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30/12/2016 | FRANCE | N°14DA00158

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 30 décembre 2016, 14DA00158


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Colas Nord Picardie a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser une somme totale de 288 860,74 euros toutes taxes comprises, incluant la révision des prix au titre du règlement du marché public de travaux portant sur la réalisation de la chaussée du contournement de Beauvais par la route nationale 31, dont l'exécution lui avait été confiée, pour une somme de 110 515,79 euros toutes taxes comprises, et les intérêts moratoires sur le sol

de du marché, pour une somme de 178 344,95 euros toutes taxes comprises, ladi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Colas Nord Picardie a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser une somme totale de 288 860,74 euros toutes taxes comprises, incluant la révision des prix au titre du règlement du marché public de travaux portant sur la réalisation de la chaussée du contournement de Beauvais par la route nationale 31, dont l'exécution lui avait été confiée, pour une somme de 110 515,79 euros toutes taxes comprises, et les intérêts moratoires sur le solde du marché, pour une somme de 178 344,95 euros toutes taxes comprises, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête et lesdits intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts, d'autre part, à lui verser des intérêts moratoires complémentaires et d'arrêter en conséquence le décompte général et définitif du marché en cause à la somme de 17 303 045,55 euros toutes taxes comprises, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1103271 du 10 décembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a donné acte du désistement des conclusions de la requête de la société Colas Nord Picardie autres que celles afférentes à la révision des prix et aux intérêts moratoires qui y sont attachés et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2014, la société Colas Nord Picardie, représentée par Me A...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 décembre 2013 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'arrêter le décompte général du marché à la somme de 17 337 902,55 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 110 515,55 euros correspondant à la révision de prix ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la notification par ordre de service du 22 juillet 2008 du récapitulatif des acomptes mensuels et du solde ne valait pas notification du décompte général du marché ;

- ce décompte notifié ne vaut pas décompte général au sens de l'article 13.41 du cahier des clauses administratives générales ;

- ce décompte est incomplet en ce qu'il ne fait état que des acomptes n° 15 à 19 totalisant 2 181 986,58 euros alors que le prix initial du marché s'élève 14 568 369,31 toutes taxes comprises ;

- le vice affectant le décompte n'est pas régularisable ;

- la lettre du 7 octobre 2010 adressée au directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Picardie qui vaut mise en demeure au maître d'ouvrage d'établir et de notifier un nouveau décompte général a la valeur d'un mémoire de réclamation au sens de l'article 50.22 du CCAG ; qu'en l'absence de suite donnée, le délai prévu à l'article 50-32 n'a pas commencé à courir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2014, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que l'ordre de service ne valait notification du décompte général ;

- le décompte notifié par ordre de service du 22 juillet 2008 valait bien décompte général du marché ; la société a reconnu cette qualité à cet ordre de service puisqu'elle l'a signé avec réserve et y a joint un mémoire en réclamation ;

- sa requête en réclamation, nouvelle devant le juge, est irrecevable dès lors que le mémoire en réclamation ne comportait aucune demande relative à la révision des prix ; la société aurait pu contester la révision des prix contenue dans l'état du solde qui lui a été notifiée le 22 juillet 2008 et qui comportait les bases de calcul de la révision ;

- subsidiairement, le montant réclamé n'est pas justifié dès lors qu'il n'est pas calculé conformément aux dispositions du CCAP du marché.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 15 octobre 2014, la société Colas Nord Picardie, demande dans le dernier état de ses écritures à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 décembre 2013 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'arrêter le décompte général du marché à la somme de 17 359 563,64 euros ou subsidiairement à 17 335 398,45 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 132 176,88 euros toutes taxes comprises ou subsidiairement 108 011,69 euros, correspondant à la révision de prix, assorties des intérêts moratoires calculés selon les modalités imposées à l'article 3.2.7 du CCAP.

Elle soutient, en outre, que :

- la signature avec réserves d'un décompte irrégulier ou même son acceptation ne peuvent le régulariser et lui conférer en conséquence un caractère intangible ;

- le calcul de la révision est sans objet tant que le solde reste litigieux entre les parties ; le solde de 1 317 264,27 n'a été connu qu'en mars 2010 ;

- la lettre du 16 juin 2010 de la société acceptant la proposition indemnitaire de l'Etat et réclamant intérêts moratoires et révision des prix valait mémoire de réclamation au sens de l'article 50.22 du CCAG ; faute de réponse, le délai n'a pas pu commencer à courir ;

- sur le quantum, il y a bien lieu d'appliquer les coefficients de révision en distinguant par nature d'ouvrage ; qu'en tout état de cause, la révision calculée en fonction du seul index TP 08 s'élèverait à 90 310,78 euros HT ;

- les 110 515,79 euros doivent être considérés comme hors taxes, la requête étant entachée d'une erreur matérielle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me A...B..., représentant la société Colas Nord Picardie.

