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16/11/1989 | FRANCE | N°89LY01069

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Pleniere, 16 novembre 1989, 89LY01069


Vu la décision en date du 13 février 1989 ,enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée par la S.C.P. LABBE-DELAPORTE, avocat aux Conseils, pour la Compagnie Française d'Irrigation (C.F.I.) représentée par son liquidateur, M. Y... ;
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mars 1987 et le mémoire complémentaire

enregistré le 23 juillet 1987 présentés pour la Compagnie Française ...

Vu la décision en date du 13 février 1989 ,enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée par la S.C.P. LABBE-DELAPORTE, avocat aux Conseils, pour la Compagnie Française d'Irrigation (C.F.I.) représentée par son liquidateur, M. Y... ;
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mars 1987 et le mémoire complémentaire enregistré le 23 juillet 1987 présentés pour la Compagnie Française d'Irrigation tendant à :
1°) l'annulation du jugement du 19 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de MARSEILLE a rejeté ses conclusions tendant à ce que lui soit versée une indemnité représentative de la valeur de l'emprise au sol du canal des alpines septentrionales en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation de la concession dudit canal au profit du syndicat intercommunal des alpines septentrionales ;
2°) ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 6 823 966 francs avec intérêts de droit capitalisés et le remboursement des frais d'expertise qui se sont élevés à 39 539,22 francs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988, et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 26 octobre 1989 :
- le rapport de M. LANQUETIN, conseiller ;
- les observations de la S.C.P. V. DELAPORTE, F.H. BRIARD, avocat de la Compagnie Française d'Irrigation, et de Me X..., substituant la S.C.P J. GUIGUET, X. BACHELLIER, B. de la VARDE, avocat du Syndicat Intercommunal du Canal des Alpines Septentrionales ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la concession de l'exploitation du canal des alpines septentrionales a été réadjugée en 1980 pour la somme de 1 505 000 francs après que la Compagnie Française d'Irrigation (C.F.I.) eut été déchue des droits de concession qu'elle détenait en vertu d'un décret du 18 juin 1854 ; que statuant, entre autres conclusions relatives à la déchéance de la concession, sur les droits à indemnité de la C.F.I. - laquelle estimait insuffisante la somme perçue du nouveau concessionnaire, égale au prix de la réadjudication, et demandait la condamnation de l'Etat à lui verser 90 000 000 francs - le tribunal administratif de MARSEILLE par un jugement du 25 mai 1982 a rejeté les prétentions de la C.F.I. tout en reconnaissant le droit de l'intéressée à être indemnisée en fonction de la valeur vénale d'une grande partie des terrains d'assiette du canal lui appartenant transférés au nouveau propriétaire, le syndicat intercommunal des alpines septentrionales ; qu'avant dire droit sur le montant de l'indemnité à laquelle pouvait prétendre la C.F.I. dans ces conditions, le tribunal a ordonné une expertise portant sur la valeur des terrains concernés ;
Considérant que si l'Etat n'a pas interjeté appel du jugement, la C.F.I. a en revanche formé contre lui un pourvoi en ce qu'il ne lui donnait qu'une satisfaction partielle, l'indemnisation devant correspondre selon l'intéressée à la valeur de tous les biens nécessaires à l'exploitation du canal repris par le nouveau concessionnaire ; que la requête de la C.F.I. tendait ainsi à une extension de l'objet de l'expertise ; qu'à l'occasion de ladite requête, le ministre de l'agriculture n'a pas présenté de conclusions incidentes sur le droit à indemnité de la C.F.I. tel que défini par les premiers juges ;
Considérant que le Conseil d'Etat a rejeté le 27 septembre 1985 la requête qui lui était soumise par le motif que la compagnie avait été remplie de ses droits par le versement intégral du produit de la réadjudication régulièrement intervenue, précisant pour ce faire que la C.F.I.ne démontrait pas que le produit obtenu aurait été très inférieur à la valeur de la concession ; que postérieurement à cette décision, l'expert désigné par les premiers juges a déposé son rapport concluant à une valeur vénale des terrains de 6 823 966 francs et, bien que la question ne rentrât pas dans le cadre de sa mission, à une valeur des installations du canal de 23 961 900 francs ; que sur la base de ce rapport la C.F.I. a sollicité du tribunal la condamnation de l'Etat au paiement de la somme de 30 785 866 francs ;
Considérant que le tribunal administratif a rejeté le 19 décembre 1986, l'intégralité de cette demande en estimant que le jugement du 25 mai 1982 n'avait pas statué sur les conclusions aux fins d'indemnité de la Compagnie française d'irrigation l'arrêt du conseil d'Etat dictant à son sens sur ce point la décision définitive des premiers juges ; que la C.F.I. interjette appel du jugement du 19 décembre 1986 en ramenant le montant de ses prétentions à l'encontre de l'Etat à 6 823 696 francs, valeur selon l'expert des terrains du canal concernés par l'expertise ;
Sur l'intervention devant le tribunal administratif du syndicat intercommunal des alpines septentrionales :

