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11/07/1990 | FRANCE | N°89LY00540;89LY01375

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 11 juillet 1990, 89LY00540 et 89LY01375


Vu 1°) la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 20 janvier 1989, par laquelle le président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 alors en vigueur, la requête présentée par M. FILSKOV ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe du secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, les 26 octobre 1987 et 26 février 1988, présentés pour M. Jorgen FILSKOV demeurant à Pointe N

oire B.P. 1136 (République Populaire du Congo) par la S.C.P. GUIGUET-B...

Vu 1°) la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 20 janvier 1989, par laquelle le président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 alors en vigueur, la requête présentée par M. FILSKOV ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe du secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, les 26 octobre 1987 et 26 février 1988, présentés pour M. Jorgen FILSKOV demeurant à Pointe Noire B.P. 1136 (République Populaire du Congo) par la S.C.P. GUIGUET-BACHELLIER- DE LA VARDE, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
M. FILSKOV demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 19 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Nice ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1977, 1978,1979 et 1980,
2°) de lui accorder la décharge de l'imposition restant en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 69-965 du 24 octobre 1969 autorisant l'approbation de la convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo, ensemble le protocole et l'échange de lettres joints, signés à Brazzaville le 13 novembre 1967 ;
Vu le décret n° 69-1240 du 26 décembre 1969 portant publication de la convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo, ensemble le protocole et l'échange de lettres joints, signés à Brazzaville le 13 novembre 1967 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 17 octobre 1990 :
- le rapport de M. CHANEL, conseiller ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de M. FILSKOV et le recours du ministre chargé du budget sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par une même décision ;
Considérant que, par jugement du 12 juin 1987, le tribunal administratif de Nice a considéré que M. FILSKOV, de nationalité danoise, qui exerçait les fonctions de président directeur général de la Société Interafricaine des Bois dont le siège social était à Pointe Noire (Congo) et dont le conjoint était administrateur associé de la SA Intercongo, société d'importation de produits alimentaires dont le siège était également à Pointe Noire, devait être regardé comme ayant eu, au cours des années 1977 à 1980 au titre desquelles il a été assujetti à un complément d'impôt sur le revenu, le centre de ses intérêts vitaux et, par suite, son foyer permanent d'habitation et son domicile, au sens de l'article 2 de la convention susvisée en date du 13 novembre 1967 alors en vigueur entre la France et le Congo, au Congo et qu'ainsi seuls étaient imposables en France les revenus de M. FILSKOV dont l'imposition n'était pas réservée au Congo en application des stipulations de cette convention ; que M. FILSKOV conteste ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande afférente aux revenus d'origine indéterminée sur lesquels il a été taxé d'office au titre des années 1977 à 1980 ; que le ministre chargé du budget, qui ne conteste toutefois pas que le domicile du contribuable était au Congo, fait appel du jugement en ce qu'il a prononcé la décharge de l'imposition litigieuse correspondant à la taxation, par voie d'évaluation d'office, de revenus commerciaux qu'aurait réalisés Mme FILSKOV en 1977, 1978 et 1979, dans le cadre d'une activité d'intermédiaire à l'occasion des achats effectués en France par la société Intercongo ;
Sur le recours du ministre chargé du budget :
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la convention franco-congolaise susvisée du 13 novembre 1967 alors en vigueur : "1 - les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. 2 - lorsqu'une entreprise possède des établissements stables dans les deux Etats contractants, chacun d'eux ne peut imposer que le revenu provenant de l'activité des établissements stables situés sur son territoire" ; qu'aux termes de l'article 25 de ladite convention "les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat contractant du domicile fiscal du bénéficiaire à moins que ces revenus ne se rattachent à l'activité d'un établissement stable que ce bénéficiaire posséderait dans l'autre Etat contractant" ; et qu'aux termes de l'article 3 de cette même convention "le terme "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires ou une entreprise exerce tout ou partie de son activité" ;

