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10/11/2016 | FRANCE | N°16DA00459

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 10 novembre 2016, 16DA00459


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 mars 2013 par lequel le préfet de Picardie a délivré un permis de construire modificatif à la SNC MSE Le Haut des Epinettes, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux formé le 17 mai 2013.

Par un jugement n° 1302550 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejet

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 fév...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 mars 2013 par lequel le préfet de Picardie a délivré un permis de construire modificatif à la SNC MSE Le Haut des Epinettes, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux formé le 17 mai 2013.

Par un jugement n° 1302550 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 février 2016, l'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais, représentée par Me D...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) à défaut, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté et la décision rejetant implicitement son recours gracieux ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SNC MSE Le Haut des Epinettes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont mépris sur la mise en oeuvre de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ;

- cet article méconnaît les stipulations du paragraphe 1er de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de permis de construire modificatif ait été affichée en mairie avant la déclaration en préfecture des statuts modifiés de l'association ;

- en tout état de cause, les anciens statuts de l'association alors dénommée association pour la promotion et la préservation des paysages des cantons d'Oulchy et de Villers-Cotterêts suffisaient à lui conférer un intérêt à agir ;

- le permis de construire modificatif est illégal en ce qu'il a été délivré au vu d'une étude d'impact qui n'a pas examiné les effets du projet sur la commune de Vauxcéré et sur la faune ;

- il porte atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2016, la SNC MSE Le Haut des Epinettes, représentée par Me B...C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est tardive ;

- le représentant de l'association n'a justifié d'une habilitation pour agir en justice ni en appel, ni en première instance ;

- la requête procède à une motivation par référence sans production du mémoire auquel il est renvoyé ;

- l'association ne vérifie pas les conditions de recevabilité posées par l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ;

- l'objet social de l'association pour la promotion et la préservation des paysages des cantons d'Oulchy et de Villers-Cotterêts, tel que fixé dans ses statuts alors applicables à la date de l'affichage de la demande du permis, ne lui conférait pas un intérêt à agir ;

- les moyens visant à faire reconnaître le droit de propriété de la commune de Vauxcéré et l'existence d'une prétendue fraude sont irrecevables ;

- les moyens se rapportant au permis de construire initial sont inopérants à l'encontre du permis de construire modificatif ;

- les autres moyens développés en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité qui n'a pas produit de mémoire.

Par deux mémoires en réplique, enregistrés les 5 et 6 octobre 2016, l'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais conclut aux mêmes fins par de nouveaux moyens.

Elle soutient, en outre, que :

- les fins de non-recevoir opposées en défense ne sont pas fondées ;

- le préfet de région était incompétent en raison de l'illégalité de l'arrêté du 14 juin 2012 portant droit d'évocation du préfet de région en matière d'éoliennes terrestres ;

- l'accord du 11 décembre 2012 rendu au nom du ministre chargé de l'aviation civile a été signé par une personne incompétente ;

- faute de saisine pour avis de l'autorité environnementale, le permis de construire modificatif est entaché d'un vice de procédure ;

- le préfet était tenu de recueillir l'avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles en application de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;

- les avis des communes et établissements publics de coopération intercommunale limitrophes auraient dû être recueillis avant la délivrance du permis modificatif en application du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 ;

- l'étude acoustique est insuffisante dès lors que le complément d'étude d'impact produit à l'occasion de la demande de permis modificatif n'a pas examiné l'incidence sonore de son projet sur la nouvelle maison à usage d'habitation construire en 2008 à proximité des éoliennes.

Le mémoire de la SNC MSE Le Haut des Epinettes a été enregistré le 11 octobre 2016 postérieurement à la clôture d'instruction intervenue en application de l'article L. 613-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me D...A..., représentant l'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais, et de Me B...C..., représentant la SNC MSE Le Haut des Epinettes.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la SNC MSE Le Haut des Epinettes :

1. Considérant que la requête de l'association requérante a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 29 février 2016 soit dans le délai d'appel de deux mois qui a commencé à courir à compter du 30 décembre 2015, date de notification du jugement attaqué ; que, par suite, la fin de non-recevoir tenant à la tardiveté de la requête doit être écartée ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 15 des statuts de l'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais, le président " (...) a notamment qualité pour ester en justice au nom de l'association tant en demande qu'en défense. / Il y est habilité par le Bureau qui en rend compte à l'assemblée générale, laquelle peut délibérer à ce sujet " ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'association requérante a produit en réponse à la fin de non-recevoir opposée par la SNC MSE Le Haut des Epinettes la délibération du 19 février 2016 par laquelle le bureau a autorisé le président de l'association à interjeter appel ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du président de l'association requérante doit être écartée ;