Considérant que par le jugement du 25 mai 1982, le tribunal administratif de MARSEILLE avait admis la recevabilité de l'intervention du syn- dicat intercommunal précité, nouveau concessionnaire ; que cette disposition du jugement non contestée en appel a acquis l'autorité de la chose jugée ; que par suite, les conclusions de la requête tendant à ce que l'intervention en première instance du syndicat intercommunal soit déclarée irrecevable ne peuvent en tout état de cause être que rejetées ;
Sur le fond :
Considérant que le tribunal administratif avait statué, dans son jugement du 25 mars 1982 sur les conclusions aux fins d'indemnité de la C.F.I. dirigées à l'encontre de l'Etat, en reconnaissant à la Compagnie le droit d'être indemnisée en fonction de la valeur vénale d'une grande partie des terrains d'assiette du canal des alpines septentrionales ; que cela résulte d'une part de l'article 3 du dispositif du jugement du 25 mai 1982 selon lequel les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser à la C.F.I. une indemnité de 90 000 000 francs étaient rejetées "à l'exception de la part de l'indemnité représentative de la valeur vénale du canal en dehors de la partie comprise entre le pont Donneau et la sortie du percé d'Argon", et d'autre part des motifs du jugement support nécessaire du dispositif, précisant que la Compagnie requérante avait "droit au paiement d'une indemnité égale à la valeur vénale des terrains" concernés ; qu'il résulte enfin de la combinaison des motifs et de l'article 5 dudit jugement que l'expertise a été ordonnée pour déterminer ladite valeur vénale pour pouvoir, déduction faite de la somme déjà versée par le syndicat intercommunal, fixer l'indemnité restant due à la Compagnie requérante ;
Considérant que si le conseil d'Etat statuant au contentieux par son arrêt du 27 septembre 1985 a jugé que la Compagnie française d'irrigation avait été remplie de ses droits, par le versement du prix de la réadjudication, il n'a réglé le litige qui lui était soumis que dans la limite des conclusions dont il était saisi et qui tendaient à l'extension de l'expertise prescrite par les premiers juges ; que n'étant saisi d'aucun appel, principal ou incident, à l'encontre des dispositions du jugement reconnaissant à la C.F.I. le droit d'être indemnisée en fonction de la valeur vénale des terrains, il ne s'est pas prononcé sur la valeur de ces dispositions qui ont en conséquence l'autorité de la chose jugée ;
Considérant que c'est par conséquent en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par le jugement du 25 mai 1982 que le tribunal administratif a rejeté le 19 décembre 1986 la demande d'indemnité de la C.F.I, au motif que cette demande n'était pas fondée ; que le ministre de l'agriculture ne saurait exciper de ce que le tribunal administratif s'était trompé sur la détermination des droits à indemnité de la Compagnie et qu'ainsi l'Etat serait amené à payer des sommes injustifiées dans le cas où l'indemnité allouée à l'intéressée serait calculée en fonction de la valeur vénale des terrains d'emprise du canal ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement du 19 décembre 1986 du tribunal administratif de Marseille doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la C.F.I. ;
Considérant, comme il vient d'être exposé, que la Compagnie est fondée à obtenir de l'Etat une indemnité égale à la valeur vénale des terrains d'assiette du canal des alpines septentrionales visés par le jugement du 25 mai 1982, déduction faite du montant du prix de la réadjudication ;
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que le coût de ces terrains doit être évalué à la somme de 6 823 968 francs ; que ni le ministre de l'agriculture, ni le syndicat intercommunal intervenant ne contestent cette évaluation qui n'apparaît pas par ailleurs exagérée ; que dès lors il y a lieu de fixer conformément à la demande de la C.F.I. à 6 823 968 francs le montant de l'indemnité à laquelle celle-ci peut prétendre au titre de la déchéance de ses droits de concession et de condamner l'Etat pris en la personne du ministre de l'agriculture à payer à la requérante, déduction faite du prix de la réadjudication versé à l'intéressée, la somme de 5 318 966 francs ;
Considérant que ladite somme doit porter intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 1978, date de la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'il résulte du dossier soumis à la cour que la capitalisation des intérêts a été demandée les 27 février 1986, 23 mars 1987 et 7 juin 1989 ; qu'à ces dates il était dû plus d'une année d'intérêts, que par suite, par application des dispositions de l'article 1154 du code civil il y a lieu de faire droit aux demandes de la C.F.I. ;
Considérant que les frais de l'expertise de 1ère instance doivent être mis à la charge de l'Etat ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de MARSEILLE du 19 décembre 1986 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la Compagnie Française d'Irrigation la somme de 5 318 966 francs.
Article 3 : La somme visée à l'article précédent portera intérêt au taux légal à compter du 28 septembre 1978. Les intérêts échus les 27 février 1986, 23 mars 1987 et 7 juin 1989 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : L'Etat supportera les frais de l'expertise prescrite par le tribunal administratif.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de la Compagnie Française d'Irrigation est rejeté.


