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30/03/2017 | FRANCE | N°15DA00062

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 30 mars 2017, 15DA00062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la communauté d'agglomération havraise à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification de sa demande indemnitaire préalable ainsi que de leur capitalisation et de mettre à la charge la communauté d'agglomération havraise une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 13027

66 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la communauté d'agglomération havraise à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification de sa demande indemnitaire préalable ainsi que de leur capitalisation et de mettre à la charge la communauté d'agglomération havraise une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302766 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 janvier 2015, 14 octobre 2015 et 6 juillet 2016, MmeB..., représentée par Me D...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2014 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération havraise à lui verser la somme de 50 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la notification de sa demande indemnitaire préalable et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération havraise une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime de harcèlement moral ;

- les propositions de tâches qui lui ont faites étaient inadaptées à son profil et insuffisantes eu égard à leur volume horaire ; qu'aucune formation ne lui a en outre été proposée ;

- la communauté d'agglomération n'a tenté de remédier à la situation qu'à compter de septembre 2012 ;

- la communauté d'agglomération n'est pas à l'initiative de sa mise à disposition du syndicat mixte des bassins versants (SMBV) de la Pointe de Caux ;

- ses supérieurs hiérarchiques étaient informés de sa situation ;

- elle n'avait plus à exercer les missions relatives à la gestion des contrats d'entretien de son ancien employeur dès lors qu'ils avaient été résiliés ;

- sa mise à disposition auprès du SMBV de la Pointe de Caux relève de l'initiative de ce syndicat et non de son employeur ;

- la circonstance qu'elle se soit plainte des appels intempestifs reçus sur son poste téléphonique en raison d'une erreur dans l'annuaire téléphonique est sans incidence sur l'existence du harcèlement moral qu'elle a subi ;

- la suspension des discussions relatives à l'évolution de son poste est indépendant de sa volonté ;

- elle a subi des préjudices du fait de la dégradation importante de son état de santé et des troubles dans ses conditions d'existence ;

- elle a dû être placée en congé maladie puis a été déclarée inapte définitive au travail ; elle n'a perçu que la moitié de son traitement à compter du 13 décembre 2013 puis a été mise à la retraite à compter du 1er mars 2014 ; elle n'a pas pu mener sa carrière à terme, ce qui lui aurait permis d'obtenir une retraite plus élevée ;

- le montant de sa retraite a été amputé non seulement à raison de son congé maladie mais aussi suite à la reconnaissance de son inaptitude définitive qui l'a conduite à liquider sa retraite de manière anticipée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 juillet 2015, 27 novembre 2015 et 11 juillet 2016, la communauté d'agglomération havraise, représentée par Me A...C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B...d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme B...n'apporte aucune précision sur les missions qui lui ont retirées depuis 2010 ;

- la communauté d'agglomération havraise l'a autorisée à travailler au sein du SMBV de la pointe de Caux lors de sa demande à 2010 ;

- elle n'a plus transmis d'observations sur ses conditions de travail jusqu'à son courrier du 11 septembre 2012 ;

- des propositions lui ont été adressées dès novembre 2012 pour faire évoluer son poste ;

- elle n'a sollicité un licenciement qu'en vue de s'inscrire à Pole emploi pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein ;

- elle n'a eu nullement l'intention de faire progresser sa carrière dès lors qu'elle a refusé d'accéder à la qualité de fonctionnaire titulaire en application des dispositions législatives relatives à la résorption de l'emploi précaire et a d'ailleurs refusé de se faire évaluer au titre de l'année 2012 ;

- les postes proposés correspondaient au cadre d'emploi des rédacteurs territoriaux ;

- il n'est pas établi que son syndrome anxio-dépressif soit imputable au harcèlement moral qu'elle allègue avoir subi ;

- aucun lien de causalité direct et certain n'est établi ;

- elle n'a pas été mise à l'écart ;

- elle n'établit pas l'existence de son préjudice et son ampleur ;

