Vu l'ordonnance du président de la 2ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 2 janvier 1989 transmettant le dossier de la requête ci-après visée à la cour administrative d'appel de LYON ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 février 1988 et le mémoire complémentaire enregistré le 9 juin 1988, présentés pour M. Lucien X..., architecte, demeurant ... (Haute Savoie), par Me Jacques Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et tendant :
1) à la réformation du jugement du 13 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de THORENS-GLIERES (Haute-Savoie) à lui verser une indemnité de 35 000 francs avec les intérêts, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice à lui causé par le refus de ladite commune de lui payer les honoraires qu'il réclamait pour avoir établi les avant-projets sommaires et procédé aux études de conception d'un complexe sportif et de ses équipements annexes ;
2) à la condamnation de la commune de THORENS-GLIERES à lui verser la somme de 66 481,61 francs à titre d'honoraires, majorée des intérêts calculés à compter du 14 novembre 1983, la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts compensatoires et la capitalisation des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988, et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 7 novembre 1989 :
- le rapport de M. Y..., président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X..., architecte, a réalisé pour le compte de la commune de THORENS-GLIERES (Haute-Savoie) des études de conception en vue de l'aménagement d'un complexe sportif, sans qu'aucun contrat soit intervenu entre lui et la commune ; qu'il ne saurait, dès lors, se prévaloir d'un engagement contractuel pour obtenir de ladite commune le paiement de ses honoraires ; que s'il soutient que les études qu'il a effectuées ont été utiles à la commune, il ne l'établit pas et ne saurait donc non plus être indemnisé sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause ;
Mais considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment d'une délibération en date du 8 novembre 1981 que le conseil municipal a donné son accord au projet établi par M. X..., prévu le versement d'honoraires à l'intéressé et autorisé le maire à signer tous les actes et conventions nécessaires à la réalisation de l'opération ; qu'en laissant ainsi M. X... exécuter des études et en lui laissant espérer la rémunération de ses travaux sans passer aucun contrat avec lui, la commune de THORENS- GLIERES a commis une faute engageant sa responsabilité envers l'intéressé ; que ce dernier a toutefois commis une imprudence en négligeant, avant de fournir toute prestation, d'exiger de la commune l'engagement régulier dont il ne pouvait ignorer la nécessité ; que cette imprudence est de nature à atténuer la responsabilité de la commune ; qu'eu égard au montant non contesté de 66 481,61 francs des honoraires dont M. X... a été privé en l'absence de contrat, et alors que, comme il a été dit ci-dessus, il n'est pas établi que les études qu'il a effectuées aient été utiles à la commune, les premiers juges n'ont pas fait une fausse appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à 35 000 francs l'indemnité à laquelle pouvait prétendre l'intéressé ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a adressé, par erreur, ses deux notes d'honoraires d'un montant total de 66 481,61 francs au département de la Haute-Savoie ; qu'il n'est pas établi que ledit département ait reçu ces deux notes avant le 14 novembre 1983, date à laquelle le maire de THORENS-GLIERES a écrit à l'intéressé qu'il venait d'en recevoir communication des services de la préfecture ; que, bien que mal dirigée, la demande adressée au département a fait courir au profit du requérant les intérêts qui lui sont dus par la commune ; qu'il s'ensuit que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 35 000 francs non pas à compter du 1er juillet 1985 comme l'ont décidé les premiers juges, mais à compter du 14 novembre 1983 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 9 juin 1988 et 12 juin 1989 ; qu'à chacune de ces dates, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les dommages-intérêts compensatoires :
Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à la condamnation de la commune de THORENS-GLIERES à lui verser une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts compensatoires, M. X... n'invoque aucun préjudice distinct de celui que réparent les intérêts ci-dessus alloués ; que ladite demande ne peut, dès lors, être accueillie ;
Article 1er : La somme de 35 000 francs que la commune de THORENS-GLIERES a été condamnée à verser à M. X... par le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE du 13 novembre 1987 portera intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 1983. Les intérêts échus les 9 juin 1988 et 12 juin 1989 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 novembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté ainsi que le recours incident de la commune de THORENS-GLIERES.