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14/09/2017 | FRANCE | N°16DA01907

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 14 septembre 2017, 16DA01907


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 juin 2016 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert vers la Belgique.

Par un jugement n° 1604994 du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2016, Monsieur E...A..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'a

nnuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte, de l'admettre a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 juin 2016 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert vers la Belgique.

Par un jugement n° 1604994 du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2016, Monsieur E...A..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte, de l'admettre au séjour en sa qualité de demandeur d'asile et de lui délivrer une attestation constatant le dépôt d'une demande d'asile ou, à défaut de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la directive 2003/09/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 de ce code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite et motivée prise par l'autorité administrative (...) " ;

2. Considérant que par un arrêté du 4 mai 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 124 du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à M. F... C..., directeur de l'immigration et de l'intégration, signataire de la décision attaquée, à l'effet de signer notamment les " décisions de transfert prévues à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de remise doit être écarté ;

3. Considérant que la décision attaquée vise les textes et expose les motifs de fait sur lesquels le préfet s'est fondé, notamment les déclarations du requérant formulées à l'appui de la demande d'enregistrement de sa demande d'asile du 3 février 2016 ; que, dès lors, elle énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord a délivré le 8 février 2016 à M.A..., ressortissant guinéen né le 20 octobre 1997, l'attestation de demande d'asile prévue par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle mentionne qu'il fait l'objet d'une procédure " Dublin ", conformément aux exigences de l'article L. 741-2 du même code ; qu'en outre, l'intéressé s'est également vu remettre, le 8 février 2016, le jour de l'enregistrement de sa demande d'asile, les brochures " Je suis sous procédure Dublin - qu'est ce que cela signifie ", " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande " ainsi que le guide du demandeur d'asile en France rédigés en français, langue qu'il comprend comme en témoigne le formulaire de l'entretien individuel ; qu'il a signé le même jour ces documents attestant de la remise des informations ; qu'enfin, il ne résulte pas des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 qu'une information particulière doit être délivrée au demandeur d'asile voué à être transféré vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 que les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent, afin d'en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations précitées, mener un entretien individuel avec le demandeur ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a bien bénéficié de cet entretien le 8 mars 2016 dans les locaux de la préfecture du Nord ; que lors de cet entretien, l'intéressé a fourni des informations relatives à son âge, à sa situation familiale, les conditions de son entrée en France, ainsi que sa demande d'asile déposée en Belgique ; que si le requérant laisse entendre que cet entretien n'aurait pas été confidentiel, il n'apporte aucune précision à l'appui de cet argument ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 que : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) no 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...) " ; qu'il résulte de l'article 18 du même règlement que l'Etat membre responsable en vertu de ce règlement est tenu de prendre en charge le demandeur qui a introduit une demande dans un autre Etat membre et de reprendre en charge le demandeur dont la demande est en cours d'examen, qui a retiré sa demande en cours d'examen ou dont la demande a été rejetée, qui a présenté une demande dans un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ;

7. Considérant qu'à la suite du dépôt de la demande d'asile de M.A..., le 8 février 2016, le préfet a consulté la base de données " Eurodac ", laquelle a révélé que l'intéressé avait déjà sollicité l'asile en Belgique le 25 mars 2013 ; que la décision de transfert vers l'Etat responsable concernant l'intéressé ne se fonde pas sur l'article 13 de ce règlement, qui concerne la prise en charge du demandeur, mais sur le paragraphe premier de l'article 18 relatif à la reprise en charge d'un demandeur d'asile ; qu'à cet égard, les autorités belges ont été saisies d'une demande de reprise et non de prise en charge du demandeur, acceptée le 12 avril 2016 ; que, dès lors le moyen tiré de la méconnaissance de l'expiration du délai de douze mois prévu par les dispositions de l'article 13 est inopérant ;

8. Considérant que le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe, dans le paragraphe 1 de son article 3, qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre ; que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre ; que l'application de ces critères peut être écartée, conformément à l'article 53-1 de la Constitution et au dernier alinéa précité de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre ; que la clause de souveraineté est une clause discrétionnaire qui laisse une large marge d'appréciation à l'autorité administrative ;

9. Considérant que, par l'arrêté du 4 juin 2016, le préfet du Nord a décidé du transfert de l'intéressé vers la Belgique, au motif, d'une part, que ce dernier ayant précédemment sollicité l'asile en Belgique, son examen relevait de la compétence de ces autorités, lesquelles ont d'ailleurs accepté, par une décision du 12 avril 2016, de reprendre en charge l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, de ce qu'il ne justifiait d'aucun élément nécessitant la mise en oeuvre des clauses dérogatoires des dispositions précitées ; qu'il ressort des termes de l'arrêté litigieux que le préfet du Nord a procédé à un examen attentif de la situation personnelle et familiale du requérant ; qu'en effet, le préfet s'est notamment fondé sur les déclarations du requérant recueillies au cours de l'enregistrement de sa demande d'asile, dont il résulte qu'il est célibataire, sans enfant, qu'il n'a pas d'attache familiale en France, et qui n'indique pas qu'il serait dans l'impossibilité de retourner sur le territoire belge ; qu'en outre, le français est également parlé en Belgique ; qu'enfin, la Belgique, Etat membre de l'Union européenne, est partie à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, en considérant que le requérant ne justifiait pas de circonstances particulières de nature à remettre en cause la décision de remise aux autorités belges, en ne faisant ainsi application ni de la clause de souveraineté prévue par l'article 53-1 de la Constitution, ni de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement, le préfet n'a entaché sa décision ni d'erreur de fait, ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;

10. Considérant que l'article 13 de la directive 2003/09/CE du 27 janvier 2003 prévoit que les États membres font en sorte que les demandeurs d'asile aient accès aux conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils introduisent leur demande d'asile, afin de leur garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d'assurer leur subsistance ;

11. Considérant que M.A..., en sa qualité de demandeur d'asile dont la demande relevait de la compétence d'un autre Etat européen, pouvait solliciter le bénéfice des conditions minimales d'accueil en France jusqu'à son transfert effectif aux autorités belges, conformément à ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 27 septembre 2012 (aff. C-179/11) ; qu'il a également la possibilité, le cas échéant, de saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin de faire respecter son droit à un hébergement ou au bénéfice de l'allocation temporaire d'attente ; qu'en revanche, il ne peut utilement se prévaloir d'éventuels manquements commis à ce titre par le préfet, pour demander l'annulation de la décision de transfert vers la Belgique, qui est prise indépendamment de ces modalités d'accueil ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les conditions matérielles d'accueil sont insuffisantes pour garantir un niveau de vie digne aux demandeurs d'asile, doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. A... doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°16DA01907 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 14/09/2017
Date de l'import : 26/09/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16DA01907
Numéro NOR : CETATEXT000035597234 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-09-14;16da01907 ?
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