500910 du 6 février 2015, le magistrat

désigné par le président du tribunal administratif de Lille a renvoyé l'examen des c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 février 2015 du préfet du Pas-de-Calais refusant de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, l'arrêté du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1500910 du 6 février 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a renvoyé l'examen des conclusions de la requête tendant à l'annulation du refus d'admission provisoire au séjour devant une formation collégiale du tribunal administratif et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2015, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 février 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 700 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- le préfet du Pas-de-Calais n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de l'admettre provisoirement au séjour ;

- cette dernière décision, insuffisamment motivée, a été édictée par une autorité incompétente ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- le refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivé ;

- il est illégal à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de placement en rétention administrative est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Nord qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'à la suite de l'interpellation le 2 février 2015, dans un bus à destination de la Grande-Bretagne, par les services de la police nationale, de M.C..., de nationalité albanaise et né le 5 novembre 1987, le préfet du Pas-de-Calais a pris à son encontre, le 2 février 2015, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et prononçant son placement en rétention administrative ; que, par un arrêté du même jour, il a refusé de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ; que M. C...relève appel du jugement du 6 février 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2015 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et prononçant son placement en rétention administrative ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne la légalité externe de la mesure d'éloignement :

2. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle de M.C..., comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ; que la circonstance que certains visas soient entachés d'une erreur matérielle demeure sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus d'admission provisoire au séjour :

3. Considérant que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ;

4. Considérant que la décision du 2 février 2015 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé l'admission provisoire au séjour du requérant au titre de l'asile ne constitue pas la base légale de l'obligation de quitter le territoire français qui a été prononcée à son encontre ; que cette décision d'éloignement n'a pas davantage été prise pour son application ; que par suite, le moyen invoquant, par voie d'exception, l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour opposé à un demandeur d'asile ne peut être utilement invoqué ;

5. Considérant, en tout état de cause, que, par un arrêté en date du 3 février 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du lendemain, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à Mme E...A..., adjointe au chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions de refus d'admission au séjour prévues à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant que la décision contestée, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle de M.C..., comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

7. Considérant qu'il est constant que M. C...est originaire de l'Albanie, pays inscrit sur la liste des pays d'origine sûrs établie par le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'ainsi, et alors qu'il n'établit pas que les éléments qu'il aurait fait valoir devant le préfet auraient justifié de l'admettre provisoirement au séjour, il relevait du champ d'application du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le représentant de l'Etat se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision de refus d'admission provisoire au séjour ne peut qu'être écarté ;

Sur le refus de délai de départ volontaire :

9. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

10. Considérant, d'une part, que la décision portant refus de délai de départ volontaire vise expressément les dispositions du a) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application ; que, d'autre part, il ressort des termes mêmes de cet arrêté, qui fait référence tant à l'absence de documents de voyage en possession de M. C...qu'au fait que ce dernier n'a pas justifié être entré régulièrement sur le territoire français, que la situation de l'intéressé relevait bien du a) et du f) du 3° des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision en cause, qui comporte par ailleurs l'ensemble des considérations de fait la justifiant, serait insuffisamment motivée en fait comme en droit ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire par voie de conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

Sur le pays de renvoi :

12. Considérant, qu'en rappelant à M. C...qu'il n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays, le représentant de l'Etat a suffisamment motivé sa décision ;

13. Considérant que, si M. C...fait valoir qu'il encourt des risques en cas de retour en Albanie en raison d'une vendetta familiale, il ne produit toutefois aucun élément au soutien de ses allégations et, ainsi, n'établit pas qu'il serait directement et personnellement exposé à des risques de persécution en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le placement en rétention administrative :

14. Considérant que la décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention administrative, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

16. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...était dépourvu de tout domicile fixe et n'a présenté aux services de police qu'une pièce d'identité italienne mentionnant une autre identité que la sienne qu'il a déclaré avoir achetée en Italie pour une somme de 2 000 euros, tout en prétendant que son passeport albanais était demeuré dans ce pays ; qu'ainsi, il ne pouvait être regardé comme présentant, à la date de l'arrêté en litige, des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet ; que, c'est par suite à bon droit que le préfet du Pas-de-Calais, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait cru en situation de compétence liée, a prononcé le placement de l'intéressé en rétention administrative sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 26 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 février 2016.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,

Signé : M. F...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

''

''

''

''

2

N°15DA01121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01121
Date de la décision : 09/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : HENTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-02-09;15da01121 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award