3. Considérant que la requête d'appel procède à une critique de la régularité du jugement attaqué et demande, en outre, dans le premier état des écritures, un renvoi au tribunal après annulation du jugement ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la requête d'appel doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire " ;

5. Considérant, d'autre part, que l'intérêt pour agir des groupements et associations s'apprécie au regard de leur objet statutaire et de l'étendue géographique de leur action ;

6. Considérant que l'association requérante, constituée à l'origine sous le nom d'" association pour la promotion et la préservation des paysages des cantons d'Oulchy et de Villers-Cotterêts " (APPOV), a été déclarée en sous-préfecture de Soissons le 10 mai 2007 ; qu'elle s'était alors donné pour but de " protéger, préserver et valoriser le patrimoine naturel du Soissonnais et notamment des cantons d'Oulchy le Château et de Villers-Cotterêts " ; que cet objet social qui recouvrait la défense de l'environnement dans le Soissonnais lui conférait un intérêt pour agir contre les permis de construire délivrés pour l'implantation d'éoliennes dans la région ou le pays du Soissonnais et non seulement dans les deux cantons " notamment " mentionnés explicitement à l'article 2 des statuts et dans l'intitulé du nom de l'association ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que cette association exerçait habituellement son objet social au-delà de la frontière de ces deux cantons, dans l'ensemble du pays soissonnais ; qu'il est constant, par ailleurs, que la commune de Perles dans laquelle a été autorisée l'implantation d'un parc d'aérogénérateurs est située dans le Soissonnais au sens de ces statuts ; que cette association a néanmoins décidé de modifier ses statuts et sa dénomination par une délibération du 18 janvier 2013 qui a fixé son ressort aux communes de l'arrondissement de Soissons et des cantons limitrophes, a conservé comme objet social notamment la défense de l'environnement et a choisi de se dénommer l'" association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais " (A3PES) ; que ces nouveaux statuts ont été déposés à la sous-préfecture de Soissons le 30 janvier 2013, soit postérieurement à l'affichage en mairie de la demande de permis de construire modificatif du parc éolien en litige, dont la date du 22 août 2012, attestée par le maire-délégué de la commune de Perles, n'est pas sérieusement contestée ; que c'est sous l'empire de ces nouveaux statuts que l'association requérante a introduit son recours devant le tribunal administratif d'Amiens ; que, toutefois, les transformations apportées aux statuts de cette association n'ont pas modifié substantiellement son ressort géographique qui a été précisé et conforté et qui correspond toujours à la région ou au pays du Soissonnais ; qu'ainsi, une telle modification n'était pas assimilable à la création d'une association au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'association requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme pour rejeter sa demande comme irrecevable ;

7. Considérant qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement et, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association devant le tribunal administratif d'Amiens ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance ;

Sur la légalité de l'arrêté du 4 mars 2013 du préfet de Picardie :

En ce qui concerne la qualification de l'arrêté attaqué :

8. Considérant qu'un permis de construire modificatif portant sur un accroissement des dimensions d'une construction ayant auparavant fait l'objet d'un permis de construire ne peut être légalement délivré que lorsque les transformations prévues, rapportées à l'importance globale du projet tel qu'il a été initialement autorisé, n'en altèrent pas la conception générale ; qu'il appartient à cet effet à l'autorité compétente et au juge administratif d'apprécier notamment si ces transformations n'aggravent pas substantiellement les impacts de la construction dans les espaces proches ;