1. Considérant que, par acte d'engagement du 29 septembre 2005, l'Etat a confié à la société anonyme Colas Nord Picardie l'exécution d'un marché de travaux portant sur la réalisation de la chaussée du contournement de Beauvais par la route nationale 31, pour un montant de 12 180 910,96 euros hors taxes, soit 14 568 369,51 euros toutes taxes comprises ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserve le 14 décembre 2007 ; que la société requérante relève appel du jugement du 10 décembre 2013 en tant que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 110 515,79 euros toutes taxes comprises au titre de la révision des prix du marché ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif d'Amiens que la société Colas Nord Picardie avait soulevé, en première instance, le moyen tiré de ce qu'elle n'était pas liée par la teneur de son mémoire en réclamation adressé au maître d'ouvrage en réponse à l'ordre de service du 22 juillet 2008, dès lors que le décompte général notifié par cet ordre de service, incomplet, ne valait pas notification du décompte général du marché tel que prévu à l'article 13.41 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) et, qu'en conséquence, les dispositions de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales n'étaient pas applicables ; que le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que la société Colas Nord Picardie est, dès lors, fondée à soutenir que le jugement est entaché pour ce motif d'une d'irrégularité ; que le jugement doit, par suite, être annulé en tant qu'il rejette la demande indemnitaire de la société Colas Nord Picardie relative à la révision des prix du marché, y compris les intérêts moratoires y afférents ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Colas Nord Picardie devant le tribunal administratif d'Amiens ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 13.34 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux : " Le projet de décompte final établi par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d'oeuvre ; il devient alors le décompte final " ; qu'aux termes de l'article 13.41 du même cahier : " Le maître d'oeuvre établit le décompte général qui comprend : - le décompte final défini au 34 du présent article ; - l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel (...) ; - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. / Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation " ; qu'aux termes de l'article 13.42 : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service (...) " ; que l'article 13.44 stipule : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai Indiqué au premier alinéa du présent article Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 " ; que l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux fait obligation à l'entrepreneur, en cas de litige avec la personne responsable du marché de lui adresser un mémoire de réclamation ; qu'aux termes du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux : " 50.3. Procédure contentieuse : 50.31. Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la personne responsable du marché a notifié à la société Colas Nord Picardie, par ordre de service du 22 juillet 2008, un document présenté comme le décompte général relatif au marché consistant en un récapitulatif des avances, des acomptes mensuels et du solde arrêté au 10 juillet 2008 à la somme de 15 696 920,54 euros toutes taxes comprises ; qu'alors même que ce document ne comportait pas exhaustivement les pièces énumérées à l'article 13-41 précité du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, il résulte de l'instruction que par lettre du 31 juillet 2008, la société Colas Nord Picardie a signé avec réserves ce document en y joignant un document intitulé " mémoire en réclamation " ; qu'en outre, la société Colas Nord Picardie a signé, avec réserves, un second ordre de service daté du 28 octobre 2008 par lequel lui ont été notifiés, à nouveau, le récapitulatif des avances, des acomptes mensuels, du solde et également le décompte final, ainsi que l'état de révision des prix, en indiquant expressément que l'état du solde n'intégrait pas ses demandes d'indemnisation visées dans son mémoire en réclamation adressée " le 31 juillet 2008 en contestation du décompte général " ; qu'il résulte de ce qui précède, que, le décompte général notifié le 22 juillet 2008 fût-il incomplet, les éléments transmis ont permis à la société Colas Nord Picardie de constater l'existence d'un différend financier existant entre elle et le maître d'ouvrage, et de rédiger le mémoire en réclamation prévu par les dispositions précitées ; que, dans ces conditions, la société Colas Nord Picardie n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de notification de certains éléments prévus par l'article 13.41 précité, il devait être considéré qu'aucun décompte général ne lui aurait été notifié et qu'elle pouvait dans ces circonstances, par courriers des 7 octobre 2010 et 16 juin 2010, mettre en demeure le maître d'ouvrage de lui notifier le décompte général et que ces mises en demeure valaient mémoire en réclamation ; qu'il est constant que le mémoire en réclamation adressé au maître d'ouvrage par la société Colas Nord Picardie, en réponse à la notification du décompte général du marché le 22 juillet 2008, n'évoquait pas l'existence d'un différend portant sur la révision des prix ; que, par suite, en application de l'article 50.31 précité du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, la société n'est pas fondée à demander pour la première fois au juge du contrat la révision des prix ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Colas Nord Picardie n'est pas fondée à demander à ce que soit arrêté le décompte général du marché et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 132 176,88 euros toutes taxes comprises ou, subsidiairement, la somme de 108 011,69 euros, correspondant à la révision de prix, assorties des intérêts moratoires ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement du 10 décembre 2013 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il rejette la demande indemnitaire de la société Colas Nord Picardie relative à la révision des prix du marché, y compris les intérêts moratoires y afférents.

Article 2 : La demande présentée par la société Colas Nord Picardie devant le tribunal administratif d'Amiens tendant au prononcé du décompte général du marché et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 132 176,88 euros toutes taxes comprises correspondant à la révision de prix, assortie des intérêts moratoires et le surplus de ses conclusions devant la cour administrative d'appel de Douai sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Colas Nord Picardie et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat.

Délibéré après l'audience publique du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : P-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°14DA00158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00158
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation - Évocation.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : BILLEMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-30;14da00158 ?
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