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19/07/1990 | FRANCE | N°89LY00376

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 19 juillet 1990, 89LY00376


Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 20 janvier 1989, par laquelle le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 alors en vigueur, le recours présenté par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer ;
Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 février 1988, présenté par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer ;> Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 dé...

Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 20 janvier 1989, par laquelle le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 alors en vigueur, le recours présenté par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer ;
Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 février 1988, présenté par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser les sommes de 6 387,02 francs et de 220 795,16 francs à la caisse primaire d'assurance maladie de HAUTE-SAVOIE en remboursement du tiers de ses débours suite à l'accident de circulation dont M. Thierry Y... a été victime le 6 mai 1983 alors qu'il circulait à motocyclette sur la route nationale 201, sur le territoire de la commune de PRINGY (Haute-Savoie), subordonné le paiement desdites sommes à la subrogation de l'Etat à l'encontre de M. Y... et la société lilloise d'assurances et de réassurances, condamné l'Etat à garantir M. Y... et la société précitée des conséquences dommageables de l'accident pour Mme X... et sa fille, Karen, telles que fixées par la décision du 7 janvier 1987 de la cour d'appel de Chambéry, à concurrence des paiements qu'ils auront effectivement faits des sommes de 66 666 francs, 807 147,46 francs, 16 666 francs et 33 333 francs ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... et par la société lilloise d'assurances et de réassurances devant le tribunal administratif de Grenoble, subsidiairement de réduire le montant des condamnations mises à la charge de l'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 27 juin 1990 :
- le rapport de M. CHANEL, conseiller ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, le 6 mai 1983, à PRINGY (Haute-Savoie), M. Y... qui roulait à motocyclette avec une passagère, Mme X..., sur la route nationale n° 201, a quitté la chaussée dans un virage ; qu'à la suite de cet accident au cours duquel Mme X... a été grièvement blessée, M. Y... et son assureur, la société lilloise d'assurances et de réassurances, ont été condamnés, par un arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 7 janvier 1987 qui a reconnu l'entière responsabilité du conducteur, à payer à la victime, les sommes, au titre de son préjudice corporel et matériel, de 867 035,14 francs en sus d'une provision d'un million de francs et les sommes de 50 000 francs au titre du préjudice moral subi par sa fille mineure et de 10 000 francs au titre des frais exposés ; que par jugement en date du 11 décembre 1987, le tribunal administratif de Grenoble a déclaré l'Etat responsable du tiers des conséquences dommageables de l'accident, l'a condamné à payer à la caisse primaire d'assurances maladie de la Haute-Savoie les sommes de 6 387,02 francs et 220 795,16 francs, a subordonné le paiement desdites sommes à la subrogation au profit de l'Etat à l'encontre de M. Y... et de son assureur et a décidé que ces derniers seraient relevés et garantis des condamnations prononcées à leur encontre par la cour d'appel, à concurrence des paiements effectués des sommes de 66 666 francs et de 807 147,46 francs au titre du préjudice subi par Mme X... et de la somme de 16 666 francs au titre du préjudice subi par sa fille ; que le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer fait appel de ce jugement en soutenant que la part de responsabilité mise à la charge de l'Etat est excessive et que le montant des condamnations prononcées à son encontre devrait être réduit ; que, par la voie de l'appel incident, M. Y... et la société lilloise d'assurances et de réassurances demandent que l'Etat soit condamné à les garantir en totalité des indemnités dues à la victime et, à titre subsidiaire, que soit minorée la part de responsabilité laissée à leur charge ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'au lieu de l'accident, survenu vers 23 heures, la route avait fait l'objet de travaux ayant consisté à en modifier le tracé et notamment à substituer un virage à l'ancien tracé en ligne droite ; qu'une balise phosphorescente correspondant à celui-ci avait cependant été maintenue et se trouvait ainsi à trois mètres du bord de la voie contre un mètre environ pour les autres balises ; que cette situation, dont le reste du dispositif de signalisation, notamment le marquage des bandes blanches et les panneaux indicateurs des virages et des risques de