Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 décembre 1989, présentée pour M. Frédéric Z... demeurant le Boulon à 69640 Denice, par la SCP Brumm, Giudicelli, Vuillard, Amiet, Joly, avocats ;
M. Z... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable de l'agression dont il a été victime le 25 novembre 1987 à la caserne Sergent Y... à Lyon ;
2°) de déclarer l'Etat entièrement responsable des conséquences dommageables de ladite agression, de désigner un expert à l'effet de déterminer l'importance de son préjudice et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité provisionnelle de 10 000 francs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du service national ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 6 novembre 1990 :
- le rapport de Mme Lemoyne de Forges, conseiller ;
- et les conclusions de M. Jouguelet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le 25 novembre 1987, M. Z... qui accomplissait alors ses obligations militaires auprès du groupement des moyens régionaux n° 5 du 22ème régiment d'infanterie, caserne Sergent Y... à Lyon, a eu le nez fracturé à la suite d'une altercation, dans la soirée, avec un autre appelé ; qu'il demande que l'Etat soit condamné à réparer le dommage ainsi subi ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article L.62, dernier alinéa, du code du service national : "Les dispositions des articles 20 et 21 du statut général des militaires ne font pas obstacle à ce que les jeunes gens accomplissant les obligations du service militaire, victimes de dommages corporels subis dans le service ou à l'occasion du service, puissent, ainsi que leurs ayants-droit, obtenir de l'Etat, lorsque sa responsabilité est engagée, une réparation complémentaire destinée à assurer l'indemnisation intégrale du dommage subi, calculée selon les règles de droit commun" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les appelés du contingent effectuant leur service militaire qui subissent, dans l'accomplissement de leurs obligations, un préjudice corporel, sont fondés, en l'absence même de toute faute de la collectivité publique, à en obtenir réparation, sans que le forfait de la pension leur soit opposable ;
Considérant que l'altercation qui a opposé M. Z... et M. X... s'est déroulée vers 20h 30 à la caserne Sergent-Blandan et qu'elle est donc intervenue aux lieu et temps du service ; que par ailleurs, la blessure de M. Z... n'est pas directement imputable à un fait personnel de l'intéressé qui puisse être regardé comme détachable du service ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête, l'Etat doit être déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu à M. Z... dans les locaux de la caserne Sergent-Blandan à Lyon ; que par suite M. Z... est fondé à demander l'annulation du jugement du 9 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à voir engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'état du dossier ne permet pas d'évaluer le préjudice subi par M. Z... ; qu'il y a lieu d'ordonner une expertise médicale aux fins de déterminer l'étendue de son préjudice corporel ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnité provisionnelle :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. Z... une indemnité provisionnelle ;
Article 1er : Le jugement en date du 9 novembre 1989 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : L'Etat est déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables des blessures subies par M. Z... le 25 novembre 1987 dans les locaux de la caserne Sergent Y... à Lyon.
Article 3 : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité de M. Z..., procédé par un expert désigné par le président de la cour à une expertise en vue de fixer la date de consolidation des blessures, la durée de l'incapacité temporaire totale, le taux de l'incapacité permanente partielle, le préjudice esthétique, les souffrances physiques, le préjudice d'agrément et de décrire les troubles dans les conditions d'existence résultant desdites blessures.
Article 4 : L'expert prêtera serment par écrit ; le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour en cinq exemplaires dans le délai de deux mois suivant la prestation de serment.
Article 5 : Les conclusions de la requête de M. Z... tendant à l'allocation d'une indemnité provisionnelle sont rejetées.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.