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18/04/1990 | FRANCE | N°89LY00731

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 18 avril 1990, 89LY00731


Vu la décision en date du 17 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée par le ministre de l'éducation nationale ;
Vu enregistrée le 18 mars 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat la requête présentée par le ministre de l'éducation nationale tendant par réformation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre

1987 à ce que la somme de 21 999 240 francs avec intérêts au taux lég...

Vu la décision en date du 17 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée par le ministre de l'éducation nationale ;
Vu enregistrée le 18 mars 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat la requête présentée par le ministre de l'éducation nationale tendant par réformation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 1987 à ce que la somme de 21 999 240 francs avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 1985 capitalisés dans la limite de 8 046 825,55 francs au 21 avril 1987, à laquelle la société SMAC Acieroid a été condamnée envers l'Etat, soit portée à 48 332 750 francs majorée des intérêts capitalisés au 13 mars 1985 pour un montant de 9 183 222,50 francs et à ce que la société précitée soit condamnée au versement des intérêts échus qui seront capitalisés du 13 mars 1987 à la date d'intervention de la décision prise en appel, afférents au complément des indemnités qui seront allouées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 21 mars 1989 :
- le rapport de M. Lanquetin, conseiller ;
- les observations de Me Le Bret-Desaché substituant Me Odent, avocat de la société SMAC Acieroid ;
- et les conclusions de Mme Haelvoet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement en date du 18 décembre 1987, le tribunal administratif de Grenoble qui a estimé que l'incendie qui avait détruit le 26 février 1985 une grande partie du complexe sportif universitaire de ST MARTIN D'HERES avait été provoqué par un préposé de la société SMAC Acieroid lors des travaux de réfection de l'étanchéité de la toiture du gymnase du complexe sportif confiés à la société précitée, a condamné cette dernière à payer à l'Etat la somme de 21 999 240 francs toutes taxes comprises au titre des conséquences dommageables du sinistre ; que le ministre de l'éducation nationale demande la réformation du jugement en ce que celui-ci a laissé une part de responsabilité à la charge de l'Etat et en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions sur le montant du préjudice ; que la société SMAC Acieroid demande quant à elle par la voie du recours incident une diminution du montant de la condamnation prononcée à son encontre ;
Sur les conclusions du ministre de l'éducation nationale :
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la propagation de l'incendie a été favorisée en premier lieu par la conception de l'ouvrage qui n'était pas conforme à la réglementation en vigueur lors de sa construction tant en ce qui concerne le système de ventilation qu'en ce qui concerne la nature même du revêtement d'étanchéité et le désenfumage des locaux, en second lieu par le choix des matériaux retenus pour la couverture, non conformes eux aussi à la réglementation alors en vigueur, enfin par la transformation du local de matériel lourd en local de stockage de peinture sans mise en conformité avec la réglementation ni présence d'un système de ventilation organisé ;
Considérant que ces carences, ayant contribué à l'aggravation du sinistre, le ministre ne saurait utilement, pour soutenir que lesdites carences n'ont pas constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, propriétaire des bâtiments, invoquer la circonstance que la réglementation en matière de sécurité incendie à laquelle l'ouvrage du complexe sportif n'était pas conforme, avait pour seul but d'assurer la sécurité des personnes ; que d'autre part, dès lors que les bâtiments avaient fait l'objet d'une réception définitive et qu'ainsi le maître d'ouvrage en était devenu le gardien, le ministre ne saurait alléguer que ce sont les constructeurs du complexe sportif qui devaient être tenus responsables du rôle aggravant dans la propagation de l'incendie joué par les vices de construction de l'ouvrage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'une part des conséquences dommageables de l'aggravation du sinistre doit rester à la charge de l'Etat en raison de la faute qui lui est imputable dans cette aggravation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en évaluant à 30 % le montant de cette part le tribunal ait fait une appréciation exagérée de la responsabilité incombant à l'Etat ;
Sur le préjudice :
Sur les travaux de réfection :

