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30/12/2016 | FRANCE | N°14DA00403

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 30 décembre 2016, 14DA00403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 juillet 2010 par lequel le maire de la commune du Havre a prolongé jusqu'au 24 octobre 2010 son placement en disponibilité d'office, d'enjoindre, sous astreinte, à la commune du Havre de procéder à son reclassement et de le rétablir dans ses droits, de condamner cette commune à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de réparation de son préjudice et de mettre à la charge de la mê

me commune une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 juillet 2010 par lequel le maire de la commune du Havre a prolongé jusqu'au 24 octobre 2010 son placement en disponibilité d'office, d'enjoindre, sous astreinte, à la commune du Havre de procéder à son reclassement et de le rétablir dans ses droits, de condamner cette commune à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de réparation de son préjudice et de mettre à la charge de la même commune une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 juillet 2011 par laquelle le maire de la commune du Havre a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre à la commune du Havre de le rétablir dans ses droits, de condamner cette commune à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de réparation de son préjudice et de mettre à la charge de la même commune une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1002807 et n° 1102543 du 7 janvier 2014, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint ces demandes, y a fait partiellement droit, en annulant l'arrêté et la décision contestés, en condamnant la commune du Havre à verser au requérant une somme de 5 000 euros à titre de réparation du préjudice moral résultant de son maintien illégal en disponibilité d'office, ainsi qu'en mettant à la charge de cette commune une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions que celles-ci comportaient.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2014, M.E..., représenté par Me C... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 janvier 2014 en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses demandes ;

2°) de faire injonction à la commune du Havre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de tirer les conséquences des annulations prononcées, en le rétablissement dans ses droits à traitement et accessoires à compter du mois de janvier 2008 et en lui faisant bénéficier d'une rente d'invalidité ;

3°) de condamner la commune du Havre à lui verser une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Havre une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Rouen a estimé à juste titre que l'arrêté du 20 juillet 2010, par lequel le maire de la commune du Havre a prolongé son placement en disponibilité d'office, et la décision du 18 juillet 2011, par laquelle cette même autorité a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, étaient entachés de plusieurs illégalités, tant externes qu'internes ;

- le tribunal administratif a toutefois omis de constater que les pièces versées au dossier établissaient que la pathologie dont il est atteint est imputable au service ;

- son maintien illégal en disponibilité lui a causé un préjudice matériel correspondant à la perte de traitement qu'il a subie ;

- le refus illégal de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il est atteint implique la régularisation de sa situation en matière de rémunération et de ses accessoires, ainsi que la prise en charge par la commune du Havre des dépenses médicales qu'il a exposées, de même que le versement d'une rente d'invalidité venant abonder sa pension de retraite ;

- le tribunal administratif a fait une insuffisante évaluation du préjudice moral qu'il a subi en conséquence des agissements de la commune du Havre à son égard en le fixant à la somme de 5 000 euros, qui doit être majorée de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2014, la commune du Havre, représentée par Me A...D..., conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme de 5 000 euros à M. E...à titre de réparation de son préjudice moral et au rejet des conclusions correspondantes de la demande de l'intéressé, enfin, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que la pathologie dont est atteint M. E...serait imputable au service ;

- l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les préjudices dont M. E...demande la réparation et, d'une part, l'illégalité des décisions annulées par les premiers juges, d'autre part, les prétendus agissements de l'administration à son égard n'est pas établie ;

- les préjudices invoqués ne sont établis ni dans leur réalité, ni dans leur quantum ;

- en tenant même ces préjudices pour établis dans leur réalité, les sommes demandées à titre de réparation sont, de même que celle accordée par les premiers juges, excessives.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Me C...F..., représentant M.E....

1. Considérant que M.E..., recruté le 15 octobre 1982 par la commune du Havre, a été titularisé dans ses fonctions et affecté, en 1996, au service des déplacements urbains, en qualité de dessinateur, puis, à compter du mois de novembre 2003, au sein de la direction de la voirie urbaine et du stationnement, afin d'exercer les mêmes fonctions ; qu'ayant rencontré des difficultés de santé au cours de l'année 2006, il a été placé, après avis favorable du comité médical départemental, en congé de longue maladie à compter du 25 janvier 2007, ce congé ayant été renouvelé jusqu'au 24 janvier 2010 ; que, par un arrêté du 10 février 2010, M. E...a été maintenu, à titre conservatoire, à demi-traitement, puis a été placé, par un arrêté du 29 mars 2010 pris après avis du comité médical départemental, en disponibilité d'office, à compter du 25 janvier 2010 et jusqu'au 24 avril 2010, avec maintien de son demi-traitement ; que, M. E... ayant, entre-temps, été de nouveau placé en arrêt de travail pour maladie, le maire de la commune du Havre a décidé, par un arrêté du 20 juillet 2010, de prolonger la mise en disponibilité d'office de l'intéressé, sans traitement, du 25 avril 2010 au 24 octobre 2010 ; qu'en outre, la commune du Havre a refusé, par une décision du 18 juillet 2011, de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont M. E...est atteint ; que l'intéressé relève appel du jugement du 7 janvier 2014 du tribunal administratif de Rouen, en tant qu'après avoir annulé l'arrêté du 20 juillet 2010 portant prolongation de sa mise en disponibilité d'office, et la décision du 18 juillet 2011 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, il a refusé d'enjoindre à la commune du Havre de procéder à son reclassement et de le rétablir dans ses droits et qu'il a seulement condamné la commune du Havre à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de réparation du préjudice moral résultant de son maintien illégal en disponibilité d'office et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes ; que la commune du Havre conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il l'a condamnée à indemniser M. E... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

