Vu l'ordonnance du 30 janvier 1989 par laquelle le président de la 6ème sous-section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier de la requête ci-après visée à la cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu la requête enregistrée au secrétariat du Conseil d'Etat le 6 septembre 1988, présentée pour l'association syndicale de dessèchement des marais d'ARLES, dont le siège est situé ..., par Me Jacques Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
L'association demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 mai 1988 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser la somme de 122 947 francs à M. André X..., en réparation du préjudice à lui causé entre 1975 et 1981 du fait de l'inondation périodique de ses terres par des eaux provenant du canal dit "le Chalavert" ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 31 juillet 1851 ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 19 février 1991 :
- le rapport de M. Y..., président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. CHAVRIER, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association syndicale de dessèchement des marais d'ARLES a reçu le 19 juillet 1988 notification du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 25 mai 1988 ; qu'ainsi, sa requête dirigée contre ledit jugement, qui a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 septembre 1988, soit avant l'expiration du délai d'appel de deux mois, est recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si, dans sa requête introductive, l'association syndicale de dessèchement des marais d'ARLES soutient que le jugement attaqué aurait été rendu selon une procédure irrégulière, elle n'apporte à l'appui d'un tel moyen, aucune précision susceptible de permettre au juge d'appel d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il y a lieu, dès lors, de le rejeter ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'en vertu des dispositions du décret susvisé du 31 juillet 1851, l'association syndicale de dessèchement des marais d'ARLES a une mission de surveillance et d'entretien des canaux et ouvrages destinés à assurer le dessèchement des terres ; qu'elle est tenue notamment, à ce titre, à la fois de veiller à ce que l'action des propriétaires ne porte pas atteinte à la conservation et à l'efficacité des ouvrages d'évacuation et de réaliser les travaux nécessités par l'évolution des conditions hydrologiques ; qu'il n'est pas contesté que les berges du canal qui longe la propriété de M. X... ont été détériorées par des coupures pratiquées par des riverains pour inonder leurs terres ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que si l'association syndicale a régulièrement effectué des travaux de faucardement du canal, elle n'a pas réalisé avant 1983, soit après la période litigieuse, les travaux de curage et d'endiguement qui auraient été nécessaires à l'évacuation dans de bonnes conditions des eaux de plus en plus importantes affectant le bassin versant de Meyrenne ; qu'il suit de là que c'est à bon droit, qu'en raison des fautes ainsi commises, dans la surveillance et l'entretien des ouvrages, les premiers juges ont déclaré l'association responsable à l'égard de M. X... des inondations qui se sont produites sur sa propriété pendant la période comprise entre 1975 et 1981 ;
Considérant, toutefois, que pour s'exonérer de sa responsabilité, l'association requérante invoque à titre subsidiaire à la fois les coupures et prises d'eau pratiquées par M. X... lui-même et le fait, relevé par l'intéressé, que les eaux déversées sur son terrain provenaient également des terres voisines que leur propriétaire noyait périodiquement pour y maintenir du gibier d'eau ; que M. X..., qui n'avait déjà pas répliqué en première instance à de telles assertions, n'a pas cru devoir produire de mémoire en défense devant la cour malgré la mise en demeure qui lui a été adressée ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant acquiescé auxdites allégations ; que les faits ainsi établis sont constitutifs de fautes de nature à atténuer la responsabilité de l'association ; qu'il en sera fait une juste appréciation en condamnant cette dernière à indemniser M. X... de la moitié des conséquences dommageables des inondations litigieuses ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association syndicale de dessèchement des marais d'ARLES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à réparer la totalité du préjudice subi par M. X... ;
Sur le préjudice et sa réparation :
Considérant, en premier lieu que, contrairement à ce que soutient l'association requérante, le préjudice résultant pour M. X... des pertes de revenus entrainées par l'impossibilité de louer ses terres pendant les années 1975 à 1980 et une partie de l'année 1981 est établi par les pièces du dossier ; qu'en se fondant sur l'évaluation proposée par l'expert désigné en référé et qui s'élève à 42 451 francs, le tribunal n'en a pas fait une excessive appréciation ;
Considérant, en second lieu, que le coût des travaux exceptionnels engagés par M. X... au cours de cette période en vue de se prémunir contre les inondations doit être évalué à la date de leur réalisation et non pas actualisé à une date postérieure ; qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu des sommes déduites par l'expert comme correspondant à des travaux non strictement nécessaires, le montant doit ainsi en être estimé à la somme de 44 077 francs ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice total de M. X... s'élève à 86 528 francs, dont la moitié, soit 43 264 francs doit être mise à la charge de l'association syndicale de dessèchement des marais d'ARLES ;
Article 1er : La somme de 122 947 francs, que l'association syndicale de dessèchement des marais d'ARLES a été condamnée à verser à M. X... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 mai 1988 est ramenée à 43 264 francs.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 Mai 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.