9. Considérant que, par un arrêté du 7 avril 2005, le préfet de l'Aisne a délivré à la société pétitionnaire un permis de construire un parc de six éoliennes et un poste de livraison à implanter sur le territoire de la commune de Perles ; que, par une décision du 22 mai 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi de la SNC MSE Le Haut des Epinettes, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 22 janvier 2009 et le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 31 décembre 2007, qui, sur le recours de la commune de Vauxcéré, avaient prononcé l'annulation de ce permis de construire, et a rejeté la demande de la commune comme irrecevable ; que la société pétitionnaire s'est alors trouvée contrainte de modifier le modèle d'aérogénérateurs qu'elle avait initialement envisagé d'implanter ; qu'elle a, ainsi, obtenu par la délivrance d'un permis de construire modificatif du 4 mars 2013 par le préfet de Picardie, ce changement de modèles de machines ; que ce changement de modèles a provoqué une augmentation de la hauteur totale des éoliennes, mesurée en bout de pales, de 1,25 mètre et a nécessité des déplacements limités des éoliennes E3, E4, E5 et E6 de manière à respecter une distance de sécurité entre les pieds des mâts et les routes départementales et communales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces modifications, au regard de l'importance globale du projet, en altèrent la conception générale ou aggravent substantiellement les impacts de la construction sur l'environnement ou dans les espaces proches de l'église classée de la commune de Vauxcéré ; qu'en outre, l'association requérante ne peut utilement développer un moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions du permis initial à l'encontre du permis modificatif ; que, par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire en litige constituerait un nouveau permis de construire ;

En ce qui concerne la compétence du préfet de région :

10. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa du I de l'article 2 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de région peut également évoquer, par arrêté et pour une durée limitée, tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale. Dans ce cas il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département " ;

11. Considérant que, par un arrêté du 14 juin 2012, le préfet de la région de Picardie a choisi d'évoquer la compétence que les préfets des départements de l'Aisne, de l'Oise et de la Somme détiennent pour la délivrance des permis de construire les éoliennes terrestres, à des fins de coordination régionale et pour une durée limitée ; qu'ainsi, cet arrêté a pour base légale l'article 2 du décret précité du 29 avril 2004 et non, en tout état de cause, l'arrêté préfectoral relatif au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie de Picardie ; que l'arrêté du 14 juin 2012 n'est pas davantage une mesure d'application du schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie de Picardie, même si le préfet a fait référence aux objectifs qu'il s'assignait pour l'établissement de ce schéma ; que, dans ces conditions, l'annulation contentieuse de ce schéma par un arrêt nos 15DA00170,15DA00079 de la cour administrative d'appel de Douai du 16 juin 2016 ne rend pas illégale la mesure prise par le préfet de Picardie ; que, par suite, l'association requérante ne peut utilement exciper de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 14 juin 2012 portant droit d'évocation du préfet de la région Picardie à l'encontre de l'arrêté attaqué ;

En ce qui concerne l'accord du ministre chargé de l'aviation civile :

12. Considérant que l'accord du ministre chargé de l'aviation civile rendu le 11 décembre 2012, en vertu de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme, a été signé par un agent bénéficiant d'une délégation figurant à l'article 20 d'une décision de délégation du 15 septembre 2011 publiée au Journal officiel du 2 octobre 2011 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet accord manque en fait ;

En ce qui concerne la procédure :

S'agissant de l'absence de nouvelle concertation :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " I. - Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : / 1° L'élaboration ou la révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; / 2° La création d'une zone d'aménagement concerté ; / 3° Les opérations d'aménagement ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique, dont la liste est arrêtée par décret en Conseil d'Etat (...) " ;

14. Considérant que le permis de construire modificatif n'entre pas dans le champ d'application des dispositions rappelées au point précédent ; que, par suite, l'association requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. / II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / (...) / 4° Le principe selon lequel toute personne a le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques " ;

16. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, l'arrêté préfectoral relatif à un permis de construire qui se borne à modifier un permis de construire initial devenu de surcroît définitif et qui n'aggrave pas de manière substantielle les atteintes à l'environnement ou au patrimoine, n'avait pas à faire l'objet d'une nouvelle concertation ; que, par suite, le moyen selon lequel le principe prescrit par le 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement aurait été méconnu, doit être écarté ;

S'agissant de la consultation de l'autorité environnementale :

17. Considérant que la demande de délivrance du permis de construire modificatif était assortie d'une étude d'impact complémentaire portant sur les incidences du nouveau modèle d'aérogénérateurs, notamment d'un point de vue acoustique ; que ni les modifications apportées au projet initial, ni les résultats de cette étude ne commandaient une nouvelle consultation de l'autorité environnementale, dont l'avis ne lie d'ailleurs pas l'autorité préfectorale ; que, par suite, l'association requérante, qui n'apporte pas d'éléments qui auraient justifié une telle consultation, n'est pas fondée à soutenir que la procédure qui a conduit à la délivrance du permis de construire modificatif aurait été viciée sur ce point ;

S'agissant de l'absence de consultation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale limitrophes :

