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16/11/1989 | FRANCE | N°89LY00871

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Pleniere, 16 novembre 1989, 89LY00871


Vu l'ordonnance du président de la 8ème sous-section de la section de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 2 janvier 1989, transmettant à la cour, en application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête visée ci-après ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 décembre 1987, présentée pour M. Z... demeurant ... (Alpes-Maritimes) par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et tendant à :
1°) L'annulation du jugement en date du 21 octobre 1987 par leq

uel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge ...

Vu l'ordonnance du président de la 8ème sous-section de la section de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 2 janvier 1989, transmettant à la cour, en application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête visée ci-après ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 décembre 1987, présentée pour M. Z... demeurant ... (Alpes-Maritimes) par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et tendant à :
1°) L'annulation du jugement en date du 21 octobre 1987 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu pour les années 1976 à 1978 ;
2°) la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience de 1989 ;
- le rapport de M. Richer, conseiller ;
- les observations de Me Georges substituant Me Boulez, avocat de M. Guy Z... ;
et les conclusions de M. Jouguelet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Guy Z... conteste les redressements d'impôt sur le revenu dont il a fait l'objet par voie de taxation d'office de revenus d'origine indéterminée au titre des années 1976 à 1978 et par voie de taxation d'office pour défaut de déclaration d'une plus-value de cession d'immeuble au titre de l'année 1978 ;
Sur les dégrèvements prononcés en cours d'instance :
Considérant que, postérieurement à l'enregistrement de la requête, le directeur régional des impôts a prononcé des dégrèvements s'élevant à 8 446 francs en pénalités au titre de l'année 1976, 14 700 francs en bases et 4 410 francs en pénalités au titre de l'année 1977 et 48 000 francs e nbases et 9 000 francs en pénalités au titre de l'année 1978 ; que les conclusions de la requête sont devenues sans objet à concurrence de ces montants ;
Sur la régularité de la procédure de taxation d'office des revenus d'origine indéterminée :
Considérant, en premier lieu, que la procédure de vérification de situation fiscale d'ensemble diligentée par le service est consécutive à un contrôle ayant pour objet la recherche d'infractions en matière économique, organisé en application des dispositions de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; qu'une perquisition effectuée dans de telles conditions ne constitue pas un élément de la procédure d'imposition ; qu'ainsi, les éventuelles irrégularités dont elle serait entachée et dont le requérant ne précise d'ailleurs pas la nature, seraient sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que l'inventaire détaillé de bons de caisse anonymes et de pièces d'or effectué à l'occasion de la perquisition était dépourvu d'objet dans le cadre de la recherche d'infractions à la législation économique et n'a pu être effectué qu'à des fins purement fiscales ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que la procédure de perquisition a été détournée de son objet et que les redressements qui trouvent leur origine dans les informations recueillies à cette occasion sont irréguliers ; qu'il y a lieu, dès lors, de prononcer la réduction de l'impôt sur le revenu mis à la charge de M. Z... à concurrence d'une somme s'élevant, en bases, à 86 000 francs au titre de l'année 1977 ;"

Considérant, en second lieu, qu'il ressort du dossier qu'un avis de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble a été notifié à M. Z... le 31 octobre 1979 ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence d'une telle notification manque en fait ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 176 du code général des impôts, applicable aux impositions contestées : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration ... peut ... demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration. Les demandes ... de justifications doivent indiquer expressément les points sur lesquels elles portent et assigner au contribuable, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur à trente jours ..." ; que, selon le deuxième alinéa de l'article 179", si le contribuable s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications, l'administration peut taxer d'office l'intéressé à l'impôt sur le revenu, sous réserve des règles propres à certaines catégories de revenus" ;
Considérant qu'il ressort de l'instruction que le vérificateur a établi une balance de trésorerie faisant apparaître les disponibilités employées etdégagées au cours des années vérifiées ; que cette balance n'a pas retenu d'évaluation forfaitaire des dépenses de train de vie, mais uniquement des dépenses effectives engagées à ce titre ; que, dès lors, le contribuable n'est pas fondé à soutenir que le vérificateur aurait procédé à une évaluation trop globale de ses dépenses et aurait omis de les ventiler en rubriques ;
Considérant que l'administration a demandé à M. Z... de justifier l'origine non seulement des valeurs et de l'or trouvé dans son coffre, mais aussi de sommes créditées à ses comptes bancaires au cours des années en cause, dont les mouvements n'ont pas été révélés à l'occasion de la procédure de perquisisition ; que les revenus déclarés par l'intéressé au cours des années 1976, 1977 et 1978 s'élevaient à respectivement 420 055 francs, 329 762 francs et 354 150 francs, alors que l'écart entre disponibilités employées et dégagées prenant en compte ces seuls mouvements portait sur 905 605 francs pour 1976, 145 486 francs pour 1977 et 191 817 francs pour 1978 ; qu'un tel écart était de nature à permettre à l'administration de demander au contribuable des justifications concernant l'origine de certaines disponibilités employées ; qu'il est constant que le requérant n'a que partiellement donné suite aux demandes successives qui lui ont été adressées par le service les 3 juillet, 18 septembre et 14 octobre 1980 et le 20 mars 1981, n'y apportant que des réponses fragmentaires et des justifications incomplètes ; que, dès lors le contribuable pouvant ainsi être regardé comme s'étant abstenu de répondre à ces demandes, l'administration était fondée à faire application de la procédure de taxation d'office prévue à l'article 179 du code général des impôts ;

