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20/06/1991 | FRANCE | N°89LY01333

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 20 juin 1991, 89LY01333


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 3 avril 1989, la requête présentée par M. Jacques Chancel, demeurant ... ;
M. Chancel demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 20 décembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Marseille ne lui a accordé qu'une décharge partielle des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1979 et 1980 et du complément de T.V.A mis à la charge de la société de fait qu'il constituait avec M. Y... au titre de la période du 1er janvier 1979 au 31 mars 1980 ;
2°) de prononcer la rédu

ction de ce complément de T.V.A et la décharge de ces compléments d'impôt sur ...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 3 avril 1989, la requête présentée par M. Jacques Chancel, demeurant ... ;
M. Chancel demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 20 décembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Marseille ne lui a accordé qu'une décharge partielle des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1979 et 1980 et du complément de T.V.A mis à la charge de la société de fait qu'il constituait avec M. Y... au titre de la période du 1er janvier 1979 au 31 mars 1980 ;
2°) de prononcer la réduction de ce complément de T.V.A et la décharge de ces compléments d'impôt sur le revenu ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 1991 :
- le rapport de M. GAILLETON, conseiller ; - les observations de Me TESNIERE, avocat de M. Jacques X... ; - et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant, en premier lieu, qu'à la suite des investigations effectuées en décembre 1982 par la brigade de contrôle et de recherches des Hautes-Alpes, tant au domicile de M. Y... que dans les locaux du bar-discothèque appartenant à la société "Relay de l'Okulus" dont M. Y... était à l'époque le gérant, des procès-verbaux ont constaté, notamment pour la période d'imposition du 1er janvier 1979 au 31 mars 1980 litigieuse au cours de laquelle le fond était exploité en gérance libre par la société constituée en fait entre MM. Y... et X..., des livraisons de boissons alcoolisées sans factures et sans titres de mouvement qui ont donné lieu, en ce qui concerne les infractions à l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945, à une proposition de transaction acceptée par M. Y... et, en ce qui concerne les infractions à la législation des contributions indirectes, à une condamnation pénale de M. Y... confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 5 juin 1987 ; que, dès lors, les moyens tirés tant de l'irrégularité de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Gap en date du 20 décembre 1982 autorisant la perquisition dans les locaux d'habitation, que du détournement de procédure dont procéderait la saisine de documents et carnets retraçant la comptabilité occulte découverte à cette occasion, ne sauraient, en tout état de cause, être accueillis ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 302 ter du code général des impôts : "1. Le chiffre d'affaires et le bénéfice imposables sont fixés forfaitairement en ce qui concerne les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 500.000 francs s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place... 1 bis Le régime d'imposition forfaitaire du chiffre d'affaires et du bénéfice demeure applicable pour l'établissement de l'imposition due au titre de la première année au cours de laquelle les chiffres d'affaires limites prévus pour ce régime sont dépassés..." ; qu'aux termes de l'article 111 sexies de l'annexe III au même code : "Pour l'application du régime d'imposition forfaitaire de bénéfice et de chiffre d'affaires aux entreprises nouvelles et aux entreprises qui cessent leur activité en cours d'année, les chiffres annuels... sont ajustés au prorata du temps d'exploitation de l'entreprise pendant ladite année" ; que la société de fait ayant déclaré avoir réalisé au cours de 1978, première année de son activité, un chiffre d'affaires qui, ajusté au prorata du temps d'exploitation, excède la limite fixée par le 1 de l'article 302 ter précité du code général des impôts, M. Chancel ne peut prétendre que la société de fait pouvait légalement bénéficier, sur le fondement des dispositions du 1 bis du même article, du régime du forfait pour l'année 1979 ; que, si pour soutenir qu'il doit en être autrement, M. Chancel se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, d'une interprétation de la loi fiscale qui aurait été donnée par l'administration et qui lui serait favorable, il n'apporte pas, à l'appui de ces prétentions sur ce point, de précisions suffisantes pour permettre au juge de l'impôt de se prononcer ; que c'est, par suite, à bon droit, qu'en l'absence de souscription des déclarations propres à un régime réel d'imposition, le bénéfice et le chiffre d'affaires de la société de fait ont fait l'objet, pour l'année 1979, respectivement d'une évaluation et d'une taxation d'office, conformément aux dispositions des articles L 73 et L 66-3e du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L 75 du livre des procédures fiscales alors applicable : "Les bénéfices ou les éléments qui servent au calcul des taxes sur le chiffre d'affaires déclarés par les contribuables peuvent être rectifiés d'office dans les cas suivants : a) En cas de défaut de présentation de la comptabilité ou des documents en tenant lieu ; b) Lorsque des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées sont constatées dans la comptabilisation des opérations effectuées par les contribuables ; c) Lorsque l'absence des pièces justificatives prive la comptabilité ou les documents en tenant lieu de toute valeur probante" ; qu'il résulte de l'instruction que la société de fait a procédé, au cours de la période litigieuse, à des achats sans factures et a comptabilisé globalement ses recettes journalières sans les appuyer des pièces justificatives de leur détail ; que ces circonstances suffisent à priver la comptabilité de toute valeur probante ; que dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'examiner le mérite des autres griefs invoqués à l'encontre de la comptabilité, l'administration était en droit, comme elle l'a fait, de rectifier d'office le chiffre d'affaires, et les résultats déclarés par la société de fait au titre de l'année 1980 ;
