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18/01/1990 | FRANCE | N°89LY00348

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Pleniere, 18 janvier 1990, 89LY00348


Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 1988, par laquelle le président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du conseil d'Etat a transmis la requête ci-après visée à la cour administrative d'appel de Lyon en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du conseil d'Etat le 26 juin 1985 et le mémoire ampliatif enregistré le 25 octobre 1985, présentés pour Me X..., ès-qualités de syndic à la liquidation des biens de la So

ciété de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES ...

Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 1988, par laquelle le président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du conseil d'Etat a transmis la requête ci-après visée à la cour administrative d'appel de Lyon en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du conseil d'Etat le 26 juin 1985 et le mémoire ampliatif enregistré le 25 octobre 1985, présentés pour Me X..., ès-qualités de syndic à la liquidation des biens de la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES (SCAD), demeurant à l'Eysserène, ... (Hautes-Alpes), par la S.C.P. NICOLAS, MASSE-DESSEN et GEORGES, avocat aux Conseils, et tendant :
1) à l'annulation du jugement du 28 février 1985 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Réallon (Hautes-Alpes) et de l'Etat au versement d'une indemnité de 8 180 000 francs en réparation du préjudice causé à la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES par le non-respect des engagements pris envers cette société, à qui devait être confié l'aménagement d'une station de sports d'hiver et de tourisme au lieudit Pra-Prunier ;
2) à la condamnation solidaire de la commune de Réallon et de l'Etat au versement de la somme de 8 180 000 francs, augmentée des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 22 novembre 1977 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 20 décembre 1989 :
- le rapport de M. JANNIN, président-rapporteur ;
- les observations de Me THOUVENIN, avocat de la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES ;
- et les conclusions de M. JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par convention en date du 7 juillet 1972, le syndicat intercommunal à vocation multiple du canton de Savines-le-Lac (Hautes-Alpes) a confié à la société COMMUNES SERVICE, devenue ultérieurement Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES (SCAD), le soin d'étudier les conditions d'aménagement d'une station de sports d'hiver sur le plateau de Pra-Prunier (commune de Réallon) jumelée avec une base nautique sur le lac de Savines, de réunir tous les moyens techniques, administratifs et financiers en vue de la réalisation du projet et de conduire la réalisation des équipements, aménagements, constructions approuvés et autorisés par les pouvoirs publics ; qu'il a été expressément stipulé que la mission de la société ne comportait aucune rémunération à la charge du SIVOM, mais qu'une nouvelle convention définirait plus précisément les rapports de la société et du SIVOM quand ce dernier se serait prononcé sur les modalités retenues pour la réalisation de l'opération ; que le SIVOM a renoncé au projet à la fin de l'année 1977, alors que la société avait déjà réalisé divers travaux et études ; que, la maîtrise d'ouvrage de l'opération ayant été reprise par la commune de Réallon, la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES a engagé avec ladite commune des pourparlers qui étaient sur le point d'aboutir à la signature d'une convention dite de concession, quand le comité interministériel des unités touristiques nouvelles a refusé à deux reprises, les 23 avril 1979 et 24 juin 1980, la "prise en considération" du programme d'aménagement qui lui avait été présenté et ne lui paraissait pas satisfaire à l'esprit et à la lettre de la directive d'aménagement national relative à la protection et à l'aménagement de la montagne, approuvée par décret du 22 novembre 1977 ; que, par la requête susvisée, la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES fait appel du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 28 février 1985 rejetant sa demande tendant à obtenir, tant de la commune de Réallon que de l'Etat, réparation du préjudice subi par elle du fait du défaut de signature de la convention de concession par laquelle devait lui être confié l'aménagement de la station touristique de Pra-Prunier ;
Sur la responsabilité de la commune de Réallon :
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que les pourparlers engagés entre la commune de Réallon et la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES n'ont abouti à la signature d'aucun contrat par lequel la commune se serait obligée à conclure avec ladite société une convention de concession lui confiant l'aménagement de la station touristique de Pra-Prunier ; qu'en particulier les correspondances datées des 25 janvier et 8 février 1979, par lesquelles les parties ont échangé diverses observations sur un projet de convention à l'étude, n'ont elles-mêmes revêtu aucun caractère contractuel ; qu'il s'ensuit que la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant de signer une telle convention la commune de Réallon aurait manqué à ses engagements contractuels ;

Considérant, en second lieu, qu'en admettant même que la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES ait reçu de la commune de Réallon certaines assurances concernant la conclusion d'une convention de concession, il résulte de l'instruction que le défaut de signature d'une telle convention est la conséquence de la position prise sur le projet par le comité interministériel des unités touristiques nouvelles et n'est pas imputable à la commune qui n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité envers la société requérante ;
Considérant, en troisième lieu, que la responsabilité de la commune de Réallon ne saurait non plus être engagée, même sans faute, envers la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES sur le fondement du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, en l'absence d'imputabilité à ladite commune du préjudice dont la société requérante demande réparation ;
Considérant, enfin, que la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES n'établit pas que les dépenses qu'elle a engagées et pour lesquelles elle souhaite être indemnisée auraient été source d'enrichissement pour la commune ; qu'il n'est pas établi, en effet, que la commune aurait tiré profit des études et travaux réalisés par la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement, qui se borne, à cet égard, à invoquer leur utilité éventuelle dans l'hypothèse où le projet de station de sports d'hiver serait réactivé ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'en vertu du chapitre 2 de la directive d'aménagement national relative à la protection et à l'aménagement de la montagne, approuvée par décret du 22 novembre 1977, les projets d'unités touristiques nouvelles doivent faire l'objet d'une étude préalable autorisée par les ministres de l'aménagement du territoire, de l'équipement, de l'environnement, de la culture, de l'agriculture, de l'intérieur et du tourisme et aboutissant à un programme d'aménagement ; que ledit programme d'aménagement doit faire l'objet d'une prise en considération par les mêmes ministres ; que, par deux décisions des 23 avril 1979 et 24 juin 1980, les ministres compétents ont refusé de prendre en considération le programme d'aménagement de la station touristique de Pra-Prunier, au motif que le projet présenté ne satisfaisait pas à l'esprit et à la lettre de la "directive montagne" ;

