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28/04/2016 | FRANCE | N°15DA01585

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 28 avril 2016, 15DA01585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 juin 2015 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1502177 du 15 septem

bre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 juin 2015 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1502177 du 15 septembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2015, M.D..., représenté par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 15 septembre 2015 et l'arrêté du préfet de l'Oise du 17 juin 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à défaut, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière pour n'avoir pas été précédée d'une consultation de la commission départementale du titre de séjour, alors qu'il résidait habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans ;

- pour estimer, sur la base d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé, qu'un traitement approprié à son état de santé était désormais disponible dans son pays d'origine, alors même qu'il avait été admis au séjour durant six années pour se soigner en France, le préfet de l'Oise a commis une erreur d'appréciation et méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le 10° de l'article L. 511-4 de ce code ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2015, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. D...n'ayant pas sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne remplissant pas les conditions pour prétendre de plein droit au renouvellement de son titre de séjour, la commission départementale du titre de séjour n'avait pas à être saisie de son cas, alors même qu'il justifierait d'un séjour de plus de dix ans sur le territoire français ;

- les autres moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

2. Considérant que M.D..., ressortissant de la République démocratique du Congo, fait état de ce qu'il est atteint d'une pathologie psychologique qui avait justifié son admission au séjour en 2009, puis le renouvellement de son titre de séjour durant six années, et que sa situation n'a pas changé depuis lors, à telle enseigne que la carte d'invalidité dont il bénéficiait, mentionnant un taux d'invalidité égal ou supérieur à 80 %, a récemment été renouvelée ; qu'il n'est pas sérieusement contesté par le préfet en défense qu'un défaut de prise en charge médicale de cette pathologie pourrait entraîner pour M. D...des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, si un certificat médical émis le 21 décembre 2015 par le docteur Ghobdane, médecin psychiatre hospitalier exerçant au centre médico-psychologique de Montataire, confirme la nécessité pour le requérant de poursuivre le traitement par antipsychotique qui lui est prescrit, ce seul document, qui se borne à faire état du coût de ce traitement et du classement du système de santé de la République démocratique du Congo au niveau mondial, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par le préfet de l'Oise, au vu notamment de l'avis émis le 24 mars 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé de Picardie, selon laquelle un traitement approprié à la prise en charge de la pathologie dont souffre l'intéressé est disponible en République démocratique du Congo ; qu'il n'est, en tout état de cause, pas établi que les troubles psychiques que celui-ci présente trouveraient leur origine dans des événements traumatisants vécus dans ce pays, alors au demeurant qu'il est constant que la demande d'asile que M. D...a formée a été rejetée par une décision définitive ; qu'il suit de là qu'il n'est pas établi que l'intéressé était, comme il le soutient, en situation, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, de prétendre de plein droit au renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dès lors, pour lui refuser, par cet arrêté, cette délivrance, le préfet de l'Oise n'a pas méconnu ces dispositions, ni n'a commis d'erreur d'appréciation ;

3. Considérant, d'une part, que, si, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission départementale du titre de séjour une demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un ressortissant étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans, il est constant que M. D...n'a pas formé une telle demande, mais qu'il a seulement sollicité du préfet de l'Oise le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été précédemment délivré sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code dans le but de pouvoir continuer à se soigner en France ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise, qui n'y était d'ailleurs aucunement tenu, aurait examiné d'office l'opportunité de faire bénéficier l'intéressé d'une mesure de régularisation au titre de l'article L. 313-14 ; que, d'autre part et hors l'hypothèse prévue par cette dernière disposition, le préfet n'est tenu de saisir la commission départementale du titre de séjour prévue par l'article L. 312-2 du même code que du cas des ressortissants étrangers pouvant prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 de ce code ; que dès lors qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'était pas dans une telle situation, le préfet de l'Oise n'était pas tenu de soumettre son cas à l'avis de cette commission ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ;

5. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2, il n'est pas établi que M. D...aurait figuré, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, parmi les ressortissants étrangers visés au 10° précité de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ni, dès lors, que cette disposition aurait, en l'espèce, été méconnue par le préfet de l'Oise pour prendre une telle décision à son égard ;

6. Considérant que M.D..., entré sur le territoire français le 7 juin 2002 et qui, pour pouvoir se soigner sur le territoire français, s'est vu délivrer à compter de l'année 2009 une carte de séjour temporaire régulièrement renouvelée jusqu'en 2014, fait état de la présence auprès de lui de sa soeur, titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, qui l'héberge et le soutient dans sa maladie ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. D... est célibataire et qu'il n'a fait état d'aucun autre lien qu'il aurait pu tisser sur le territoire français, ni ne se prévaut d'aucun indice d'intégration notable à la société française, tandis qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, où résident ses deux enfants, avec lesquels il n'établit pas, par ses seules allégations, avoir rompu tout lien ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions du séjour de M.D..., dont la moitié a été effectuée en situation irrégulière, et malgré l'ancienneté de ce séjour, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces circonstances, il n'est pas pas établi que, pour prendre cette décision, le préfet de l'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de l'intéressé ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée pour information au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 31 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 avril 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA01585

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01585
Date de la décision : 28/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-04-28;15da01585 ?
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