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30/03/2017 | FRANCE | N°15DA00998

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 30 mars 2017, 15DA00998


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...E...a demandé au tribunal administratif de Lille :

- d'annuler, d'une part, la décision du 8 juillet 2013 par laquelle le directeur de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une somme de 16 800 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travailler et la décision du 6 août 2013 rejetant son recours gracieux, d'autre part, le titre de perception qui lui a été adressé pour ce montant le 30 ao

t 2013 et les mises en demeure, émises à son encontre les 5 novembre 2013 et 2 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...E...a demandé au tribunal administratif de Lille :

- d'annuler, d'une part, la décision du 8 juillet 2013 par laquelle le directeur de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une somme de 16 800 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travailler et la décision du 6 août 2013 rejetant son recours gracieux, d'autre part, le titre de perception qui lui a été adressé pour ce montant le 30 août 2013 et les mises en demeure, émises à son encontre les 5 novembre 2013 et 2 décembre 2013 pour avoir paiement de cette somme ;

- de lui accorder la décharge de la contribution spéciale en litige et de l'obligation de payer la somme correspondante, ainsi que la pénalité de 1 680 euros dont elle a été assortie.

Par un jugement nos 1307184, 1400765 du 15 avril 2015, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces demandes, les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2015, MmeE..., représentée par Me A... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 15 avril 2015 ;

2°) de prononcer les annulations et décharges demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- à la date à laquelle la décision du 8 juillet 2013 en litige a été prise, la contribution spéciale contestée ne pouvait être légalement mise à sa charge, faute pour le décret prévu à l'article L. 8253-1 du code du travail d'avoir été pris ;

- le principe de non-rétroactivité des dispositions légales plus sévères en matière de sanction administrative faisait obstacle à ce que les dispositions de cet article, dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 2012, soient appliquées à sa situation ;

- le titre de perception du 30 août 2013 et les mises en demeure de payer des 5 novembre et 2 décembre 2013 ne pourront qu'être annulés par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 8 juillet 2013 ;

- ces actes devront, en tout état de cause, être annulés dès lors que l'exécution de la décision du 8 juillet 2013 ayant servi de fondement à la créance a été suspendue par la juridiction administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2016, l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me C...D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 800 euros soit mise à la charge de Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 8 juillet 2013 a été compétemment prise ;

- les énonciations du procès-verbal dressé par l'inspection du travail font foi jusqu'à preuve du contraire ;

- la sanction prononcée à l'encontre de Mme E...est légalement fondée dans son principe ;

- le quantum de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti a pu légalement être retenu en application des dispositions législatives en vigueur à la date des faits reprochés ;

- les difficultés financières dont a fait état Mme E...ne sont pas établies.

Mme E...a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n°2012-1509 du 29 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Me A...F..., représentant MmeE....

1. Considérant que, le 7 juin 2011 vers 10h00, le marché hebdomadaire ouvert sur la place Nouvelle Aventure à Lille a fait l'objet d'un contrôle, effectué, sur réquisition du parquet, par des agents de l'inspection du travail de l'unité territoriale du Nord-Lille ; que les agents, dont la mission consistait, sur le site du marché, à s'assurer du bon respect de la législation sociale et à vérifier la situation du personnel présent sur place, ont souhaité contrôler la situation d'un individu occupé à servir des clients sur un point de vente de fruits et légumes exploité par Mme E..., laquelle exerce, avec la collaboration de son époux, une activité de commerçant ambulant ; que ce contrôle a révélé que l'intéressé, de nationalité algérienne, était en possession d'un récépissé de dépôt de demande d'asile sur lequel figurait la mention " n'autorise pas son titulaire à travailler " ; que Mme E...n'a, ensuite, pas été en mesure de justifier de la déclaration de ce collaborateur auprès des organismes sociaux ; qu'elle relève appel du jugement du 15 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 8 juillet 2013 par laquelle le directeur de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une somme de 16 800 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travailler et de la décision du 6 août 2013 rejetant son recours gracieux, d'autre part, du titre de perception qui lui a été adressé pour ce montant le 30 août 2013 et des mises en demeure, émises à son encontre les 5 novembre 2013 et 2 décembre 2013 pour avoir paiement de cette somme ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction issue de l'article 78 de la loi du 29 décembre 2010, applicable à la date de constatation des faits reprochés : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'Etat comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. / Les sommes recouvrées par l'Etat pour le compte de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui sont reversées. " et qu'aux termes de l'article R. 8253-8 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°2008-244 du 7 mars 2008, alors en vigueur : " Le montant de la contribution spéciale est égal à mille fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. " ;

3. Considérant, d'une part, que si les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, en vigueur à la date du 7 juin 2011 à laquelle les faits reprochés à MmeE... ont été constatés, énoncent que le montant de la contribution spéciale qu'elles instituent est déterminé dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, cet article, en tant qu'il dispose que le montant de cette contribution est " au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 ", a édicté une règle suffisamment précise pour être applicable sans attendre l'intervention d'un tel décret et ont, dès leur entrée en vigueur, nécessairement abrogé les dispositions réglementaires incompatibles de l'article R. 8253-8 précité du code du travail ; qu'en tout état de cause, la sanction infligée à la requérante pouvait être prise en l'absence du décret annoncé dès lors qu'elle a été fixée à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12, qui correspondait au taux minimum prévu par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision du 8 juillet 2013 contestée serait dépourvue de base légale doit être écarté ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que MmeE..., qui n'invoque aucune des circonstances, tirées de l'absence de cumul d'infraction ou du paiement spontané des salaires et indemnités dus au salarié en cause, susceptible de le justifier, pourrait prétendre, en application des dispositions de la loi nouvelle, à savoir de l'article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 portant loi de finances pour 2013, à ce que lui soit appliqué un montant réduit à 2 000 fois ou à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti ; que, par suite et quand bien même cette disposition législative pourrait être regardée comme plus douce que celle sur laquelle la sanction en litige est fondée, il ne peut en être fait application immédiate au cas d'espèce ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à contester la légalité de la décision du 8 juillet 2013 par laquelle le directeur de l'OFII a mis à sa charge la contribution spéciale en cause, la circonstance que le juge des référés ait estimé, pour suspendre provisoirement l'exécution de cette décision, que l'un des moyens de la requérante était, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de celle-ci étant sans incidence à cet égard ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré de ce que le titre de perception du 30 août 2013 et, en tout état de cause, les mises en demeure de payer des 5 novembre et 2 décembre 2013 devraient être annulés par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 8 juillet 2013 ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 15 avril 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes, tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'OFII du 8 juillet 2013 et des actes émis pour obtenir le paiement de la somme correspondante, ainsi qu'à la décharge de la contribution spéciale en litige et de l'obligation de payer cette somme, en droits et pénalités ; que les conclusions que Mme E...présente au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de Mme E..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par l'OFII et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...B...épouse E...et à l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Copie en sera adressée, pour information, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 15 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 mars 2017.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPIN Le président de

la formation de jugement,

Signé : O. NIZET

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA00998

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00998
Date de la décision : 30/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. Nizet
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : GUILBEAU-BRADIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-03-30;15da00998 ?
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