18. Considérant qu'aux termes du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : " Hors des zones de développement de l'éolien définies par le préfet, pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'urbanisme concernée " ; qu'aux termes de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme, entré en vigueur au 15 janvier 2012 : " Dans le cas d'un projet éolien soumis à permis de construire et situé en dehors d'une zone de développement de l'éolien définie par le préfet, l'autorité compétente recueille, conformément aux dispositions prévues au XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, l'avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet " ;

19. Considérant que les collectivités territoriales, et notamment les communes, visées par les dispositions législatives adoptées en 2010 complétées par celles réglementaires de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme, citées au point précédent, ne sont pas l'ensemble de celles limitrophes de la commune d'implantation du projet éolien mais seulement celles limitrophes du périmètre du projet lui-même ; que ces dispositions, qui n'étaient pas applicables à la date de délivrance du permis initial devenu définitif, n'imposent pas une telle consultation pour la délivrance d'un permis de construire modificatif qui n'a pas d'incidence sur le périmètre du projet, comme c'est le cas en l'espèce ; que, par suite, l'association requérante ne peut utilement invoquer la violation des dispositions citées au point précédent ;

S'agissant de la consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles :

20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / (...) / 2° (...) / Les projets de constructions, aménagements, installations et travaux ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par le représentant de l'Etat dans le département à la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans un délai d'un mois à compter de la saisine de la commission ; / 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes " ;

21. Considérant que l'obligation de consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles n'était pas imposée par l'article L. 111-1-2 précité à la date à laquelle le permis de construire initial a été instruit et délivré ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la modification de l'implantation de certaines éoliennes de quelques dizaines de mètres ait aggravé la réduction des surfaces agricoles concernées par le projet ou modifié leur utilisation ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles en méconnaissance de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme doit être écarté ;

En ce qui concerne l'étude d'impact :

22. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient l'association requérante, la cartographie et les coordonnées indiquées dans l'étude d'impact complémentaire jointe à la demande de permis de construire modificatif sont suffisantes pour apprécier les nouvelles implantations des éoliennes et notamment l'ampleur des déplacements ; que le rapprochement des éoliennes E3 et E5 du village de Vauxcéré se déduit de la lecture de la carte ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la description des nouvelles implantations doit être écarté ;

23. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de description du village de Vauxcéré dans l'étude d'impact réalisée à l'occasion de la demande de permis modificatif aurait induit le service instructeur en erreur dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état initial du site aurait connu de transformations significatives ; que, par ailleurs, l'étude d'impact complémentaire a mentionné l'existence de l'église classée du village de Vauxcéré ; que si elle a indiqué de manière succincte l'absence d'impact visuel du projet modificatif, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications apportées au projet auraient nécessité des développements plus précis par rapport à ceux figurant dans d'étude d'impact initial ; que, par suite, l'association n'est pas fondée à soutenir que l'absence de description du village de Vauxcéré et de prise en compte de l'impact du projet sur les monuments inscrits ou classés révélerait une insuffisance de l'étude d'impact ;

24. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le nouveau modèle d'aérogénérateurs autorisé présenterait un risque d'accident supérieur au précédent qui aurait ainsi justifié une étude complémentaire relative à ces risques spécifiques ; qu'en particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que le rapprochement des éoliennes E3 et E5 d'un chemin rural, moins fréquenté que des routes, aurait modifié de manière significative le niveau de risque d'accidents, d'ailleurs très faible pour ce type d'engins ; qu'enfin, les déplacements des éoliennes a eu notamment pour objet de respecter une distance de sécurité entre les pieds des mâts et les routes départementales et communales ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence d'étude des effets du projet sur la sécurité doit être écarté ;

25. Considérant, en quatrième lieu, que la société pétitionnaire a réalisé une actualisation de son étude acoustique afin de prendre en compte le changement de modèle, dont la puissance n'a pas été modifiée par rapport au modèle initial ; que, pour conclure au respect des seuils acoustiques réglementaires, l'étude a notamment pris en compte les hypothèses de vent les plus défavorables ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le niveau de bruit absolu des machines ait été mal apprécié par l'étude acoustique ni que le point de mesure choisi dans le village de Vauxcéré serait inadapté ; qu'ainsi, la circonstance qu'à l'occasion de l'actualisation de l'étude acoustique, il n'y ait pas eu d'examen de l'incidence sonore du projet sur une nouvelle habitation construite en 2008 à proximité des éoliennes, ne suffit pas à remettre en cause la fiabilité des conclusions de l'étude ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude acoustique doit être écarté ;

