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01/02/1990 | FRANCE | N°89LY00100;89LY00345

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 01 février 1990, 89LY00100 et 89LY00345


Vu les ordonnances du président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 1er décembre 1988 transmettant les dossiers des requêtes ci-après visées à la cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu 1°) la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 août 1986 et le mémoire complémentaire enregistré le 10 décembre 1986, présentés pour la société les Travaux du Midi, dont le siège est situé ..., par Me Bruno ODENT, avocat aux conseils, et tendant :
1°) à l'annulation du jugement du tribunal administra

tif de MARSEILLE en date du 19 janvier 1986 en tant qu'il l'a condamnée, d'un...

Vu les ordonnances du président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 1er décembre 1988 transmettant les dossiers des requêtes ci-après visées à la cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu 1°) la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 août 1986 et le mémoire complémentaire enregistré le 10 décembre 1986, présentés pour la société les Travaux du Midi, dont le siège est situé ..., par Me Bruno ODENT, avocat aux conseils, et tendant :
1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de MARSEILLE en date du 19 janvier 1986 en tant qu'il l'a condamnée, d'une part, solidairement avec d'autres constructeurs à payer à l'Etat la somme de 984 205 francs majorée des intérêts et à supporter solidairement les frais d'expertise, en réparation de désordres affectant le centre informatique de l'I.N.S.E.E. à Aix-les-Milles, d'autre part, à garantir la société Albouy et la société Atelier 9 à concurrence de 10 % de leurs condamnations respectives ;
2°) au rejet de la demande présentée contre elle par le ministre de l'économie et des finances et des appels en garantie présentés par les sociétés Albouy et Atelier 9 devant le tribunal administratif de MARSEILLE ;
Vu, 2°) la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 août 1986 et le mémoire enregistré le 26 décembre 1986, présentés pour la société Bureau Véritas, dont le siège est situé à Paris la Défense (Hauts-de-Seine), par la S.C.P. FORTUNET-MATTEI-DAWANCE, avocat aux conseils, et tendant :
1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de MARSEILLE en date du 19 juin 1986 en tant qu'il l'a condamnée, d'une part, solidairement avec d'autres constructeurs à payer à l'Etat la somme de 984 205 francs majorée des intérêts et à supporter solidairement les frais d'expertise en réparation des désordres affectant le centre informatique de l'I.N.S.E.E. à Aix-Les-Milles, d'autre part, à garantir la société Atelier 9 à concurrence de 2 % de la condamnation prononcée contre elle ;
2°) au rejet de la demande présentée contre elle par le ministre de l'économie et des finances et de l'appel en garantie présenté par la société Atelier 9 devant le tribunal administratif de MARSEILLE ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 18 janvier 1989 :
- le rapport de M. Z..., président-rapporteur ;
- les observations de Me X..., substituant Me ODENT, avocat de la société les Travaux du Midi et de la S.C.P. MASSE-DESSEN, GEORGES, THOUVENIN, avocat de la société Albouy ;
- et les conclusions de M. JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées des sociétés les Travaux du Midi et Bureau Véritas sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de MARSEILLE du 19 juin 1986 ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Considérant qu'en vue de la construction d'un centre national informatique de l'INSEE à Aix-en-Provence, le ministre de l'économie et des finances agissant au nom de l'Etat a confié, par divers contrats passés en 1977 et 1978, la maîtrise d'oeuvre de l'opération au groupement Atelier 9 - CECOBA, le lot gros oeuvre à la société les Travaux du Midi, le lot chauffage et climatisation à la société Albouy, le lot étanchéité à la société SPAPA et le contrôle technique des études, des projets et de l'exécution des ouvrages à la société Bureau Véritas ; qu'après la réception des travaux prononcée en 1979 sont apparues, dès le mois de décembre 1986, des infiltrations d'eau par une toiture-terrasse ; que, par ordonnance du 19 mars 1982, le président du tribunal administratif de MARSEILLE statuant en référé a désigné un expert, M. A..., qui a préconisé, dans son rapport déposé le 27 mai 1982, la réfection totale de l'étanchéité de la toiture-terrasse en cause ; que les travaux de réfection ont été confiés, par marché négocié en date du 30 juillet 1982, à la SPAPA, qui les a exécutés au cours du mois de septembre 1982 sous la maîtrise d'oeuvre de M. A... ; que de nouvelles et importantes infiltrations s'étant produites dès l'achèvement des travaux, ceux-ci n'ont pas été réceptionnés et une nouvelle expertise, confiée à M. Y..., a été ordonnée par le président du tribunal administratif de MARSEILLE le 8 novembre 1982 ; que les travaux préconisés par M. Y... ont été réalisés au cours des premiers mois de 1983 et ont permis de remédier aux désordres ;
Considérant que, par jugement en date du 19 juin 1986, le tribunal administratif de MARSEILLE statuant sur la demande du ministre de l'économie et des finances, exclusivement fondée sur les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, a condamné solidairement les sociétés Atelier 9, CECOBA, les Travaux du Midi , Albouy, SPAPA et Bureau Véritas à payer à l'Etat une indemnité de 984 205 francs en principal correspondant à l'intégralité de la demande présentée par le ministre dans le dernier état de ses conclusions, diminuée de 20 % laissés à la charge de l'Etat à raison du défaut caractérisé d'entretien de l'ouvrage par les services de l'I.N.S.E.E.; que le tribunal a, en outre, condamné les sociétés Atelier 9, CECOBA, les Travaux du Midi, SPAPA et M. A... à garantir la société Albouy à concurrence respectivement de 4 %, 24 %, 10 %, 25 % et 5 % de la condamnation totale et les sociétés CECOBA, les Travaux du Midi, Albouy, SPAPA et Bureau Véritas à garantir la société Atelier 9 à concurrence respectivement de 24 %, 10 %, 30 %, 25 % et 2 % de la condamnation totale ;
Sur les responsabilités :