Sur le bien-fondé de la taxation de revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'en raison de la procédure de taxation d'office utilisée, il appartient à M. Z... d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par le vérificateur pour l'établissement de la balance de trésorerie du ccontribuable ; En ce qui concerne l'année 1976 :
Considérant, en premier lieu, que si M. Z... soutien que les disponibilités dégagées doivent être majorées d'une somme de 35 000 francs qui lui aurait été versée le 6 mars 1976 par Mme X... en remboursement partiel d'une dette, née d'une opération de caution bancaire, il n'établit pas que ledit versement correspondrait effectivement à une telle opération ;
Considérant, en second lieu, que les reçus de deux versements en espèces de 75 000 francs chacun ne sont pas de nature à démontrer que ces sommes correspondraient à de simples cadeaux d'anniversaire du beau-père de M. Z... ;
En ce qui concerne l'année 1977 :
Considérant, en premier lieu que, pour les motifs précédemment énoncés concernant l'année 1976, le versement d'un chèque de 30 000 francs par Mme X... ne peut être admis, en l'absence de toute justification, comme correspondant au remboursement d'une dette ;
Considérant, en second lieu, que si M. Z... soutient n'avoir pas intégralement réglé le montant d'une facture d'hôtel de 71 220 francs établi à son nom par l'hôtel Belles Rives à Juan-les-Pins, il n'établit pas qu'une partie de cette somme aurait en réalité été payée par des membres de sa famille et devrait minorer le montant de ses disponibilités employées ;
En ce qui concerne l'année 1978 :
Considérant que le requérant souteient que devraient être ajoutées aux disponibilités dégagées figurant dans la balance établie par le service, d'une part une somme de 17 791,73 francs versée à titre de régularisation de loyer à M. Z... et, d'autre part, un versement de 120 000 francs effectué à son profit par la société de fait Miracle Saint-Antoine ; qu'en l'absence de toute précision sur la nature et les motifs de ces versements, les prétentions du requérant ne sauraient être admises ;

