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25/05/1989 | FRANCE | N°89LY00362

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 25 mai 1989, 89LY00362


Vu la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 1988, par laquelle le président de la 1ère sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 24 juillet 1987 pour la Société des Grands Travaux de Marseille, Bâtiments et Travaux publics ; Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 juillet 1987 et 5 novembre 1987 présentés par Maître

ODENT, avocat aux conseils, pour la Société des Grands Travaux de Ma...

Vu la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 1988, par laquelle le président de la 1ère sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 24 juillet 1987 pour la Société des Grands Travaux de Marseille, Bâtiments et Travaux publics ; Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 juillet 1987 et 5 novembre 1987 présentés par Maître ODENT, avocat aux conseils, pour la Société des Grands Travaux de Marseille, Bâtiments et Travaux publics et tendant à : - l'annulation d'un jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 25 mai 1987 qui l'a condamné solidairement avec la ville de Nice à payer des indemnités de 29 480,30 francs au Bureau d'Aide Sociale de Nice, et de 1 651 746,55 francs à l'Association de l'Archiconfrérie de la Miséricorde, et les frais d'expertise et qui l'a condamnée à garantir la ville de Nice, - la décharge de toute condamnation, Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n° 77-1488 du 30 décembre 1977 ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience du 20 avril 1989 : - le rapport de M. ZUNINO, conseiller, - les observations de Me ODENT, avocat de la Société des Grands Travaux de Marseille et de la SCP MASSE DESSEN, GEORGES, THOUVENIN, avocat de l'Archiconfrérie de la Miséricorde, - les conclusions de M. JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a, après expertise prescrite par une ordonnance de référé en date du 10 mars 1986, condamné solidairement la ville de Nice et la SA "Grands Travaux de Marseille Entrepose" à réparer les dommages causés à un bâtiment du Bureau d'Aide Sociale de Nice et à la Chapelle de la Miséricorde, qui appartient à l'Association de l'Archiconfrérie de la Miséricorde, à la suite de l'exécution des travaux de construction d'un parc de stationnement ; que la Société des Grands Travaux de Marseille - Bâtiments et Travaux Publics, se substituant à la Société des Grands Travaux de Marseille Entrepose, fait appel de ce jugement, la ville de Nice concluant au rejet de la requête en reprenant en tant que de besoin ses conclusions de première instance, tendant à être garantie par la société des condamnations solidaires prononcées à son encontre, et l'association de l'Archiconfrérie de la Miséricorde sollicitant par la voie d'un recours incident l'attribution d'une indemnité complémentaire ; Sur la régularité de la procédure suivie en première instance : Considérant que le jugement attaqué se fonde notamment sur des résultats du rapport d'expertise relatif aux désordres provoqués par les remontées d'humidité affectant les immeubles en cause ; qu'il résulte des pièces du dossier que l'expert a tenu plusieurs réunions et procédé à plusieurs visites sans convoquer la société requérante et qu'après avoir procédé le 16 juin 1986 à une réunion de clôture contradictoire, il a poursuivi ses investigations les 30 juin et 3 juillet 1986 au cours desquelles il a notamment consulté des spécialistes de la restauration afin de déterminer les travaux à accomplir et d'examiner des devis ; que même si les résultats de ces visites, de ces réunions ou de ces consultations ont été portés à la connaissance des parties par le rapport d'expertise, la société des Grands Travaux de Marseille qui n'avait été convoquée qu'à la première réunion de travail en 1986 et à la réunion dite "de clôture" est fondée à soutenir que, dans ces circonstances, l'expertise n'a pas respecté les principes de la procédure contradictoire et que le jugement attaqué doit, en ce qui la concerne, être annulé comme intervenu sur une procédure irrégulière ; que toutefois cette annulation ne fait pas obstacle à ce que la Cour tienne compte du rapport établi par l'expert, qui constitue l'une des pièces du dossier ; que dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions des demandes du Bureau d'Aide Sociale de la ville de Nice et de l'Association de l'Archiconfrérie de la Miséricorde dirigées contre la société requérante, et d'examiner l'appel en garantie de la ville de Nice ;
Sur le principe de la responsabilité : Considérant que les dommages entraînés par l'exécution de travaux publics ouvrent droit à réparation à l'égard des tiers, sans que ceux-ci aient à prouver l'existence d'une faute, ni que l'auteur des travaux puisse s'exonérer de sa responsabilité en invoquant le fait d'un tiers, dès lors qu'est établie l'existence d'un lien de cause à effet entre les travaux en cause et le préjudice allégué ; Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite des travaux de construction pour le compte de la ville de Nice par la Société des Grands Travaux de Marseille d'un parking souterrain sur le Cours Saleya, les bâtiments du Bureau d'Aide Sociale de la ville de Nice et de la chapelle de la Miséricorde ont été affectés par d'importantes fissurations et, en ce qui concerne la chapelle, par des remontées d'humidité qui ont provoqué le délitement ou l'éclatement des matériaux, ainsi que de graves dommages aux tableaux et peintures ; que ces désordres sont dus à des tassements de terrain et à une remontée de la nappe phréatique, eux-mêmes consécutifs à la mise en place des infrastructures de l'ouvrage, qui ont eu pour effet de contrarier l'évacuation des eaux d'infiltration et d'entraîner une humidification importante des fondations, des remontées d'eau à partir des