Considérant qu'il appartient au contribuable, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition fixées d'office ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la détermination du chiffre d'affaires et des résultats de la société de fait :
Considérant, en premier lieu, que pour reconstituer le chiffre d'affaires imposable réalisé par la société de fait au cours de la période litigieuse, le vérificateur a retenu les recettes mentionnées, pour cette période, dans les agendas saisis lors de la perquisition de la brigade de contrôle et de recherches ; qu'eu égard aux liens qui unissent les associés d'une société de fait, la comptabilité ainsi tenue par M. Y... dont l'existence, constatée par l'autorité judiciaire, a motivé la condamnation de ce dernier pour fraude fiscale par arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 27 avril 1990, est opposable à M. Chancel, alors même qu'il l'aurait à l'époque ignorée et que l'administration n'a produit devant le juge de l'impôt que des photocopies d'extraits des documents saisis ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'ordonner, comme le demande en appel le requérant, la production desdits documents ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des photocopies d'extraits des documents litigieux produits par l'administration, que, compte tenu des indications qu'ils comportent, telles que les mentions "réel" et "déclaré" figurant en tête des colonnes de recettes respectives, ces agendas ne peuvent être regardés, contrairement à ce que soutient le requérant, comme ayant été établis par son associé aux seules fins de tromper un éventuel acquéreur du fond, qui d'ailleurs à l'époque n'appartenait pas à la société de fait, sur la réalité du chiffre d'affaires de l'entreprise, mais constituent la comptabilisation occulte des recettes effectivement réalisées dans l'exploitation du bar-discothèque ; que, par suite, l'étude faite par un cabinet d'expertise comptable à la demande de M. Chancel n'est pas de nature à établir que le chiffre d'affaires réalisé serait inférieur aux recettes figurant dans la comptabilité occulte de la société de fait ;
Considérant, en troisième lieu, que le vérificateur a évalué le montant des bénéfices réalisés par l'entreprise au titre de chacune des années concernées en retranchant des recettes déterminées comme il a été dit ci-dessus, d'une part, les achats effectués, reconstitués en divisant lesdites recettes par un coefficient de 6,80 et, d'autre part, la partie reconnue déductible des charges comptabilisées par la société de fait ; que la reconstitution proposée par M. Chancel, qui se borne à tenir compte des seuls achats sans facture dont il admet l'existence, ne permet pas d'apprécier les bénéfices réalisés avec une meilleure approximation ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les recettes tirées de la vente des bières de marque "Heineken", prises en compte par le vérificateur dans le calcul du taux de bénéfice brut, devant être retenues pour un montant de 17.760 francs et non de 35.520 francs, il y a lieu de ramener le coefficient diviseur de 6,80 à 6,69 ; que, par suite, M. Chancel doit être regardé comme apportant la preuve, dans cette mesure, de la sous-estimation du montant des achats déductibles à retenir pour le calcul des bénéfices réalisés par la société de fait au titre de chacune des années 1979 et 1980 ;
En ce qui concerne la part de M. Chancel dans les bénéfices de la société de fait :
Considérant que le bénéfice industriel et commercial réalisé par une société de fait est imposable à l'impôt sur le revenu entre les mains de ses associés au prorata de leurs droits dans cette société ; que M. Chancel, qui ne conteste pas que ses droits dans la société qu'il constituait en fait avec M. Y... étaient de 50%, n'établit pas que la convention dont il se prévaut, selon laquelle son associé aurait accepté de prendre seul en charge les conséquences des redressements fiscaux, ait modifié, avant la clôture des exercices litigieux, la répartition des bénéfices sociaux ; que, par suite, l'administration était en droit d'imposer M. Chancel à l'impôt sur le revenu sur la moitié des bénéfices dissimulés par la société existant en fait entre MM. Y... et X... ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée à titre subsidiaire, qui ne pourrait être, en l'espèce, que frustatoire, que M. Chancel est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a pas prononcé la décharge de l'impôt sur le revenu correspondant à la réduction des bases d'imposition résultant de la diminution du coefficient mentionné ci-dessus ;
Article 1er : Pour la détermination des bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. Chancel au titre des années 1979 et 1980, il est retranché du bénéfice industriel et commercial de la société de fait Galliano-Chancel le montant des achats déductibles obtenu en divisant par un coefficient de 6,69 le montant des recettes retenues par le service.
Article 2 : M. Chancel est déchargé, en droits et pénalités, de l'impôt sur le revenu correspondant à la réduction de bases d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 20 décembre 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Chancel est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 89LY01333
Date de la décision : 20/06/1991
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-06-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - COTISATIONS D'IRPP MISES A LA CHARGE DE PERSONNES MORALES OU DE TIERS - RETENUES A LA SOURCE


Références :

CGI 302 ter
CGI Livre des procédures fiscales L80, L73, L66, L75
CGIAN3 111 sexies
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: GAILLETON
Rapporteur public ?: RICHER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1991-06-20;89ly01333 ?
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