dérapage n'était pas propre dans les circonstances de l'espèce à prévenir les dangers, était de nature à induire en erreur les usagers de la route pendant la nuit ; que, dans ces conditions, la route nationale n° 201 présentait, au lieu de l'accident, un défaut d'entretien normal de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant toutefois que cette responsabilité est atténuée par les fautes commises par le conducteur de la motocyclette qui, se maintenant, comme il l'a lui-même déclaré, sur la droite de la chaussée, à environ 70 ou 80 kilomètres à l'heure, en se guidant aux bornes de signalisation, roulait, eu égard de ce que la route était mouillée et de ce qu'il faisait nuit, à une vitesse excessive ; que, dans les circonstances de l'espèce, et alors qu'il n'est pas établi que les bandes blanches situées sur le bord de la chaussée étaient effacées au lieu de l'accident, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation de la part de la responsabilité qui doit être laissée à la charge de l'Etat en limitant la condamnation de celui-ci au tiers de la réparation des conséquences dommageables de l'accident ; que, dès lors, ni le ministre d'une part, ni, par la voie de l'appel incident, M. Y... et la société lilloise d'assurances et de réassurances d'autre part, ne sont fondés à soutenir qu'ils devraient être exonérés de toute responsabilité dans l'accident et que la part qu'a mise à leur charge le tribunal administratif serait excessive ;
Sur le préjudice de Mme X... :
Considérant qu'en évaluant le préjudice de la victime lié à la nécessité d'un logement adapté, aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation, au capital représentatif des frais d'appareillage, à l'incapacité temporaire totale et à la présence d'une tierce personne à mi-temps à respectivement 200 000 francs, 452 011,62 francs, 238 243,69 francs, 53 572,86 francs et 700 000 francs, les premiers juges n'ont pas fait, ce qu'au demeurant ne conteste pas le ministre, une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts désignés en première instance, qu'âgée de 26 ans à la date de consolidation des blessures, Mme X..., dont les séquelles de l'accident obèrent la mobilité, demeure atteinte d'une incapacité permanente partielle de 80 % ; qu'en fixant à 1 040 000 francs le préjudice résultant des troubles de toute nature apportés dans les conditions d'existence de la victime, le tribunal n'a pas fait, contrairement à ce que soutient le ministre, une appréciation excessive de ce chef de préjudice ; qu'en revanche, en retenant un montant de 150 000 francs au titre respectivement des souffrances physiques endurées, du préjudice sexuel, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément, soit 600 000 francs au total, le tribunal s'est livré à une évaluation exagérée de ces chefs de préjudice qui au demeurant sont, en l'espèce, pour les préjudices sexuel et d'agrément, pris en compte dans l'estimation des troubles dans les conditions d'existence ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques et du préjudice esthétique en évaluant le préjudice subi de ce chef par Mme X... à 240 000 francs ; que, contrairement à ce que soutient le ministre appelant, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation excessive du préjudice moral subi par la fille de Mme X... en le chiffrant à 50 000 francs ; que, dès lors, compte tenu du partage de responsabilité et sans qu'il y ait lieu de modifier les droits de la caisse primaire en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'indemnisation des blessures subies par Mme X..., il y a lieu de ramener de 807 147,46 francs à 687 147,46 francs la somme à concurrence de laquelle l'Etat a été condamné à relever et garantir M. Y... et la société lilloise d'assurances et de réassurances des condamnations prononcées à leur encontre par la cour d'appel de Chambéry ;
Article 1er : La somme de 807 147,46 francs, à concurrence de laquelle l'Etat a été condamné à relever et garantir M. Y... et la société lilloise d'assurances et de réassurances des condamnations prononcées à leur encontre par la cour d'appel de Chambéry dans son arrêt du 7 janvier 1987, est ramenée à 687 147,46 francs..
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 11 décembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt..
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer ainsi que le recours incident de M. Y... et de la société lilloise d'assurances et de réassurances sont rejetés..


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 89LY00376
Date de la décision : 19/07/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - CAUSES EXONERATOIRES DE RESPONSABILITE - FAUTE DE LA VICTIME.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: CHANEL
Rapporteur public ?: HAELVOET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1990-07-19;89ly00376 ?
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