Considérant qu'après la réception prononcée en 1979 des travaux de construction du centre national informatique d'Aix-en-Provence, la responsabilité des constructeurs à raison des dommages consécutifs à ces travaux ne pouvait être recherchée par le maître de l'ouvrage que sur le fondement de la garantie décennale due par lesdits constructeurs en vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; qu'en revanche, les dommages distincts, consécutifs aux travaux de reprise effectués en septembre 1982 en exécution de marchés distincts de ceux conclus à l'origine, ne pouvaient, en l'absence de réception, engager la responsabilité que des titulaires de ces marchés et à raison de manquements à leurs obligations contractuelles ; que c'est, dès lors, à tort que les premiers juges ont estimé que l'ensemble des dommages allégués par l'Etat maître d'ouvrage, dont certains étaient la conséquence des travaux de réfection réalisés en septembre 1982, pouvaient engager sur le fondement décennal la responsabilité de constructeurs n'ayant participé qu'aux travaux d'origine ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports des deux experts commis en première instance que les détériorations d'étanchéité apparues en décembre 1981 sur une toiture-terrasse du centre national informatique ont pour origine un développement anormal de végétation sur ladite toiture-terrasse ; que cette végétation n'a pu proliférer, en premier lieu, qu'à cause d'un déversement continu d'eau chaude en provenance d'une tour de refroidissement qui n'avait pas été raccordée à la chute d'eaux pluviales ; que cette malfaçon est imputable à une erreur d'exécution de la société Albouy chargée du lot chauffage-climatisation, à un défaut de surveillance des maîtres d'oeuvre Atelier 9 et CECOBA et à une insuffisance du contrôle exercé par le Bureau Véritas, qui avait notamment pour mission d'assurer le contrôle des travaux des différents corps d'état intéressés ; que la croissance de la végétation a été favorisée, en second lieu, par les défectuosités de la toiture-terrasse qui avait été conçue sans pente et comportait des défauts de planéité qui ont empêché l'évacuation des eaux provenant de la tour de refroidissement ; que ces malfaçons sont imputables à des erreurs de conception et au manque de surveillance des architectes, à des erreurs d'exécution de la société les Travaux du Midi chargée du gros oeuvre, à une insuffisance du contrôle exercé par le Bureau Véritas et, pour une faible part, à une imprudence de la SPAPA qui a posé l'étanchéité sans faire de réserves sur les malfaçons affectant le gros oeuvre ; qu'en troisième lieu, les désordres doivent être regardés comme imputables, pour partie, à la négligence du maître de l'ouvrage à qui il appartenait de veiller au parfait entretien de la toiture-terrasse en faisant enlever les végétations dont les racines risquaient d'endommager l'étanchéité ;

