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21/03/1990 | FRANCE | N°89LY00179

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 21 mars 1990, 89LY00179


Vu l'ordonnance du président de la 9ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat, en date du 1er décembre 1988, transmettant à la cour, en application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête visée ci-après ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat respectivement les 30 avril 1987 et 30 septembre 1987, présentés par M. Roger Y..., demeurant ... ;
M. Y... demande que la cour :
1) réforme le jugement du 23 février 1987 par lequel le tribunal

administratif de Nice ne lui a accordé qu'une réduction insuffisante du c...

Vu l'ordonnance du président de la 9ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat, en date du 1er décembre 1988, transmettant à la cour, en application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête visée ci-après ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat respectivement les 30 avril 1987 et 30 septembre 1987, présentés par M. Roger Y..., demeurant ... ;
M. Y... demande que la cour :
1) réforme le jugement du 23 février 1987 par lequel le tribunal administratif de Nice ne lui a accordé qu'une réduction insuffisante du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1977 et a rejeté le surplus de ses conclusions en décharge du complément d'impôt sur le revenu établi pour l'année 1976 ,
2) lui accorde la décharge des compléments d'impôts sur le revenu restant en litige au titre des années 1976 et 1977 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 7 mars 1990 :
- le rapport de M. Chevalier, conseiller ;
- les observations de Me Guetta, avocat de M. Roger Y... ;
- et les conclusions de Mme Haelvoet, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de l'imposition d'office du bénéfice de la société civile particulière "Thermique et Mécanique des Fluides", dont il possédait la moitié des parts, M. Y... a été assujetti au titre des années 1976 et 1977 à des compléments d'impôt sur le revenu à raison de la part des bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans la société ; qu'il demande la décharge des droits restant dus après le dégrèvement accordé par le tribunal administratif de Nice sur la cotisation de l'année 1977 en invoquant des irrégularités de la procédure d'imposition et en contestant le bien-fondé des redressements ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 104 du code général des impôts, alors en vigueur : "Le bénéfice imposable de tout contribuable qui, percevant des bénéfices non commerciaux ou des revenus assimilés, n'a souscrit dans les délais légaux aucune des déclarations prévues aux articles 97 et 101, est arrêté d'office, sauf réclamation après l'établissement du rôle - Les bénéfices déclarés par les contribuables peuvent être rectifiés d'office par l'administration dans les conditions prévues à l'article 58" ; qu'aux termes de l'article 60 du même code, rendu applicable en vertu de l'article 103 du code aux sociétés visées à l'article 8-1° réalisant des bénéfices non commerciaux : "le bénéfice des sociétés visées à l'article 8 est déterminé, dans tous les cas, dans les conditions prévues pour les exploitants individuels ... - Ces sociétés sont tenues aux obligations qui incombent normalement aux exploitants individuels et la procédure de vérification des déclarations est suivie directement entre l'administration et lesdites sociétés" ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'administration est en droit d'évaluer d'office les bénéfices d'une société entrant dans le champ d'application de l'article 8 du code dès lors que cette société n'a pas souscrit la déclaration à laquelle elle est tenue et d'imposer au nom de chaque associé la part des bénéfices ainsi déterminée correspondant à ses droits dans la société ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la société civile particulière "Thermique et Mécanique des Fluides" a souscrit tardivement sa déclaration de résultats au titre de l'année 1976 et n'a souscrit aucune déclaration pour l'année 1977 ; qu'ainsi l'administration était en droit d'évaluer d'office les bénéfices des deux années en cause et de procéder au rehaussement correspondant du revenu imposable de M. Y... en faisant application des dispositions de l'article 177 du code précité, alors en vigueur, relatif à la rectification des déclarations du revenu global aux termes desquels : "l'administration peut rectifier les déclarations en se conformant à la procédure prévue à l'article 1649 quinquies A" ; que, par suite, les irrégularités qui ont justifié le recours à la procédure d'évaluation d'office ayant été révélées par la vérification des déclarations de la société dont M. Y... était l'associé, les impositions contestées ne trouvaient pas leur origine dans une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble du requérant ; qu'il suit de là, alors même que les redressements à l'impôt sur le revenu mentionnaient qu'ils faisaient suite à une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, que les moyens tirés de l'irrégularité de cette dernière sont inopérants ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la procédure de vérification devait, conformément aux dispositions des articles 60 et 103 du code général des impôts, être suivie directement entre l'administration et la société civile, il ne résulte pas pour autant des dispositions dudit article 60 qu'une notification de redressement dût être envoyée à la société civile ; qu'ainsi, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des irrégularités dont serait entâchée la notification de redressements adressée le 17 octobre 1979 à la société civile particulière "Thermique et Mécanique des Fluides" pour obtenir décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1976 et 1977 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la société civile, l'administration a adressé à M. Y..., le 26 novembre 1979, une notification de redressements de son revenu global déclaré en 1976 et 1977 par laquelle le vérificateur lui a fait connaître que la vérification de comptabilité de la société dont il était associé ayant permis de constater pour les exercices 1976 et 1977 un bénéfice supérieur au bénéfice déclaré, il se proposait, conformément à l'article 8 du code général des impôts, de taxer à son nom la part entre le bénéfice constaté et le bénéfice déclaré correspondant à ses droits dans la société ; que dans ce document, le vérificateur se bornait, pour justifier les rehaussements, à faire référence, dans les conditions prévues à l'article 60 du code général des impôts, aux modalités de détermination du bénéfice non commercial réalisé par la société et égal à la différence entre les recettes et les dépenses professionnelles au 31 décembre de chaque année ou à la date de cessation d'activité ; que ces mentions ne constituaient pas une motivation suffisante de nature à permettre au contribuable de formuler éventuellement des observations sur les redressements envisagés ;
Mais considérant que si, par une nouvelle notification en date du 16 juillet 1980, l'administration a, sans changer le fondement légal des impositions complémentaires, diminué le montant des redressements à la suite des explications fournies par le contribuable, cette notification ne saurait être assimilée à de nouveaux redressements procédant d'une nouvelle vérification des déclarations de la société "Thermique et Mécanique des Fluides" ; que ladite notification qui, en tout état de cause, n'avait pas à se référer à la date à laquelle les redressements avaient été notifiés à la société civile "Thermique et Mécanique des Fluides", indiquait la procédure d'imposition suivie par l'administration, le principe de la méthode de reconstitution des bénéfices et le détail des recettes et, pour l'année 1976, le montant des dépenses admises en déduction, correspondant à celui déclaré par la société, comme le souligne M. Y... dans sa réponse à la notification de redressements datée du 14 août 1980 ; qu'en revanche, il ressort des termes mêmes de la notification de redressements que ce document a seulement mentionné une somme de 192 756 francs comme montant des dépenses admises en déduction pour l'année 1977 sans indiquer comment ce chiffre avait été déterminé ; qu'en s'abstenant de fournir, même de manière succinte des précisions sur ce point, l'administration n'a pas donné au contribuable, qui l'a fait remarquer dans sa réponse du 14 août 1980, les motifs de redressements, contrairement aux dispositions de l'article 1649 quinquies A-2 du code général des impôts, alors en vigueur ; que, par suite, l'irrégularité entâchant la procédure d'imposition, pour ce qui concerne les redressements de l'année 1977, entraîne la décharge des redressements au titre de cette année ;

Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 8, 60 et 103 du code général des impôts que, dans le cas d'une société civile qui, comme en l'espèce, ne peut opter pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, le rehaussement du bénéfice réalisé par la société et le redressement des bases d'imposition de l'associé à raison de sa part de bénéfices sociaux constituent les éléments d'une même procédure ; que, par suite, l'évaluation d'office, en 1976, des résultats de la société civile "Thermique et Mécanique des Fluides" lui étant opposable, M. Y... a la charge de la preuve de l'exagération de l'évaluation des bénéfices à raison desquels il a été imposé sur le revenu au titre de l'année 1976, en fonction de la part des bénéfices de cette société correspondant à ses droits dans ladite société ;
Sur le bien-fondé de l'imposition sur le revenu de M. Y... au titre de l'année 1976 à raison de sa part dans les bénéfices de la société "Thermique et Mécanique des Fluides" correspondant à ses droits dans la société ;
En ce qui concerne la détermination des résultats de la société :
Considérant que le requérant demande à la cour qu'elle intervienne auprès de l'administration pour faire produire le dossier fiscal de M. X..., le second associé dans la société civile "Thermique et Mécanique des Fluides", et examiner les justifications que celui-ci aurait pu apporter dans le montant des bénéfices de ladite société évalués d'office par l'administration et soumis au nom de celui-ci à l'impôt sur le revenu, en vertu de l'article 8 du code général des impôts précité, pour sa part de bénéfice correspondant à ses droits dans la société civile ; mais considérant que l'imposition sur le revenu d'un associé d'une société civile conformément aux dispositions de l'article 8 du code est, par elle-même, sans influence sur l'imposition des autres associés de la société, alors même que le montant du bénéfice à l'origine de la répartition est unique ; qu'il suit de là que M. Y... ne saurait utilement se prévaloir d'une décision de l'administration, à supposer qu'elle existe, qui aurait imposé sur le revenu l'autre associé, M. X..., à partir d'un montant de bénéfices sociaux différent de celui qui aurait servi à déterminer sa part dans le calcul de l'impôt sur le revenu pour l'année en cause ;
Considérant que M. Y... ne conteste pas la méthode du vérificateur pour reconstituer les recettes et dépenses de la société civile ; que le vérificateur s'est référé aux mouvements de deux comptes ouverts au nom de la société "Thermique et Mécanique des Fluides" à la banque Grindlay Ottomane et d'un troisième compte ouvert dans cette même banque au nom de Mme Marie-France Genest, salariée de la société et ancienne associée, dont le requérant reconnaît dans sa requête qu'il avait enregistré des opérations fiscales ; qu'en l'absence de tous autres éléments ou documents, et notamment de ceux qu'un contribuable soumis au régime de la déclaration contrôlée des bénéfices non commerciaux doit tenir en vertu de l'article 99 du code général des impôts, cette méthode était de nature à permettre d'apprécier, avec une approximation suffisante, les bénéfices imposables de la société dont il s'agit ;

