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17/10/1990 | FRANCE | N°89LY00271

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 17 octobre 1990, 89LY00271


Vu la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 1988, par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours visé ci-après ;
Vu le recours du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 31 mars 1988 ;
Le ministre demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 16 décembre 1987 par lequel le trib

unal administratif de Grenoble a accordé à la S.A. "Corniche Immobilière" ...

Vu la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 1988, par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours visé ci-après ;
Vu le recours du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 31 mars 1988 ;
Le ministre demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 16 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a accordé à la S.A. "Corniche Immobilière" la décharge des impositions forfaitaires annuelles établies au titre des années 1977 à 1981 ;
2°) de remettre les impositions contestées à la charge de la S.A. "Corniche Immobilière" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-suisse en date du 9 septembre 1966 ratifiée par la loi n° 66-995 du 26 décembre 1966 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 2 octobre 1990 :
- le rapport de M. GAILLETON, conseiller ;
- et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;

Sur les impositions forfaitaires annuelles des années 1977 à 1980 :
Considérant qu'aux termes de l'article 223 septiès du code général des impôts : "Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle ... Cette imposition n'est pas applicable aux organismes sans but lucratif visés à l'article 206-5 ainsi qu'aux personnes morales exonérées de l'impôt sur les sociétés en vertu des articles 207 et 208 ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme "Corniche Immobilière" dont le siège est en Suisse et qui avait jusqu'en 1981 la disposition de terrains situés à Thonon-Les-Bains qu'elle avait acquis de 1975 à 1977 en vue d'y réaliser la construction de villas a, en définitive, procédé à la cession amiable de ces terrains à la commune de Thonon-Les-Bains, qui les avait inclus dans une opération déclarée d'utilité publique ; que l'administration fiscale, après avoir estimé que la société "Corniche Immobilière" était passible de l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions générales de l'article 206 du code général des impôts s'est finalement fondée, en première instance, sur les dispositions de l'article 209-A alors en vigueur, qui instituait un régime spécial d'imposition pour les personnes morales dont le siège était situé hors de France et qui avaient, la disposition d'une ou plusieurs propriétés immobilières en France, pour justifier par voie de conséquence les impositions forfaitaires annuelles visées à l'article 223 septiès précité et assignées à ladite société au titre des années litigieuses ; que le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu à statuer au titre de l'année 1976 à la suite du dégrèvement prononcé pour cette année par l'administration, a accordé la décharge des impositions restant en litige en considérant que le régime spécifique instauré par l'article 209-A précité, seul effectivement applicable en l'espèce, était exclusif de l'application de l'imposition forfaitaire annuelle ;
Considérant que, sous réserve des exceptions qu'il prévoit, l'article 223 septiès assujettit à l'imposition forfaitaire annuelle l'ensemble des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les différents régimes ou modalités d'imposition ; que le ministre est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a exclu du champ d'application dudit article les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés sur le fondement de l'article 209-A et a accordé pour ce motif la décharge des impositions forfaitaires annuelles ;
Mais, considérant que la société anonyme "Corniche Immobilière" a son siège en Suisse, Etat lié à la France par une convention bilatérale en date du 9 septembre 1966 ratifiée par la loi n° 66-995 du 26 décembre 1966 ; qu'il appartient au juge d'examiner d'office si les dispositions de l'article 209-A du code général des impôts sont compatibles avec les dispositions de ladite convention ;