Considérant que, si l'absence de raccordement de la tour de refroidissement à la chute d'eaux pluviales était apparente lors de la réception des travaux en 1979, les défauts de planéité de la toiture-terrasse étaient plus difficilement décelables ; qu'en tout état de cause les graves conséquences de ces deux malfaçons n'étaient pas raisonnablement prévisibles avant leurs premières manifestations en décembre 1981 ; que les dégradations d'étanchéité apparues alors étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'elles engagent, par suite, la responsabilité décennale des constructeurs et ne relèvent pas du régime de garantie applicable aux menus ouvrages au sens de l'article 2270 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1967 ; que l'imputabilité commune des désordres aux sociétés Atelier 9, CECOBA, les Travaux du Midi, Albouy, SPAPA et Bureau Véritas justifie que la responsabilité des uns et des autres soit solidairement engagée envers l'Etat maître de l'ouvrage ; que, toutefois, eu égard aux fautes commises par les services de l'I.N.S.E.E. dans l'entretien de l'ouvrage, c'est par une exacte appréciation des circonstances de l'espèce que les premiers juges ont fixé à 20 % la part de responsabilité devant rester à la charge de l'Etat ;
Sur le préjudice :
Considérant que le coût des travaux effectués par la SPAPA en septembre 1982 pour la remise en état de l'étanchéité endommagée s'est élevé à 218 387,60 francs ; que des honoraires de 15 000 francs ont été versés à l'architecte VINCENT ; que l'Etat est fondé à demander le remboursement de ces sommes, déduction faite de la part de 20 % devant rester à sa charge ; que l'indemnité à laquelle il a droit s'établit ainsi à 186 710 francs ; qu'en revanche, il ne saurait prétendre . la réparation de préjudices subis par lui du fait de l'interruption d'un ordinateur chaque soir entre septembre et décembre 1982, de l'arrêt complet de cet ordinateur les 21 et 22 avril 1983 et du coût des réparations effectuées en 1983, ces différents chefs de préjudice étant la conséquence, non pas des travaux de construction réceptionnés en 1979, mais des travaux de reprise effectués en septembre 1982 qui, comme il a été dit ci-dessus, ne pourraient engager que la responsabilité des participants auxdits travaux sur un fondement contractuel qui n'a pas été invoqué par le ministre devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés les Travaux du Midi et Bureau Véritas, requérantes, et les sociétés Atelier 9, Albouy et SPAPA, par la voie de l'appel provoqué, sont fondées à demander que l'indemnité de 984 205 francs en principal qu'elles ont été condamnées solidairement à payer à l'Etat par le jugement attaqué soit ramenée à 186 710 francs ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident de l'Etat tendant à la majoration de cette indemnité ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les intérêts :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société les Travaux du Midi, l'Etat a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 186 710 francs à compter du 30 juillet 1982, date d'enregistrement de sa demande de première instance au tribunal administratif de MARSEILLE ;
Sur les frais d'expertise :

Considérant que les deux expertises ordonnées en première instance ont été utiles à la solution du litige ; que c'est, dès lors, à bon droit, que les honoraires et frais des deux experts, d'un montant total de 48 225,50 francs, ont été mis solidairement à la charge des sociétés Atelier 9, CECOBA, les Travaux du Midi, Albouy, SPAPA et Bureau Véritas ;
Sur les appels en garantie :
Considérant que les litiges susceptibles de s'élever, à l'occasion de l'exécution d'un travail public, entre les cocontractants du maître de l'ouvrage qui ne sont unis entre eux par aucun lien contractuel doivent cependant être portés devant la juridiction administrative, dès lors que ces constructeurs sont liés chacun au maître de l'ouvrage par un contrat administratif ; que tel est le cas en l'espèce ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les deux sociétés requérantes, la juridiction administrative était bien compétente pour connaître des appels en garantie dirigés contre elles par les sociétés Atelier 9 et Albouy ;
Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une fausse appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la société les Travaux du Midi à garantir les sociétés Atelier 9 et Albouy à concurrence de 10 % de la condamnation solitaire prononcée contre elles ;
Considérant que les situations respectives de la société Albouy et de M. A... ne sont pas aggravées par l'effet de la présente décision ; que, dès lors, leurs conclusions d'appel provoqué dirigées par la première contre les constructeurs autres que la société les Travaux du Midi et par le second contre la société Albouy ne sont pas recevables ;
Article 1er : En tant que son paiement a été mis solidairement à la charge des sociétés Atelier 9, les Travaux du Midi, Albouy, SPAPA et Bureau Véritas, la somme de 984 205 francs allouée à l'Etat par le jugement du tribunal administratif de MARSEILLE du 19 juin 1986 est ramenée à 186 710 francs. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 1982.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de MARSEILLE du 19 juin 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes des sociétés les Travaux du Midi et Bureau Véritas est rejeté, ainsi que les appels incidents du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, les appels incidents et le surplus des appels provoqués des sociétés Atelier 9 et Albouy, le surplus de l'appel provoqué de la société SPAPA et l'appel provoqué de M. A....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 89LY00100;89LY00345
Date de la décision : 01/02/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-04-01 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - QUALITE POUR LA METTRE EN JEU


Références :

Code civil 1792, 2270
Loi 67-3 du 03 janvier 1967


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: JANNIN
Rapporteur public ?: JOUGUELET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1990-02-01;89ly00100 ?
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