Considérant que l'intéressé, qui ne conteste pas le montant des dépenses retenues par le vérificateur, correspondant comme il a été dit, à celui des dépenses déclarées par la société, n'apporte aucune justification de la différence de 134 675 francs entre le montant des recettes reconstituées par le vérificateur à partir de l'étude de 3 comptes ouverts à la banque Grindlay Ottomane et celui des recettes déclarées ; que, dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise qu'il sollicite, le requérant n'est pas fondé à critiquer le montant du bénéfice social rehaussé par l'administration au titre de l'exercice 1976 ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la répartition des bénéfices de la société :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 8 du code général des impôts, d'une part, les sociétés de personnes ne sont pas imposables à raison des bénéfices qu'elles ont réalisés, mais ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé et acquis, dès la clôture de l'exercice, chacun une part de ces bénéfices, d'autre part, il y a lieu, en ce qui concerne la détermination des bases d'imposition des différents associés, de se référer à "leurs droits dans la société" ; que ces droits sont, sauf stipulation contraire, ceux qui résultent du pacte social ; que, par suite, les bases d'imposition de chaque associé doivent être déterminées par référence à une répartition des résultats sociaux présumée faite conformément au pacte social, sauf dans le cas où un acte ou une convention, passé avant la clôture de l'exercice, a pour effet de conférer aux associés des droits dans les bénéfices sociaux différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social ; qu'en ce cas, les bases d'imposition des associés doivent correspondre à cette nouvelle répartition des résultats sociaux ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application des dispositions précitées, les bénéfices correspondant aux redressements opérés par l'administration suite à la vérification de comptabilité de la société "Thermique et Mécanique des Fluides" ont été, en l'absence d'une convention passée avant la clôture de l'exercice, regardés comme acquis par chacun des associés existants au moment de cette clôture dont M. Y... proportionnellement à leurs droits respectifs dans les bénéfices sociaux ; que, par suite, ni la circonstance que la déclaration souscrite hors délai par la société ne mentionnait pas M. Y... parmi les bénéficiaires de la distribution des résultats de l'année 1976 ni la circonstance que celui-ci, qui, ayant acquis sa participation le 20 septembre 1976, n'a pas été imposé à raison de la quote-part des bénéfices déclarés correspondant à ses droits, ne sont de nature à remettre en cause le bien-fondé de l'imposition régulièrement établie par l'administration au nom du requérant à raison de sa part dans les redressements des bénéfices de l'année 1976 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y..., qui ne saurait se plaindre du rejet de ses conclusions tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu établis pour l'année 1976, est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé de lui accorder décharge de la totalité du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1977 ;
Article 1er : M. Roger Y... est déchargé du complément d'impôt sur le revenu auquel il est resté assujetti au titre de l'année 1977 après la réduction accordée par le tribunal administratif de Nice dans son jugement du 23 février 1987.
Article 2 : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Roger Y... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89LY00179
Date de la décision : 21/03/1990
Sens de l'arrêt : Décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-02-02-03,RJ1,RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT - ENVOI -Personne physique associée d'une personne civile - Cas des associés ayant cédé leurs parts à la date de la vérification (1) (2).

19-01-03-02-02-03 Si l'administration est tenue par les prescriptions de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales de suivre directement avec une société visée à l'article 8 du code général des impôts, et non avec ses associés, la procédure de vérification des résultats souscrite par cette société, il ne résulte pas pour autant des dispositions de cet article qu'une notification de redressement doit être envoyée à la société civile (1) (2). Par suite, est inopérant le moyen tiré des irrégularités dont serait entachée la notification de redressement adressée à la société civile et invoqué par un des associés pour obtenir la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti.


Références :

CGI 104, 60, 103, 8, 177, 1649 quinquies A, 99

1.

Cf. CE, Assemblée, 1977-07-22, n° 00384, p. 353. 2. Comp. CE, 1986-07-25, "S.A. Etablissements Dubouchet Frères", n° 45472, p. 467


Composition du Tribunal
Président : M. Bonifait
Rapporteur ?: M. Chevalier
Rapporteur public ?: Mme Haelvoet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1990-03-21;89ly00179 ?
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