- l'existence de troubles dans les conditions d'existence n'est assortie d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- elle n'a subi aucun préjudice financier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-1634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'un transfert de compétence entre le Syndicat mixte des rivières de la Lézarde et affluents (SYRILE) et la communauté d'agglomération havraise (CODAH), Mme B...qui exerçait des fonctions de secrétaire administrative au grade de rédactrice territoriale contractuelle à durée indéterminée, au sein de ce premier syndicat, a été engagée à compter du 1er janvier 2010 à la direction eau et assainissement de la CODAH, devenue ensuite la direction du cycle de l'eau ; qu'estimant " ne travailler que de manière insignifiante " depuis ce transfert, elle a demandé par une lettre du 11 septembre 2012 à la CODAH à pouvoir être licenciée ; que par une lettre du 28 novembre 2012, la CODAH a refusé de faire droit à une telle demande et lui a proposé de changer de fonction ; que par une lettre du 13 janvier 2013, l'intéressée a rejeté cette proposition ; que Mme B...a été placée en congé longue maladie à compter du 12 décembre 2012 et a été mise à la retraite pour inaptitude à partir du 1er mars 2014 ; que par une lettre du 17 juillet 2013, elle a demandé à la CODAH la réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle dit avoir fait l'objet et du comportement fautif de son employeur ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen qui a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité de la CODAH à raison d'un harcèlement moral :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant qu'au soutien de ses conclusions tendant à ce qu'elle soit reconnue comme ayant été victime de harcèlement moral, Mme B...fait valoir s'être vu progressivement privée de ses tâches suite au transfert de la compétence relative à la gestion écologique et durable des rivières, à la CODAH et à son embauche par cet établissement public de coopération intercommunale ; qu'elle indique avoir signalé cette situation à l'occasion de ses entretiens d'évaluations en 2010 puis en 2011 et que, dès lors, sa hiérarchie avait connaissance de son manque d'activité subi ; qu'elle soutient également que la dégradation de ses conditions de travail seraient à l'origine du syndrome anxio-dépressif dont elle souffre et qui l'a conduit à devoir être placée en congé longue maladie à compter du 12 décembre 2012 ; que les éléments ainsi produits par Mme B...sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral ;

6. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que le désoeuvrement dont se plaint l'intéressée est la conséquence, suite au transfert de compétences précité et aux mouvements de personnels corrélatifs, d'une charge de travail insuffisante dévolue au service de la CODAH où été employée Mme B...; que devant cette situation, l'établissement public de coopération intercommunale a autorisé l'intéressée à travailler deux demi-journées par semaine au sein du syndicat mixte de la pointe de Caux dans le cadre d'une convention de mise à disposition portant sur le période du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010, avant d'être prolongée jusqu'au 31 mars 2011 ; qu'en réponse au courrier du 11 septembre 2012 par lequel Mme B...faisait part de son mal-être professionnel et de son souhait d'être licenciée, l'intéressée a été reçue le 24 octobre 2012 par le directeur du cycle de l'eau et son directeur adjoint délégué aux hydro-systèmes, rivières et lutte contre les inondations ; que par une lettre du 28 novembre 2012, la CODAH lui a proposé de changer de fonction pour être affectée à un poste d'agent d'accueil au service abonnés de la direction du cycle de l'eau, ou de compléter ses fonctions actuelles avec des missions le mercredi au sein de l'équipe " plomb " ; que bien que la fiche de poste ne mentionne pas la catégorie actuelle d'emploi à laquelle le poste du service " abonnés " devait se rattacher, il résulte de l'instruction que de telles fonctions, alors vacantes, pouvaient correspondre au profil et aux compétences de MmeB... ; qu'il n'en va pas autrement des missions de nature administrative contenues dans le complément de mission au sein de l'équipe " plomb " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme B...aurait subi une mise à l'écart ; qu'il lui a été d'ailleurs proposé de faire valoir ses droits dans le cadre des dispositions sur la résorption de l'emploi précaire ; qu'il résulte des éléments ainsi produits par la CODAH que les agissements dénoncés par Mme B...étaient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral ;

Sur la responsabilité de la CODAH à raison d'une carence fautive :

7. Considérant que si l'administration n'a pas tiré de conséquences du contenu des évaluations de Mme B...qui exprimait, sans y être contredite d'ailleurs, ses difficultés, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée aurait à d'autres reprises et sous une autre forme alerté sa hiérarchie sur sa situation entre 2010 et 2012 ; que comme il a été dit au point précédent, il ne résulte pas de l'instruction que la CODAH serait restée inactive face au mal être rencontrée par Mme B...tel qu'il est décrit dans sa lettre du 11 septembre 2012 ; que dans ces conditions la requérante n'est pas fondée à soutenir que le comportement de la CODAH serait constitutif d'une carence fautive de nature à engager la responsabilité de la collectivité ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération havraise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B...et à la communauté d'agglomération havraise.

Délibéré après l'audience publique du 15 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

-M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 mars 2017.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : J-J. GAUTHE Le président

de la formation de jugement,

Signé : O. NIZET

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

1

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N°15DA00062

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4

N°"Numéro"


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Nizet
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : DESMEULLES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 30/03/2017
Date de l'import : 18/04/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15DA00062
Numéro NOR : CETATEXT000034391843 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-03-30;15da00062 ?
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