Vu l'ordonnance du président de la 2ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 13 janvier 1989 transmettant à la cour, en application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête visée ci-après ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 février et 13 juin 1988, présentés par la S.C.P. Jean LE Y... Didier LE PRADO avocat aux Conseils pour M. Denis Z... demeurant ... et la Mutuelle Assurance Artisanale de France (M.A.A.F) dont le siège social est à CHABAN-DE-CHAURAY 79000 NIORT, représentée par ses représentants légaux ; M. Z... et la M.A.A.F. demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à la condamnation du département de la SAVOIE à verser à M. Z... les sommes de 29.948,13 francs au titre du préjudice matériel et de 80.000 francs à titre de provision sur le préjudice corporel, en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 31 décembre 1984 vers 10 heures alors qu'il circulait sur le chemin départemental n° 902 dans l'agglomération de BONNEVAL-SUR-ARC et au cours duquel il a dérapé sur une plaque de verglas et basculé par dessus un pont ;
2°) de désigner un expert ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 19 mars 1990 :
- le rapport de Mme du GRANRUT, conseiller ;
- et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Z... qui circulait à BONNEVAL-SUR-ARC sur le chemin départemental 902 le 31 décembre 1984 vers 10 heures du matin en direction de LANSLEVILLARD, a dérapé sur une plaque de verglas ; que sa voiture a basculé par-dessus un pont et s'est immobilisée en contrebas après s'être retournée ; que M. Z... a été blessé ainsi que ses passagers, Mme Christiane X..., Melle Martine X... et M. Olivier X... ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le pont était situé à la sortie d'un virage ; que ses bords n'étaient pas protégés par un parapet de nature à prévenir une éventuelle sortie de route ; que ce fait révèle un défaut d'aménagement d'un ouvrage public de nature à engager la responsabilité du département de la SAVOIE, maître de l'ouvrage public ;
Considérant que même si des arrêtés départementaux avaient été pris faisant obligation aux automobilistes en cas de risque de glissement dû à l'enneigement ou au verglas, de disposer des moyens appropriés pour s'opposer au dérapage des véhicules, il ne ressort pas du dossier que la signalisation était suffisante pour en informer l'ensemble des touristes séjournant à BONNEVAL-SUR-ARC ; qu'ainsi il ne peut être reproché à M. Z... d'avoir circulé sans dispositif anti-glissant ;
Considérant toutefois que M. Z... qui avait remarqué la veille du jour de l'accident la plaque de verglas, aurait dû prendre les précautions de conduite exigées par les circonstances ; qu'en ne le faisant pas, il a commis une imprudence de nature a exonérer partiellement la responsabilité du département de la SAVOIE ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en déclarant le département de la SAVOIE responsable pour un tiers des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime M. Z... et ses passagers ;
Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, qu'il y a lieu de faire droit dès à présent à la demande de M. Z... pour l'indemnisation de son véhicule ; que celui-ci a été évalué au jour de l'accident à 29 948,13 francs ; qu'une somme de 9 982,71 francs doit lui être versée ;
Considérant, d'autre part, que la M.A.A.F. demande également le remboursement des indemnités qu'elle a versées en sa qualité d'assureur du conducteur aux victimes passagers transportés et aux caisses primaires d'assurance maladie de celles-ci ; que des certificats médicaux attestent la réalité des préjudices subis ; que l'indemnité allouée doit être calculée sur la base des sommes que la mutuelle justifie avoir versées pour réparer les préjudices, dont il a été justifié ; que, dans les circonstances de l'espèce, ces sommes s'élèvent à un montant de 53 983,95 francs ; que dès lors, compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, une somme de 17 994,65 francs doit lui être versée ;
Considérant, enfin, que l'état du dossier ne permet pas de déterminer le montant du préjudice subi par M. Z... du fait de son accident ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur sa demande d'indemnité d'ordonner une expertise en vue de déterminer la date de consolidation des blessures, la durée de l'incapacité temporaire totale, le taux de l'incapacité permanente partielle, les souffrances physiques, le préjudice d'agrément, les troubles dans les conditions d'existence, le prétium doloris ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. Z... et la M.A.A.F. ont droit respectivement aux intérêts des sommes de 9 982,71 francs et de 17 994,65 francs à compter du jour de l'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif de GRENOBLE ;
Sur l'appel provoqué du département de la SAVOIE :
Considérant que la convention du 5 janvier 1976 et son avenant du 15 décembre 1978, passés entre le département de la SAVOIE et la commune de BONNEVAL-SUR-ARC, qui fixe les conditions d'utilisation des engins de déneigement pour les chemins départementaux, ne prévoient d'engager la responsabilité de la commune que pour les dégâts occasionnés à la voirie départementale par des travaux de déneigement ; qu'en l'espèce la responsabilité du département n'est pas engagée en raison de l'insuffisance des travaux de déneigement ; qu'ainsi, l'appel provoqué du département de la SAVOIE tendant à ce que, au cas où il serait condamné, la commune de BONNEVAL le garantisse des sommes à verser, ne peut être accueilli ;
Article 1er : Le département de la SAVOIE est déclaré responsable du tiers des conséquences dommageables de l'accident survenu le 31 décembre 1984 à M. Denis Z..., Mme Christiane X..., à Melle Martine X... et à M. Oliver X... sur le territoire de la commune de BONNEVAL-SUR-ARC.
Article 2 : Le département de la SAVOIE est condamné à verser à M. Z... la somme de 9 982,71 francs avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 1986.
Article 3 : Le département est condamné à verser à la M.A.A.F. la somme de 17 994,65 francs avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 1986.
Article 4 : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité de M. Z..., procédé par un expert désigné par le président de la cour à une expertise en vue de déterminer la date de consolidation des blessures, la durée de l'incapacité temporaire totale, le taux de l'incapacité permanente partielle, les souffrances physiques, le préjudice d'agrément, les troubles dans les conditions d'existence, le prétium doloris.
Article 5 : L'expert prêtera serment par écrit ; le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour dans le délai de 6 mois suivant la prestation de serment.
Article 6 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 7 : L'appel provoqué du département de la SAVOIE est rejeté.
Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. Z..., à la M.A.A.F., au département de la SAVOIE, à la Commune de BONNEVAL-SUR-ARC, et au ministre de l'intérieur.