Considérant que si Mme FILSKOV a déclaré aux services des douanes le 4 juin 1981 qu'elle profitait de ses séjours en France où elle résidait environ la moitié de l'année pour négocier des achats pour le compte de la société Intercongo, la circonstance que le papier à en-tête de la société, dont Mme FILSKOV était administrateur et M. FILSKOV le président directeur général, mentionnait le nom de X... comme correspondant en France avec indication de l'adresse de la résidence que le contribuable possédait à Mougins (Alpes-Maritimes), d'un numéro de téléphone et d'un numéro de télex, ne suffit pas à établir, dans les circonstances de l'espèce, que cette résidence aurait constitué une installation fixe d'affaires au service de l'intéressée elle-même au sens des stipulations de l'article 3 précitées ; qu'au demeurant, les aveux susdécrits ne démontrent pas par eux-mêmes que les revenus que Mme FILSKOV a retirés de l'activité d'intermédiaire qu'elle exerçait pour son propre compte en marge de la société Intercongo se rattachent à la seule activité de l'installation fixe d'affaires au sens des stipulations de l'article 3 précitées, qu'aurait constituée, ainsi que le soutient le ministre, la résidence de Mougins ; qu'ainsi l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve dont la charge lui incombe que les bénéfices litigieux provenaient de l'exercice d'une activité dont les résultats devaient, par application de la convention internationale en cause, être soumis à l'impôt sur le revenu en France ; que, dès lors, le ministre délégué chargé du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge du complément d'impôt correspondant aux revenus commerciaux afférents à cette activité auquel M. FILSKOV a été assujetti au titre des années 1977, 1978 et 1979 ;
Sur la requête de M. FILSKOV :
Considérant qu'aux termes de l'article 176 du code général des impôts, applicable à l'imposition contestée : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration ... peut ** demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration ... Les demandes ... de justifications doivent indiquer expressément les points sur lesquels elles portent et assigner au contribuable, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur à trente jours ..." ; que, selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 179 alors applicable, si le contribuable s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications, l'administration peut taxer d'office l'intéressé à l'impôt sur le revenu, sous réserve des règles propres à certaines catégories de revenus ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, aucune stipulation de la convention franco-congolaise du 13 novembre 1967, alors applicable, ne faisait obstacle à ce que pussent être taxés des revenus de source française d'origine indéterminée ;

Considérant que le ministre soutient, d'une part, que la seule existence d'importantes rentrées de fonds constatées sur les comptes bancaires de M. et Mme X... en France constituait un élément permettant d'établir que les intéressés pouvaient avoir disposé de revenus de source française plus importants que ceux qui avaient fait l'objet de la déclaration de revenu global du foyer fiscal au titre des années 1977 à 1980, et, d'autre part, que cet élément était conforté par les informations dont elle disposait sur les commissions non déclarées perçues par Mme FILSKOV de la société SUCAB ; qu'à supposer que de telles rentrées puissent être regardées comme traduisant un déséquilibre entre les ressources connues et les disponibilités engagées du foyer fiscal, cette double circonstance ne permet pas à l'administration de soutenir valablement qu'elle avait réuni des éléments suffisants, au sens des dispositions précitées de l'article 176 du code général des impôts, pour être en droit d'adresser au contribuable une demande de justifications, dès lors que le ministre ne fait état d'aucune activité déployée par les membres du foyer fiscal de nature à laisser présumer l'existence de revenus de source française, autres que ceux correspondant aux commissions versées par la société SUCAB à Mme FILSKOV qui, imposés au titre des bénéfices industriels et commerciaux, ont fait l'objet d'une décision de décharge par le tribunal administratif et dont, au demeurant, il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'ils se rattachent à l'activité, exclusive ou non, d'une installation fixe d'affaires en France ; que, par suite, la demande de justification ne pouvant être regardée comme ayant été régulièrement adressée au contribuable, celui-ci fait valoir à bon droit que la procédure d'imposition par voie de taxation d'office est irrégulière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. FILSKOV est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu correspondant aux revenus d'origine indéterminée auquel il a été assujetti au titre des années 1977 à 1980 ;
Article 1er : M. FILSKOV est déchargé du complément d'impôt sur le revenu restant en litige auquel il a été assujetti au titre des années 1977 à 1980.
Article 2 : Le recours du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget est rejeté.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 19 juin 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89LY00540;89LY01375
Date de la décision : 11/07/1990
Sens de l'arrêt : Réformation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-02,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ART. 176 ET 179 DU CGI, REPRIS AUX ARTICLES L.16 ET L.69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES) -Résident étranger (1).

19-04-01-02-05-02-02 En se bornant à invoquer les importantes rentrées d'argent constatées sur les comptes bancaires d'un résident étranger et en ne faisant état d'aucune activité déployée par celui-ci de nature à laisser présumer l'existence de revenus de source française autres que ceux correspondant à des commissions imposées au titre des bénéfices industriels et commerciaux, l'administration ne peut être regardée comme ayant réuni des éléments suffisants, au sens de l'article 176 alors applicable du CGI, pour être en droit d'adresser au contribuable une demande de justifications.


Références :

CGI 176, 179

Cf. CE, 1985-12-04, n° 43383, RJF 1986 p. 1


Composition du Tribunal
Président : M. Bonifait
Rapporteur ?: M. Chanel
Rapporteur public ?: Mme Haelvoet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1990-07-11;89ly00540 ?
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