2. Considérant, d'une part, qu'il est constant que M. E...a été placé, à compter du 1er avril 2011, en retraite d'office pour invalidité ; qu'en conséquence, l'annulation pour excès de pouvoir, prononcée par le jugement attaqué, de l'arrêté du 20 juillet 2010 par lequel le maire de la commune du Havre a prolongé jusqu'au 24 octobre 2010 son placement en disponibilité d'office, n'impliquait pas que l'intéressé soit réintégré dans les services de la commune de Havre et reclassé sur un autre poste que celui qu'il y occupait ; qu'en revanche, cette annulation impliquait que la commune du Havre procède à une reconstitution de la carrière de l'intéressé au 20 juillet 2010 et qu'elle prenne les mesures propres à régulariser sa situation administrative à compter de cette date jusqu'à celle de son départ à la retraite, en lui servant, le cas échéant, les sommes qui lui seraient dues au titre des rémunérations et de leurs accessoires ;

3. Considérant, d'autre part, que l'annulation, prononcée par le même jugement, de la décision du 18 juillet 2011 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont demeure atteint M.E..., aux motifs qu'elle avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et que l'autorité territoriale n'avait pu légalement fonder son appréciation sur l'un des tableaux des maladies professionnelles prévus par le code de la sécurité sociale, n'impliquait pas que la commune du Havre, ni, en tout état de cause, le tribunal administratif, procèdent à cette reconnaissance, et n'impliquait pas davantage que la commune du Havre en tire des conséquences, en ce qui concerne la prise en charge des rémunérations et des frais médicaux, de même qu'en ce qui concerne les droits à pension de l'intéressé ; que cette annulation impliquait seulement que la commune du Havre procède à un nouvel examen de la demande présentée en ce sens par M.E..., après avoir de nouveau consulté sur ce point la commission de réforme, réunie dans une composition conforme à l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté purement et simplement les conclusions à fin d'injonction dont il avait assorti ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2010 et de la décision du 18 juillet 2011 ; qu'il y a lieu, en cause d'appel, d'enjoindre à la commune du Havre de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, aux mesures d'exécution décrites aux points 2 et 3, sans qu'il soit nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

5. Considérant, en premier lieu, que, si M. E...demande la condamnation de la commune du Havre à lui verser, à titre de réparation du préjudice matériel dont il fait état, les rémunérations dont il aurait été privé en raison de la prolongation illégale, par l'arrêté du 20 juillet 2010, de sa période de disponibilité d'office, l'injonction, définie aux points 2 et 4 et prescrite par le présent arrêt, a pour objet de rétablir l'intéressé dans ses droits à compter de la date de cet arrêté illégal jusqu'à la date de sa mise en retraite d'office pour invalidité ; qu'ainsi, les conclusions indemnitaires présentées à cette même fin par M. E...ne peuvent qu'être rejetées ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le tribunal administratif de Rouen n'avait pas, par le jugement attaqué, à se prononcer sur l'imputabilité au service de la pathologie dont est atteint M. E...et l'annulation, pour les motifs rappelés au même point 3, de la décision du 18 juillet 2011 refusant cette reconnaissance ne crée pas pour l'intéressé un droit à obtenir le versement par la commune du Havre, selon le régime de prise en charge des maladies imputables au service, d'un complément de rémunération et des frais médicaux qu'il a exposés, ni l'abondement de sa pension de retraite par une rente d'invalidité ; qu'il suit de là que les conclusions indemnitaires présentées à ces fins par M. E...doivent être rejetées ;

7. Considérant, enfin, que, s'il résulte de l'instruction que M. E...a subi, en conséquence de l'illégalité fautive affectant son maintien en disponibilité sans traitement jusqu'au 24 octobre 2010, un préjudice moral qu'il incombe à la commune du Havre de réparer, cette dernière est fondée à soutenir que le tribunal administratif de Rouen a fait, par le jugement attaqué, une évaluation excessive de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 5 000 euros ; qu'il en sera fait, dans les circonstances de l'espèce et en tenant compte, notamment, de la manière de servir de l'intéressé, une plus juste appréciation en ramenant cette somme à 1 500 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. E...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 janvier 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté, dans la mesure exposée aux points 2 à 4, les conclusions à fin d'injonction que comportaient ses demandes et, d'autre part, que la commune du Havre est fondée à demander, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce même jugement, en tant qu'il l'a condamnée à indemniser l'intéressé du préjudice moral subi par lui ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Havre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme au titre des frais exposés par M. E...et non compris dans les dépens, ni de mettre à la charge de ce dernier, sur le même fondement, une somme au titre des frais exposés par la commune du Havre et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 janvier 2014 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a rejeté, dans la mesure exposée aux points 2 à 4 des motifs du présent arrêt, les conclusions à fin d'injonction que comportaient les demandes de M.E....

Article 2 : Il est enjoint à la commune du Havre de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, aux mesures de régularisation de la situation administrative de M. E...définies aux points 2 à 4 des motifs de cet arrêt.

Article 3 : La somme de 5 000 euros que la commune du Havre a été condamnée à verser à M. E...à titre de réparation de son préjudice moral est ramenée à 1 500 euros.

Article 4 : Le jugement du 7 janvier 2014 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune du Havre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et à la commune du Havre.

Délibéré après l'audience publique du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°14DA00403

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3

N°"Numéro"


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : VERILHAC

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 30/12/2016
Date de l'import : 17/01/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14DA00403
Numéro NOR : CETATEXT000033859003 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-30;14da00403 ?
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