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10/12/1990 | FRANCE | N°89LY01651

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 10 décembre 1990, 89LY01651


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 juillet et 14 septembre 1989 au greffe de la cour présentée pour Mme Janine A... demeurant Résidence du Parc Olbius Riquier à Hyères (83400) par Me Charles Z..., avocat aux Conseils ;
Mme A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juin 1989 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice né du refus du concours de la force publique requise pour l'exécution de l'ordonnance en date du 6 juillet 1981 relative à l'expulsion de M. Y... et de Mlle

X... d'un appartement sis ... ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 juillet et 14 septembre 1989 au greffe de la cour présentée pour Mme Janine A... demeurant Résidence du Parc Olbius Riquier à Hyères (83400) par Me Charles Z..., avocat aux Conseils ;
Mme A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juin 1989 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice né du refus du concours de la force publique requise pour l'exécution de l'ordonnance en date du 6 juillet 1981 relative à l'expulsion de M. Y... et de Mlle X... d'un appartement sis ... ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 francs avec intérêts de droit à compter du 4 octobre 1985 et capitalisation des intérêts par année échue ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 21 novembre 1990 :
- le rapport de Mme du GRANRUT, conseiller ;
- et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande présentée au tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 applicable en l'espèce : "Sauf en matière de travaux publics la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision ... Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet ..."
Considérant que, faisant application de ces dispositions, le tribunal administratif de Nice a déclaré irrecevable pour défaut de décision préalable la demande de M. A... tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser des conséquences dommageables d'un refus de concours de la force publique ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir reçu du greffe notification de la demande contentieuse de M. A..., le préfet des ALPES-MARITIMES a, par deux fois, et en se référant à cette demande, invité l'avocat de celui-ci à lui adresser des précisions sur les éléments du préjudice afin de procéder au calcul de l'offre d'indemnité qu' était susceptible de lui faire l'administration ; que du fait des correspondances susmentionnées, le préfet des APLES-MARITIMES a admis qu'il était saisi d'une réclamation sur laquelle il lui incombait de statuer ; que, dans ces conditions, l'absence de décision expresse de l'autorité compétente avant l'expiration d'un délai de quatre mois a fait naître une décision implicite de rejet qui, intervenant en cours d'instance, a eu pour effet de lier le contentieux ; qu'il s'ensuit qu'alors même qu'aucune décision n'avait été prise sur la contestation soulevée par M. A... préalablement au dépôt de sa demande, Mme A... qui vient aux droits de son époux décédé est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de NICE a déclaré ladite demande irrecevable ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice ;
Sur la responsabilité :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par ordonnance du 6 juillet 1981 , M. A... a été autorisé à procéder à l'expulsion des locataires de l'appartement dont il était propriétaire au ... ; que malgré une première réquisition en date du 31 août 1981, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui prêter le concours de la force publique pour assurer l'exécution de cette ordonnance ; qu'en l'absence de circonstances particulières, et compte tenu du délai dont disposait l'administration pour instruire la demande qui lui était soumise, ce refus a été constitutif, à compter du 31 octobre 1981, d'une faute lourde qui engage la responsabilité de l'Etat ;
Sur le préjudice :
- S'agissant des pertes de loyers :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les locataires de M. A... n'ont pas acquitté le montant de leur loyer et de leurs charges s'élevant mensuellement à la somme de 1 046,25 francs entre le 1er avril 1983 et le 30 avril 1984 date où ils ont quitté les lieux ; que l'indemnité à laquelle Mme A... peut prétendre à ce titre doit être fixée à la somme de 13 601,25 francs ;
- S'agissant des frais de procédure :
Considérant que la requérante ne peut prétendre au remboursement des frais de procédure qui n'ont pas été rendus nécessaires par le refus de concours de la force publique qui a été opposé à M. A... ; que l'indemnité qui lui est due à ce titre doit en conséquence être limitée à la somme de 138,53 francs correspondant au coût du procès verbal d'itérative réquisition que celui-ci a fait établir par huissier le 5 mars 1982 ;
- S'agissant des autres frais :
Considérant, d'une part, que l'Etat n'est pas tenu de réparer les préjudices résultant de faits antérieurs au 31 octobre 1981 ; qu'il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à réclamer le remboursement d'une taxe d'enlèvement d'ordures ménagères, d'honoraires d'huissier et d'un reliquat de charges dus avant cette date ;
Considérant, d'autre part, que les frais exposés au cours de la période de responsabilité de l'Etat ne peuvent donner lieu à indemnité que si leur matérialité est établie ; que tel n'est pas le cas, parmi les frais dont fait état la requérante, des honoraires s'élevant à 1 185 francs, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères de 1982 et 1983 et de soldes débiteurs de charges arrêtés aux 30 juin 1982 et 30 juin 1983 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité à laquelle a droit Mme A... doit être fixée à la somme de 13 739,78 francs ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
Considérant que Mme A... a droit aux intérêts de la somme susmentionnée ; qu'elle demande que leur point de départ soit fixé au 4 octobre 1985, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ; qu'il y a lieu en conséquence de condamner l'Etat à les lui payer à compter de cette date ;
Considérant que Mme A... a demandé la capitalisation des intérêts pour la première fois le 21 juillet 1989 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil de faire droit à cette demande ; qu'en revanche, lors de la seconde demande de capitalisation formulée par la requérante le 14 septembre 1989 il n'était pas dû, depuis la précédente capitalisation, une année d'intérêts ; qu'il y a donc lieu de rejeter ses conclusions sur ce point ;
Considérant enfin que la requérante ne peut prétendre à la capitalisation des intérêts échus au cours d'années postérieures à ses demandes ci-dessus évoquées ; que ses conclusions présentées à cette fin doivent, en conséquence, être rejetées ;

Considérant que le paiement de l'indemnité due par l'Etat à Mme A... doit être subordonné à la condition que cette dernière subroge l'Etat dans les droits qu'elle pourrait faire valoir contre M. Y... et Mlle X... pour obtenir réparation du préjudice que lui a causé le défaut de paiement de leur loyer et de leurs charges entre le 1er avril 1983 et le 30 avril 1984 ainsi que des frais du procès d'itérative réquisition du 5 mars 1982 ;
Article 1er : Le jugement en date du 9 juin 1989 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à Mme A... une somme de 13 739,78 francs majorée des intérêts de droit à compter du 4 octobre 1985. Les intérêts échus le 21 juillet 1989 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat est subrogé à concurrence des sommes ainsi versées dans les droits de Mme A... contre M. Y... et Mlle X....
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 89LY01651
Date de la décision : 10/12/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-03-01-03 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - EXECUTION DES DECISIONS DE JUSTICE


Références :

Code civil 1154
Décret 65-29 du 11 janvier 1965 art. 1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: du GRANRUT
Rapporteur public ?: RICHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1990-12-10;89ly01651 ?
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