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16/11/1989 | FRANCE | N°89LY00150

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Pleniere, 16 novembre 1989, 89LY00150


Vu la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 1988, par laquelle le président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours ci-après visé ;
Vu le recours présenté par le ministre de l'éducation nationale, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 juillet 1987, et tendant à ce que le Conseil :
1) réforme le jugement du 5 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Gre

noble a laissé à sa charge les 2/3 des dommages causés à la salle de mu...

Vu la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 1988, par laquelle le président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours ci-après visé ;
Vu le recours présenté par le ministre de l'éducation nationale, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 juillet 1987, et tendant à ce que le Conseil :
1) réforme le jugement du 5 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a laissé à sa charge les 2/3 des dommages causés à la salle de musculation du gymnase de l'Université de Grenoble I installé à la Tronche ;
2) déclare l'entreprise ROCHAS-Etanchéité pleinement et entièrement responsable des préjudices de toute nature subis par l'Etat à la suite de ces dommages ;
3) la condamne au versement d'une indemnité d'un montant total de 764.350 francs, outre intérêts, capitalisation des intérêts et dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988, et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 26 octobre 1989 :
- le rapport de Mme LEMOYNE de FORGES, conseiller ;
- les observations de la S.C.P. MASSE-DESSEN, GEORGES, THOUVENIN, avocat de la Société ROCHAS Etanchéité ;
- et les conclusions de M. JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un marché du 10 août 1983, l'Etat, représenté par le ministre de l'éducation nationale, a confié à l'entreprise ROCHAS-Etanchéité les travaux de réfection de l'étanchéité d'une partie de la toiture-terrasse du gymnase de l'université scientifique et médicale de Grenoble I, ouvrage implanté à La Tronche (Isère) et édifié en 1970 ; qu'un constat d'achèvement des travaux, valant réception, a été établi sans réserve le 8 décembre 1983 ; qu'à la suite de fortes pluies, la salle d'entraînement dudit gymnase s'est effondrée le 3 juin 1984 ;
Sur la portée de la demande formée par l'Etat devant le tribunal administratif :
Considérant que, dans son mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif, l'Etat a, pour rechercher la responsabilité de l'entreprise X..., fait état de désordres ayant eu pour effet de porter atteinte à la solidité de la salle d'entraînement et à la rendre totalement impropre à sa destination ; qu'il doit être ainsi regardé comme ayant entendu rechercher la responsabilité de l'entreprise X... sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que l'entreprise X... n'est donc pas fondée à soutenir que, en se prononçant sur sa responsabilité au regard desdits principes, le tribunal administratif aurait statué sur des conclusions qui ne lui étaient pas présentées ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'effondrement de la salle d'entraînement du gymnase de La Tronche résulte de l'accroissement exagéré des charges ayant pesé sur la couverture de l'ouvrage ; que cet accroissement provient, pour une part, de l'augmentation de la surcharge d'eau tenant à l'insuffisance du débit de la crapaudine mise en place sur la toiture et, pour une moindre part, de l'augmentation des charges permanentes dûe à un nouveau revêtement d'étanchéité et à l'adjonction d'une épaisseur de 4 cm de gravillons ; qu'il ressort du rapport de l'expert que la crapaudine retrouvée dans les débris du local effondré a été mise en place par M. X..., comme cela résulte également de la facture établie par l'entreprise ; qu'à la date de réception des travaux, le 8 décembre 1983, et aucun désordre ne s'étant manifesté, les conséquences des caractéristiques de la crapaudine mis en place ne pouvaient être appréciées dans toute leur étendue ; qu'ainsi les dommages subis par le bâtiment doivent être regardés comme de nature à engager la responsabilité décennale de l'entreprise X..., à qui ils sont imputables, au moins pour partie ;

Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que le maître d'oeuvre a, en premier lieu, négligé de mesurer l'incidence sur les charges pesant sur la toiture de la surcharge résultant du triplement de l'épaisseur de la couche de gravier ; qu'en second lieu, la toiture était dotée d'une chute d'eaux pluviales unique et ne comportait aucun dispositif de trop plein destiné à pallier une obstruction accidentelle de la crapaudine ; qu'enfin le maître d'oeuvre a fait obligation à l'entreprise X... de réutiliser une partie du gravier d'origine qui s'était délité et a colmaté partiellement les trous de la crapaudine ; que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des fautes ainsi commises par les services du maître d'ouvrage ayant occupé les fonctions de maître d'oeuvre en limitant la garantie de l'entreprise X... au tiers des conséquences dommageables des malfaçons ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, que l'expert a évalué le coût des travaux de reconstruction de la salle d'entraînement à la somme non contestée de 690.000 francs toutes taxes comprises ; que le montant du préjudice dont la victime est fondée à demander réparation correspond aux frais qu'elle doit engager pour la réfection des immeubles endommagés ; que ces frais qui couvrent le coût des travaux comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable de ce coût, lorsque ladite taxe grève le prix des travaux ; que les travaux de réparation devant être exécutés par des tiers, l'indemnité allouée à l'Etat doit donc inclure la taxe sur la valeur ajoutée versée par l'administration à ses contractants, nonobstant la circonstance que tout ou partie de ladite taxe entrera dans le montant des recettes fiscales, lesquelles ne sont pas affectées ; qu'il suit de là que le ministre de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a écarté le montant de la taxe sur la valeur ajoutée du préjudice indemnisable ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'expert a évalué à 30.000 francs, toutes taxes comprises, le coût des travaux de réfection nécessaires pour remédier aux désordres qui affectent le logement du gardien à la suite de l'effondrement de la salle d'entraînement ; que, ce logement ayant été construit en 1971, il y a lieu d'opérer un abattement de 30 % pour tenir compte de la vétusté de l'ouvrage à la date d'apparition des désordres ; que ce chef de préjudice a donc été à bon droit fixé par les premiers juges à 21.000 francs, toutes taxes comprises ;
Considérant enfin qu'il résulte de l'instruction que la mise hors service de la salle d'entraînement du gymnase pendant une longue période de temps a causé à l'administration un préjudice dont l'Etat était fondé à demander réparation ; qu'il en sera fait une exacte appréciation en en fixant le montant à 10.000 francs ; que cette somme doit, dès lors, être prise en compte pour la fixation de l'indemnité qui est due au maître de l'ouvrage ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité qui est due par l'entreprise X..., en réparation des préjudices imputables aux travaux d'étanchéité réalisés sur la toiture-terrasse de la salle d'entraînement du gymnase de La Tronche, doit, compte-tenu d'un élément non contesté du préjudice, fixé à 4.350 francs, et du partage de responsabilité ci-dessus retenu, être fixée à 241.783,30 francs ; que le ministre de l'éducation nationale est fondé à demander dans cette mesure la réformation du jugement attaqué ; qu'en revanche les conclusions d'appel incident de la Société ROCHAS-Etanchéité ne peuvent être accueillies ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 8 juillet 1987 ; qu'elle ne peut être réclamée à compter d'une autre date que celle à laquelle elle est formée ; qu'à cette dernière date, il était dû au moins une année d'intérêts compte tenu de la date non contestée du 18 avril 1985 à compter de laquelle courent les intérêts de la créance de l'Etat ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de prescrire la capitalisation des intérêts de la créance de l'Etat échus le 8 juillet 1987 et de rejeter le surplus des conclusions présentées à cette fin par l'Etat ;
Article 1er : La somme que l'entreprise ROCHAS-Etanchéité a été condamnée à payer à l'Etat, par jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 5 juin 1987, est portée à 241.783,30 francs. Les intérêts échus le 8 juillet 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 5 juin 1987, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre de l'éducation nationale et les conclusions d'appel incident de l'entreprise ROCHAS-Etanchéité sont rejetés.


Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-07-03-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION -Inclusion de la taxe sur la valeur ajoutée dans la somme destinée à couvrir les travaux réparant les désordres retenus au titre de la garantie décennale - Conditions de l'inclusion de la T.V.A. - Cas général.

39-06-01-07-03-02 Le montant du préjudice dont la collectivité publique, maître de l'ouvrage, est fondée à demander réparation aux constructeurs à raison des désordres de nature à engager leur responsabilité décennale correspond aux frais qui dovient être engagés pour la suppression de ces désordres. Ces frais, qui couvrent le coût des travaux comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût lorsque ladite taxe grève le prix des travaux. Les travaux de réparation devant être exécutés par des tiers, l'indemnité allouée à l'Etat doit donc inclure la taxe sur la valeur ajoutée versée par l'administration à ses contractants, nonobstant la circonstance que tout ou partie de ladite taxe entrera dans le montant des recettes fiscales, lesquelles ne sont pas affectées.


Références :

Code civil 1792, 2270, 1154


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: Mme Lemoyne de Forges
Rapporteur public ?: M. Jouguelet

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Pleniere
Date de la décision : 16/11/1989
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 89LY00150
Numéro NOR : CETATEXT000007451208 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1989-11-16;89ly00150 ?
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