Considérant que les stipulations de l'article 26 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, prévoient que "les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation" ;
Considérant que les modalités particulières d'imposition prévues à l'article 209-A du code précité peuvent conduire à une imposition plus lourde que celle qui serait exigée d'une société française ayant les mêmes résultats ; que dès lors l'article 26 de la convention précitée fait obstacle à l'application en l'espèce des dispositions de l'article 209-A du code général des impôts ;
Considérant que s'il est exact, comme le soutient le ministre, que la convention précitée prévoit au 1 de son article 6 que "les revenus provenant de biens immobiliers sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés", il est constant que la société "Corniche Immobilière" n'a, au cours des années 1977 à 1980, perçu aucun revenu des terrains qu'elle possédait en France ;
Considérant enfin que les autres moyens avancés par le ministre à l'appui de son recours doivent, de même être examinés d'office à la lumière des dispositions de la convention précitée ; qu'aux termes de son article 7 : "Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement ..." ; qu'aux termes de son article 5 : "1) Au sens de la présente convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) L'expression "établissement stable" com-prend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau ; d) une usine ; e) un ate-lier ; f) une mine, une carrière, ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ; g) un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois ..." ; que les terrains que la société "Corniche Immobilière" possédait à l'époque à Thonon-Les-Bains ne peuvent en eux-mêmes être regardés comme un "établissement stable" au sens des dispositions précitées ; qu'il s'ensuit qu'aucune disposition de la convention franco-suisse n'autorisait l'administration à regarder la société "Corniche Immobilière" comme étant passible de l'impôt sur les sociétés en France au titre des années 1977 à 1980 et à lui réclamer, par voie de conséquence au titre de cette période, les impositions forfaitaires annuelles prévues par l'article 223 septiès précité du code général des impôts ;
Sur l'imposition forfaitaire annuelle de l'année 1981 :

Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la convention franco-suisse précitée : "1) Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers tels qu'ils sont définis à l'alinéa 1er du paragraphe 2 de l'article 6 sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés ..." ; qu'aux termes de l'article 206-1 du code général des impôts : " ... sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes ..." ; qu'il résulte des stipulations de la convention, combinées avec les dispositions de l'article 206-1 du code applicables quelle que soit la nationalité de la personne morale, que les gains résultant de l'aliénation par une société anonyme résidant en Suisse de biens immobiliers situés en France sont passibles de l'impôt sur les sociétés alors même que la société ne dispose d'aucun établissement en France ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme "Corniche Immobilière" a, en 1981, réalisé une plus-value à l'occasion de la cession des terrains situés à Thonon-Les-Bains ; qu'en vertu des dispositions précitées, elle était dès lors passible de l'impôt sur les sociétés à raison de la plus-value ainsi réalisée ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit qu'elle a été assujettie en 1981 à l'imposition forfaitaire annuelle prévue à l'article 223 septiès précité du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif à prononcé la décharge de l'imposition forfaitaire annuelle assignée à la société anonyme "Corniche Immobilière" au titre de l'année 1981 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société "Corniche Immobilière" devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant que le défaut de paiement de l'imposition forfaitaire annuelle ne présente pas le caractère d'une insuffisance, d'une inexactitude, d'une omission ou d'une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de l'impôt, au sens des dispositions de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts alors en vigueur ; que dès lors la mise en recouvrement de l'imposition à la suite d'un défaut de paiement n'est pas subordonnée à la notification préalable d'un redressement dans les conditions et formes prévues par cet article ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutenait la société en première instance, l'imposition forfaitaire, au titre de l'année 1981, ne lui a pas été assignée au terme d'une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge de l'imposition forfaitaire annuelle assignée à la société "Corniche Immobilière" au titre de l'année 1981 ; qu'il n'est en revanche pas fondé à se plaindre de ce que par le même jugement le tribunal administratif a prononcé la décharge de cette imposition au titre des années 1977 à 1980 ;
Article 1er : L'imposition forfaitaire annuel- le à laquelle la S.A. "Corniche Immobilière" a été assujettie au titre de l'année 1981 est remise à sa charge.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 16 décembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 89LY00271
Date de la décision : 17/10/1990
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-01-05 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES


Références :

CGI 206, 209, 223, 206 par. 1, 1649 quinquies A
Loi 66-995 du 26 décembre 1966


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: GAILLETON
Rapporteur public ?: RICHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1990-10-17;89ly00271 ?
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