26. Considérant, en cinquième lieu, que la nouvelle étude d'impact a conclu à l'absence d'incidence de la modification du projet sur les effets stroboscopiques ; que ces résultats ne sont pas sérieusement contestés ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence d'étude des effets du projet sur la santé humaine doit être écarté ;

27. Considérant, en sixième lieu, qu'en l'absence de modification de l'impact du projet sur la faune, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'étude d'impact complémentaire serait insuffisante sur ce point ;

28. Considérant, en septième lieu, que l'absence de description des mesures envisagées pour éviter, réduire et, lorsque cela est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé dans l'étude d'impact complémentaire n'a pas eu d'incidence sur la légalité de l'arrêté ;

29. Considérant, en dernier lieu, que l'association requérante ne peut utilement invoquer le caractère incomplet de l'analyse de l'état initial du site qui se rapporte au permis initial qui revêt désormais un caractère définitif ;

30. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 22 à 29 que le moyen tiré des insuffisances de l'étude d'impact doit être écarté ;

En ce qui concerne le dossier de demande de permis modificatif :

31. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'implantation de l'éolienne E1 n'a pas été modifiée par le permis modificatif et que le déplacement des éoliennes E3 et E5 n'implique pas de modification dans les conditions d'utilisation du chemin d'accès par rapport au permis initial ; que, par suite, le moyen tiré des erreurs que comporterait la demande du pétitionnaire à propos de l'implantation exacte de l'éolienne E1 et de l'utilisation du chemin d'exploitation des éoliennes E3 et E5 doit être écarté ;

32. Considérant qu'en l'absence de modification apportée sur ce point par le permis de construire modificatif, le moyen tiré de l'absence dans le dossier de demande du pétitionnaire d'une autorisation accordée par la commune de Vauxcéré pour la réalisation des travaux sur son domaine privé, à savoir le chemin rural qui dessert les éoliennes E3 et E5, se rattache au permis de construire initial qui est devenu définitif ; que, par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant à l'encontre du permis de construire modificatif ;

En ce qui concerne le respect de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, relatif aux atteintes aux lieux avoisinants :

33. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme n'est opérant que dans la limite des nuisances supplémentaires nées du permis modificatif par rapport au permis initial ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications apportées auraient aggravé l'impact du projet sur le paysage ou les lieux avoisinants ; que, par suite, le préfet de Picardie n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en délivrant l'arrêté contesté ;

En ce qui concerne le respect du schéma de cohérence territoriale de la communauté de communes du Val de l'Aisne :

34. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme, dans la version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Les programmes locaux de l'habitat, les plans de déplacements urbains, les schémas de développement commercial, les plans locaux d'urbanisme, les plans de sauvegarde et de mise en valeur, les cartes communales, la délimitation des périmètres d'intervention prévus à l'article L. 143-1, les opérations foncières et les opérations d'aménagement définies par décret en Conseil d'Etat sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur. Il en est de même pour les autorisations prévues par l'article L. 752-1 du code de commerce et l'article L. 212-7 du code du cinéma et de l'image animée " ;

35. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le permis de construire un parc éolien ne fait pas partie des décisions dont il appartient de vérifier de manière directe la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du schéma de cohérence territoriale de la communauté de communes du Val de l'Aisne par le permis de construire en litige doit être écarté comme inopérant ;

36. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que l'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2013 par lequel le préfet de Picardie a délivré à la SNC MSE Le Haut des Epinettes un permis de construire modificatif ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

37. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la SNC MSE Le Haut des Epinettes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais le versement de la somme de 2 000 euros en faveur de la SNC MSE Le Haut des Epinettes au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 1er décembre 2015 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais devant la juridiction administrative est rejetée.

Article 3 : L'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais versera à la SNC MSE Le Haut des Epinettes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la protection et la préservation des paysages et de l'environnement du Soissonnais, à la SNC MSE Le Haut des Epinettes et au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.

Copie en sera transmise pour information au préfet de région Picardie.

Délibéré après l'audience publique du 14 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 novembre 2016.

Le président-assesseur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président-rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°16DA00459 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00459
Date de la décision : 10/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-04-01 Procédure. Introduction de l'instance. Intérêt pour agir. Absence d'intérêt.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-11-10;16da00459 ?
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