Sur la taxation des plus-values :
Considérant qu'aux termes de l'article 150 A du code général des impôts : "sous réserve des dispositions particulières qui sont propres aux bénéfices professionnels et aux profits de construction, les plus-values effectivement réalisées par des personnes physiques ou de ssociétés de personnes lors de la cession à titre noéreux de biens ou de droits de toute nature son passibles : ... 2°) De l'impôt sur le revenu suivant les règles particulières définies aux articles 150 B à 150 T, selon que ces plus-values proviennent : a) De biens immobiliers cédés plus de deux ans et moins de dix ans après l'acquisition ..." ; que, conformément à l'article 150 S, les plus-values imposables sont déclarées dans les mêmes conditions que le revenu global et sous les mêmes sanctions ; que l'article 150 C exonère les plus-values réalisées lors de la cession d'une résidence secondaire lorsque le cédant ou son conjoint n'est pas propriétaire de sa résidence principale, lorsque le propriétaire en a eu la dispositions pendant au moins cinq ans et sans condition de durée lorsque la cession est motivée par des impératifs d'ordre familial ou un changement de résidence consécutif à une mise à la retraite ;
Considérant qu'il ressort du dossier que M. Z... a été domicilié à Frouzins (Haute-Garonne) avant de transférer son domicile à Valbonne (Alpes-Maritimes) en 1978 et 1979, pour le maintenir ensuite dans ce même département ; que s'il a cessé d'exercer ses fonctions de président du directoire de la société Mobb Meubles Pilote à Roques-sur-Garonne au cours du second semestre de l'année 1977 et n'a plus été rémunéré par cette société tout en devenant son vice-président, il n'est pas contesté qu'il a conservé des fonctions de directeur commercial de la société Morirama Punch à Portet-sur-Garonne (Haute-Garonne), en même temps d'ailleurs que des fonctions de directeur rémunéré d'autres sociétés dans les départements de l'Aube et des Vosges ; que, même si une partie importante de l'activité de M. Z... a pu être transférée à Vitrolles, siège de la société Meubles
Z...
, il ne résulte pas de ce qui a été dit que la cession, en 1978, d'une maison acquise en 1976 à Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne) puisse être regardée comme motivée par un changement du lieu d'activité ; qu'ainsi, même à supposer que M. Z... n'ait pas été propriétaire de sa résidence principale, il n'établit pas qu'il remplissait les conditions visées à l'article 150 C pour bénéficier d'une exonération de la plus-value réalisée sur lacession de sa résidence secondaire ; qu'en outre et dès lors que ladite plus-value était imposable, c'est à bon droit, qu'en l'absence de la souscription de la déclaration visée à l'article 150 S du code, le service a taxé d'office les revenus correspondants ;

Sur les pénalités :
Considérant qu'en se bornant à faire état de l'importance des ressources dont M. Z... n'a pu justifier l'origine, l'administration n'établit pas l'absence de bonne foi de celui-ci, que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la prescription des pénalités encourues au titre de l'année 1976, devenu inopérant les intérêts de retard doivent être substitués aux majorations de 30 % ou 50 % appliquées aux droits en principal sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code, dans la limite du montant de ces majorations ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. Guy Z... est fondé à demander la réduction du montant des droits et pénalités d'impôt sur le revenu mis à sa charge dans les limites qui viennent d'être indiquées et que le surplus de ses conclusions dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Nice doit être rejeté ;
Article 1er : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence des montants des dégrèvements prononcés en cours d'instance par l'administration, soit 8 446 francs en pénalités pour 1976, 14 700 francs en bases et 4 410 francs en pénalités pour 1977, 48 000 francs en bases et 9 000 francs en pénalités pour 1978.
Article 2 : Il est accordé à M. Z... une réduction de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1976 pour un montant de 60 000 francs (soixante mille francs) en bases et au titre de l'année 1977 pour un montant de 860 000 francs (huit cent soixante mille francs) en bases.
Article 3 : M. Z... est déchargé de la différence entre le montant de l'impôt auquel il a été assujetti et celui résultant de l'article 2 ci-dessus, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 4 : Au surplus des pénalités pour mauvaise foi mises à la charge de M. Z..., sont substitués les intérêts de retard prévus à l'article 1734 du code général des impôts, dans les limites du montant des majorations prononcées par l'administration.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Z... est rejeté.
Article 6 : Le jugement en date du 21 octobre 1987 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89LY00871
Date de la décision : 16/11/1989
Sens de l'arrêt : Non-lieu à statuer réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-01-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - DROIT DE COMMUNICATION -Irrégularité de l'exercice du droit de communication - Existence - Enquête procédant d'un détournement de procédure à des fins de contrôle fiscal - Existence.

19-01-03-01-01 Perquisition organisée en application des dispositions de l'ordonnance du 30 juin 1945 relatives à la recherche d'infractions à la législation économique et à l'occasion de laquelle est effectué un inventaire détaillé de bons de caisse anonymes et de pièces d'or trouvés dans un coffre. Un tel inventaire n'a pu avoir pour objet que la recherche d'infractions fiscales. La perquisition a été détournée de son objet, et ce détournement de procédure entache la régularité des redressements trouvant leur origine dans les informations recueillies à cette occasion.


Références :

CGI 176, 179, 150 A, 150 S, 150 C, 1729
Ordonnance 45-1708 du 30 juin 1945


Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: M. Richer
Rapporteur public ?: M. Jouguelet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1989-11-16;89ly00871 ?
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