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27/04/1990 | FRANCE | N°89LY00742

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 27 avril 1990, 89LY00742


Vu la décision en date du 25 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 1 ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 7 janvier 1988 par la S.C.P. MARTIN-MARTINIERE et PICARD, avocat aux Conseils, pour Mme X... demeurant à Bonne (Haute-Savoie) ;
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les 7 janvier 1988 et 3 mai 1988 pr

sentés par la S.C.P. MARTIN-MARTINIERE et PICARD, avocat aux Cons...

Vu la décision en date du 25 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 1 ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 7 janvier 1988 par la S.C.P. MARTIN-MARTINIERE et PICARD, avocat aux Conseils, pour Mme X... demeurant à Bonne (Haute-Savoie) ;
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les 7 janvier 1988 et 3 mai 1988 présentés par la S.C.P. MARTIN-MARTINIERE et PICARD, avocat aux Conseils, pour Mme X... ;
Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 28 octobre 1987 qui a rejeté sa demande tendant à ce que le département de Haute-Savoie soit déclaré responsable de nuisances anormales frappant sa propriété et condamné au paiement d'une indemnité de 544 690 francs ;
2°) de condamner le département de Haute-Savoie au paiement d'une indemnité de 700 000 francs avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 29 mars 1990 :
- le rapport de M. ZUNINO, conseiller ;
- et les conclusions de M. JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X... demande réparation du préjudice que lui cause la mise en service, à proximité immédiate de sa propriété, d'une déviation de la voie départementale N° 907 et d'une bretelle de raccordement de ladite voie ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la maison de Mme PELLOUX, dont les pièces de séjour étaient orientées en direction d'une voie de chemin de fer désaffectée, et tournaient le dos à la route nationale bordant au nord la propriété, se trouve désormais exposée au bruit résultant de la création, sur l'emplacement de cette voie de chemin de fer, et à huit mètres de la façade de la maison, d'une déviation de la voie départementale N° 907 ayant recueilli une part notable du trafic de la route nationale, et de l'adjonction d'une bretelle de liaison de cet ouvrage avec le reste de la voirie ;
Considérant qu'alors même que la voie nouvelle se trouve en contrebas de l'immeuble, et qu'une part du trafic qu'elle supporte provient de la route nationale, dont les émissions bruyantes sont ainsi affaiblies, Mme X... subit, compte-tenu de l'orientation sus-indiquée de son immeuble, des troubles, d'ailleurs soulignés par le rapport de l'expert commis en référé, excédant ceux que doivent supporter sans indemnité les riverains des voies publiques ;
Considérant il est vrai que le département soutient que, le projet d'ouvrage étant connu à la date à laquelle l'intéressée s'est installée, elle n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité ;
Considérant toutefois que si, à la date à laquelle Mme X... a d'une part acquis le terrain en cause, d'autre part construit sa maison, soit 1965, elle était à même de connaître le projet d'implantation d'une déviation sur le tracé de l'ancienne voie ferrée bordant sa propriété, elle ne pouvait mesurer à cette époque l'importance des nuisances qui accompagneraient la réalisation, en 1982, de cet ouvrage adapté aux nécessités de la circulation telles qu'appréciées à la date de sa réalisation ;
Considérant qu'il suit de là que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Haute-Savoie ;
Sur le préjudice :
Considérant que, compte-tenu de l'indemnisation par ailleurs accordée par le juge de l'expropriation, et notamment du remplacement, autorisé par cette dernière, d'une haie végétale qui atténuera les nuisances, il sera fait une juste appréciation du préjudice né de l'aggravation des nuisances de toutes sortes imputable à l'ouvrage en l'évaluant à la somme de 80 000 francs ;
Considérant par ailleurs que l'absence, sur l'ouvrage public, d'un muret de soutènement au pied du talus provoque un glissement régulier des terres de la propriété de Mme X..., et lui cause un préjudice dont elle a droit à obtenir réparation ; que, le juge administratif ne pouvant enjoindre à une collectivité publique de réaliser ou modifier un ouvrage, la réparation due à la requérante ne peut être évaluée au prix de réalisation du muret dont s'agit, comme demandé ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi en l'évaluant à la somme de 5 000 francs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Haute-Savoie doit être condamné à verser 85 000 francs à Mme X... ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que Mme X... a droit aux intérêts au taux légal des sommes qui lui sont dues à compter du 29 janvier 1986, date de sa demande devant le tribunal administratif ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 7 janvier 1988 et 3 mai 1988 ; qu'à la première de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, en application de l'article 1154 du code civil, il y a lieu d'accorder à Mme X... la capitalisation à cette date des intérêts de l'indemnité qui lui est due ; qu'en revanche au 3 mai 1988, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a donc lieu de rejeter ce chef de demande ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que la charge des frais d'expertise incombant à la partie perdante, en vertu de l'article R 217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il convient de les mettre à la charge du département de la Haute-Savoie ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 28 octobre 1987 est annulé.
Article 2 : Le département de la Haute-Savoie est condamné à payer à Mme X... une indemnité de 85 000 francs avec intérêts de droit à compter du 29 janvier 1986, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 7 janvier 1988.
Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise de référé sont mis à la charge du département de la Haute-Savoie.
Article 4 : Le surplus de la requête de Mme X... est rejeté.


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