Considérant qu'il ressort de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le montant des travaux de réfection évalués en janvier 1986 s'élevait à 37 500 000 francs toutes taxes comprises ; que par suite et compte tenu de la circonstance qu'à la date sus-indiquée le maître d'ouvrage connaissant toute l'étendue des désordres litigieux était en mesure de faire procéder aux travaux de reconstruction des bâtiments détruits, que le coût des travaux de réfection à prendre en compte doit être fixé à la somme sus-indiquée ;
Considérant par ailleurs que si l'intervention de la société SMAC Acieroid s'est située dans un cadre contractuel, cette intervention ne portant que sur la réfection de la toiture du gymnase qui présentait des désordres d'étanchéité, la société SMAC Acieroid doit être considérée comme ayant été dans une situation de tiers par rapport aux autres parties des bâtiments, même si ces derniers formaient un tout ; que par suite, concernant ces bâtiments, qui au demeurant se trouvaient avant le sinistre, ainsi qu'il résulte de l'instruction, dans un excellent état d'entretien hormis le cas de la toiture, il y a lieu de ne procéder sur les frais de reconstruction à un abattement de vétusté non de 7 000 000 francs comme l'ont fait les premiers juges, mais seulement de 753 000 francs qui correspond au prix du marché passé entre la société SMAC Acieroid et l'Etat pour la réfection de la toiture ;
Considérant qu'il découle de ce qui précède, et compte tenu du partage de responsabilité opéré, que le montant des travaux de réfection à mettre à la charge de la société SMAC Acieroid s'élève à 25 722 900 francs toutes taxes comprises ;
Sur les préjudices annexes :
Considérant que les préjudices d'exploitation subis par l'Université de Grenoble du fait de la destruction du complexe sportif ainsi que le préjudice afférent aux frais de location de bâtiments de remplacement engagés par l'intéressée ne sont pas distincts de ceux qui résultent pour l'Etat, maître d'ouvrage, de la mauvaise exécution des travaux de la société SMAC Acieroid qui se trouvent à l'origine du sinistre ; que dans ces conditions l'Etat envers qui seulement la société SMAC Acieroid pouvait être appelée à répondre d'un manquement à ses obligations contractuelles était fondé à demander réparation des préjudices sus-visés ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif de Grenoble les a rejetés au motif qu'ils avaient été causés au service interuniversitaire ;
Considérant qu'au 23 janvier 1986, date de dépôt de la partie du rapport d'expertise déterminant les travaux de réfection, l'Etat était en mesure de faire procéder à l'exécution desdits travaux ; que par suite c'est à cette date qu'il y a lieu pour la cour, compte tenu de la circonstance qu'au jour de la présente décision elle ne connait pas le moment d'achèvement effectif de la reconstruction des bâtiments, de se placer pour apprécier le caractère certain des préjudices annexes sus-visés de l'Etat et d'en calculer le montant ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les préjudices en cause s'élèvent, eu égard au partage de responsabilité opéré à la somme de 622 230 francs toutes taxes comprises déduction faite des consommations de gaz économisées par le service interuniversitaire ;

Considérant que le ministre de l'éducation nationale ne justifie pas par contre des préjudices allégués au titre des charges de co-propriétés, des frais de logements du gardien et du directeur du complexe sportif et enfin des pertes relatives au personnel ; qu'il ne justifie pas non plus des pertes de jouissances invoquées ;
Considérant en revanche que le ministre est fondé à demander à être indemnisé du préjudice propre que lui a causé l'emploi en sur-effectif des personnels affectés au complexe sportif qui n'ont pu continuer d'exercer leurs activités au sein de celui-ci par suite du sinistre intervenu ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SMAC Acieroid doit être condamnée à payer en principal à l'Etat la somme de 27 063 050 francs toutes taxes comprises au titre des conséquences dommageables de l'incendie ayant détruit le complexe sportif de ST MARTIN D'HERES ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris ;
Considérant que la somme précitée doit porter intérêts au taux légal à compter du 13 mars 1985 ; que la capitalisation des intérêts a été demande le 21 avril 1987 ; qu'à cette date il était dû plus d'une année d'intérêts ; que par suite, en application des dispositions de l'article 1153 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ; que par contre à la date du 18 mars 1988, il n'était pas dû plus d'une année d'intérêts depuis la demande précédente ; qu'il n'y a donc pas lieu d'accorder la capitalisation des intérêts au 18 mars 1988, ni au surplus à la date d'intervention de la présente décision ;
Sur les conclusions incidentes de la société SMAC Acieroid :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours incident de la société SMAC Acieroid doit être rejeté ;
Article 1er : Le montant de la condamnation mise à la charge de la société SMAC Acieroid envers l'Etat est porté à la somme de 27 063 050 francs toutes taxes comprises.
Article 2 : La somme précitée portera intérêts au taux légal à compter du 13 mars 1985. Les intérêts échus le 21 avril 1987 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions du ministre de l'éducation nationale est rejeté.
Article 5 : Le recours incident de la société SMAC Acieroid est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89LY00731
Date de la décision : 18/04/1990
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PARTAGE DES RESPONSABILITES - Maître de l'ouvrage responsable de l'aggravation du sinistre en raison de la non conformité des locaux à la réglementation en vigueur sur les normes de sécurité.

39-06-01-07-02 Incendie du complexe sportif universitaire de St Martin d'Hères, occasionné par une entreprise procédant à des travaux de réfection de l'étanchéité de la toiture du gymnase intégré dans ce complexe. La responsabilité de l'entreprise, considérée comme un tiers par rapport aux parties des bâtiments non affectées par son intervention même si ceux-ci formaient un tout, est engagée. Toutefois, la responsabilité de l'Etat est engagée à hauteur de 30 %, la non conformité des locaux à la réglementation en vigueur sur les normes de sécurité ayant favorisé la propagation de l'incendie.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION - ABATTEMENT POUR VETUSTE - Calcul dans le cas de destruction de l'ouvrage par incendie lors de travaux de réfection - Evaluation au montant du marché de réfection.

39-06-01-07-03-02-02 Incendie du complexe sportif universitaire de St Martin d'Hères occasionné par une entreprise procédant à des travaux de réfection de l'étanchéité de la toiture du gymnase intégré dans ce complexe. La construction étant en excellent état d'entretien avant le sinistre, application pour l'évaluation du préjudice d'un abattement de vétusté égal au coût de réfection de la toiture du gymnase.


Références :

Code civil 1153


Composition du Tribunal
Président : M. Bonifait
Rapporteur ?: M. Lanquetin
Rapporteur public ?: Mme Haelvoet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1990-04-18;89ly00731 ?
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