fondations et du sol et un accroissement considérable de l'humidité ambiante ayant occasionné des détériorations par des moisissures, des écaillements et des décollements de peinture, de plusieurs tableaux anciens situés dans la chapelle ; que le lien de cause à effet entre les travaux de construction du parking et les dommages subis doit, dans ces circonstances, être regardé comme établi, sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise ; Considérant, d'autre part, que si la société requérante affirme qu'elle a pris toutes les précautions utiles pour éviter que l'environnement ne soit affecté par les travaux et qu'elle n'a commis aucune faute dans la conduite de son chantier, ces moyens ne sauraient être accueillis dès lors que sa responsabilité est encourue, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à l'égard des tiers même sans aucune faute de sa part ; Considérant, enfin, que la circonstance que l'arrosage du sol du marché voisin, ainsi que le ruissellement des eaux de surface et les écoulements du réseau public d'assainissement concourraient à la manifestation des désordres ne serait en tout état de cause pas de nature à atténuer la responsabilité encourue par la société des Grands Travaux de Marseille à l'égard des tiers ;
Sur l'évaluation du préjudice : Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qui est allégué, les fissures constatées dans les bâtiments dont il s'agit constituent un élément du préjudice indemnisable, même si certaines fissures étaient préexistantes, et que le montant des travaux de reprise et de remise en état n'a pas fait l'objet d'une estimation excessive dans le premier rapport d'expertise ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment de ce que la société requérante n'a pas fait procéder avant les travaux, contrairement aux stipulations de son contrat, à un constat descriptif de l'état des immeubles riverains, de procéder à un abattement pour tenir compte de l'état préexistant ou de la vétusté des immeubles en cause ; que la société requérante doit donc être condamnée à verser au Bureau d'Aide Sociale la somme de 29 480,30 francs et à l'association de l'Archiconfrérie de la Miséricorde une somme de 112 134,80 francs de ce chef ; que, de même, il y a lieu de retenir pour les préjudices résultant de l'existence de fissures dans les voûtes et corniches et de la détérioration des tableaux, des peintures et des autels de la chapelle les chiffres proposés dans le second rapport d'expertise pour évaluer le coût des réparations et des restaurations, soit 1 065 368,50 francs, aucun abattement pour vétusté ne pouvant en tout état de cause être envisagé compte tenu de la nature de l'immeuble endommagé ; qu'en revanche le coût des travaux d'assèchement des murs de la chapelle fait l'objet d'une sérieuse contestation ; qu'il y a lieu sur ce point de prescrire une expertise contradictoire, les droits des parties étant réservés dans cette mesure ; Sur le recours incident de l'association de l'archiconfrérie de la Miséricorde : Considérant que l'Association réclame une indemnité complémentaire de 100 000 francs pour trouble de jouissance, sans assortir sa demande des justifications nécessaires ; que ses conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées ; Sur les conclusions de la ville tendant à être garantie par la Société des Grands Travaux de Marseille : Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de réserver les conclusions pour qu'il y soit statué en fin d'instance ; Sur les frais d'expertise déjà exposés : Considérant qu'il y a lieu de mettre ces dépenses à la charge de la Société des Grands Travaux de Marseille - Bâtiments et Travaux Publics, solidairement avec la ville de Nice qui en reste tenue en application des dispositions non annulées du jugement attaqué ;
ARTICLE 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 25 mai 1987 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions du Bureau d'Aide Sociale de la ville de Nice et de l'Association de l'Archiconfrérie de la Miséricorde dirigées contre la Société "Grands Travaux de Marseille entrepose".
ARTICLE 2 : La Société des Grands Travaux de Marseille - Bâtiments et Travaux Publics est condamnée à payer au Bureau d'Aide Sociale de la ville de Nice une somme de 29 480,30 francs et à l'Association de l'Archiconfrérie de la Miséricorde une somme de 1 177 503,30 francs, solidairement avec la ville de Nice qui reste tenue des condamnations prononcées par les dispositions non annulées du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 25 mai 1987.
ARTICLE 3 : Il sera procédé, avant de statuer sur le surplus des conclusions des parties à une expertise par M. Gérard X...
... BP 2, 69890 LA TOUR DE SALVAGNY, en vue de préciser les moyens et de chiffrer les coûts des procédés permettant d'assécher les murs du bâtiment de la chapelle de la Miséricorde. L'expert prêtera serment par écrit et devra déposer son rapport en 6 exemplaires dans le délai de 3 mois suivant la prestation de serment.
ARTICLE 4 : Le recours incident de l'Association de l'Archiconfrérie de la Miséricorde est rejeté.
ARTICLE 5 : Les frais des expertises exposés en première instance sont mis à la charge de la Société des Grands Travaux de Marseille - Bâtiments et Travaux Publics, solidairement avec la ville de Nice qui en reste tenue par l'effet des dispositions non annulées du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 25 mai 1987.
ARTICLE 6 : Le surplus des conclusions des parties est réservé pour être statué en fin d'instance.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 89LY00362
Date de la décision : 25/05/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-03-03 TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Zunino
Rapporteur public ?: Jouguelet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1989-05-25;89ly00362 ?
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