Considérant, en premier lieu, que le décret du 22 novembre 1977 et la directive qu'il approuve ont été publiés au journal officiel du 24 novembre 1977 ; que ladite directive et notamment ses dispositions relatives à la prise en considération du programme d'aménagement par les ministres intéressés étaient, dès lors, applicables en l'espèce, alors même que le projet de station de Pra-Prunier avait été élaboré avant l'entrée en vigueur de la directive et inscrit au POS de la commune de Réallon approuvé dès 1974 ; que, par suite, la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES n'est pas fondée à soutenir qu'en soumettant le projet de station de Pra-prunier et son programme d'aménagement, en vue de sa prise en considération, au comité interministériel des unités touristiques nouvelles, l'administration aurait commis une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que la société requérante n'est pas non plus fondée à soutenir, par un moyen qui d'ailleurs manque en fait, que le préfet des Hautes-Alpes aurait commis une faute lourde en se fondant sur la directive susmentionnée pour l'exercice de ses pouvoirs de tutelle ;
Considérant, en second lieu, que la négligence fautive reprochée par la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES à la direction départementale de l'équipement des Hautes-Alpes, qui aurait présenté au comité interministériel lors de ses réunions des 23 avril 1979 et 24 juin 1980 des dossiers incomplets, n'est pas établie ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en estimant que le projet d'aménagement du site de Pra-Prunier qui lui était présenté ne satisfaisait pas à l'esprit et à la lettre de la "directive montagne" sur plusieurs points et en refusant, pour ce motif, de le prendre en considération, le comité interministériel des unités touristiques nouvelles aurait commis une erreur manifeste d'appréciation constitutive d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant, enfin, qu'eu égard au motif retenu par le comité interministériel pour refuser de prendre en considération le programme d'aménagement élaboré par la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES, celle-ci ne saurait soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée envers elle, même sans faute, sur le fondement du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; qu'en effet, il lui appartenait de présenter un projet conforme aux exigences de la "directive montagne" ; qu'après le premier refus qui lui a été opposé, elle conservait la possibilité de revoir son projet pour l'adapter à ces exigences ; et qu'après le second refus du comité interministériel elle pouvait encore espérer voir ses propositions retenues en participant au concours d'idées organisé par la commune, alors qu'elle s'y est refusée ; que, dans ces conditions, elle doit être tenue pour seule responsable du préjudice dont elle demande réparation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Article 1er : La requête de la Société de Construction, d'Aménagement et de Développement de CHABRIERES est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89LY00348
Date de la décision : 18/01/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-001-01-03 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - REGLES GENERALES D'UTILISATION DU SOL - REGLES GENERALES DE L'URBANISME - DIRECTIVES D'AMENAGEMENT NATIONAL -Directive relative à l'aménagement et à la protection de la montagne (décret du 22 novembre 1977) - Prise en considération du programme d'aménagement d'une station touristique - Refus - Responsabilité de l'Etat - Absence.

68-001-01-03 Par deux décisions des 23 avril 1979 et 24 juin 1980, les ministres compétents ont refusé de prendre en considération le programme de la station touristique de Pra-Prunier, dans les Hautes-Alpes, qui leur était soumis en application du chapitre 2 de la directive d'aménagement national relative à la protection et à l'aménagement de la montagne approuvée par décret du 22 novembre 1977, au motif que le projet présenté ne satisfaisait ni à la lettre ni à l'esprit de cette directive. Eu égard au motif retenu par le comité ministériel pour prendre ces deux décisions, dont il n'apparaît pas qu'elles soient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, la société chargée de l'élaboration du projet ne saurait soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée envers elle, même sans faute, sur le fondement du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, dès lors qu'il lui appartenait de présenter un projet conforme aux exigences de la "directive montagne", qu'après le premier refus qui lui a été opposé, elle conservait la possibilité de revoir son projet pour l'adapter à ces exigences, et qu'après le second refus du comité interministériel elle pouvait encore espérer voir ses propositions retenues en participant au concours d'idées organisé par la commune du lieu du projet, alors qu'elle s'y est refusée. Dans ces conditions, elle doit être tenue pour seule responsable du préjudice qui lui a causé la décision de ne pas lui confier l'aménagement de la station.


Références :

Décret 77-1281 du 22 novembre 1977 approbation directive d'aménagement national relative à la protection et à l'aménagement de la montagne


Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: M. Jannin
Rapporteur public ?: M. Jouguelet, c. de g.

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1990-01-18;89ly00348 ?
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