Sens de l'arrêt : Annulation indemnité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-06-01-04 PROCEDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGEE - CHOSE JUGEE PAR LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - ETENDUE -Jugement avant-dire-droit - Conclusions d'appel ne portant pas sur l'étendue du préjudice indemnisable mais sur l'étendue de l'expertise ordonnée pour évaluer ce préjudice.

54-06-06-01-04 Par jugement avant-dire-droit du 25 mars 1982, le tribunal administratif de Marseille, statuant sur les conclusions aux fins d'indemnité contre l'Etat présentées par la Compagnie française d'irrigation, qui avait été déchue de ses droits de concession du canal des alpines septentrionales, a reconnu à l'intéressée le droit d'être indemnisée de la perte d'une partie des terrains d'assiette du canal. Si le Conseil d'Etat, saisi par la seule Compagnie française d'irrigation, a, par un arrêt du 27 septembre 1985, jugé que la compagnie avait été remplie de ses droits par le versement du prix de la réadjudication, il n'a réglé le litige qui lui a été soumis que dans la limite des conclusions dont il avait été saisi et qui tendaient à l'extension de l'objet de l'expertise prescrite par les premiers juges pour déterminer la valeur des terrains. Par suite, les dispositions du jugement du 25 mars 1982 sur l'étendue du droit à indemnité de la compagnie ont acquis l'autorité de la chose jugée.


Références :

Code civil 1154


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: M. Lanquetin
Rapporteur public ?: Mme Halvoet

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Pleniere
Date de la décision : 16/11/1989
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 89LY01069
Numéro NOR : CETATEXT000007450865 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1989-11-16;89ly01069 ?
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