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24/09/1991 | FRANCE | N°89LY01096;89LY01097;89LY01098

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 24 septembre 1991, 89LY01096, 89LY01097 et 89LY01098


Vu 1) la décision en date du 3 février 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, par application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 15 décembre 1987 par la SCP DEFRENOIS-LEVIS, avocat aux Conseils, pour la SARL du Lac du Bouchet ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 15 décembre 1987 et 15 avril 1988, p

résentés pour la SARL du Lac du Bouchet dont le siège social est à C...

Vu 1) la décision en date du 3 février 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, par application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 15 décembre 1987 par la SCP DEFRENOIS-LEVIS, avocat aux Conseils, pour la SARL du Lac du Bouchet ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 15 décembre 1987 et 15 avril 1988, présentés pour la SARL du Lac du Bouchet dont le siège social est à Cayres (43), représentée par Me SEGUY es-qualité de syndic à son règlement judiciaire, par la SCP DEFRENOIS et LEVIS, avocat aux Conseils ;
La SARL du Lac du Bouchet demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 1987 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité à 276 000 francs le montant des indemnités qui lui sont dues par le département de la Haute-Loire, à la suite de la résiliation d'un contrat de concession dont elle était titulaire ;
2°) d'ordonner une nouvelle expertise et de condamner le département de la Haute-Loire à lui verser une indemnité de 8 182 165 francs, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
Vu 2) la décision en date du 3 février 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989 par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, par application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 15 décembre 1987 par la SCP DEFRENOIS-LEVIS, avocat aux Conseils, pour M. X... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 15 décembre 1987 et 15 avril 1988, présentés pour M. X... demeurant ... (4ème), par la SCP DEFRENOIS-LEVIS, avocat aux Conseils ;
M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 1987 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité à 332 000 francs le montant des indemnités qui lui sont dues par le département de la Haute-Loire à la suite de la résiliation d'un contrat de concession dont était titulaire la SARL du Lac du Bouchet dont il était gérant et en raison des fautes commises pendant l'exécution de ce contrat ;
2°) de condamner le département de la Haute-Loire à lui verser une indemnité de 2 750 980 francs assortie des intérêts et de leur capitalisation ;
Vu 3) la décision en date du 10 février 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, par application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 15 décembre 1987 par la SCP DELAPORTE-BRIARD, avocat aux Conseils, pour le département de la Haute-Loire ;

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 15 et 29 décembre 1987, présentés pour le département de la Haute-Loire, représenté par le président du Conseil Général en exercice, par la SCP DELAPORTE-BRIARD, avocat aux Conseils ;
Le département de la Haute-Loire demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 1987 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser des indemnités à M. X... et à la SARL du Lac du Bouchet, à la suite de la résiliation du contrat de concession dont ils étaient titulaires ;
2°) de le décharger de toute condamnation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 1991 :
- le rapport de M. ZUNINO, conseiller ;
- et les conclusions de M. JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées portent sur le même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour être statué par un même arrêt ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que les moyens tirés de l'insuffisance et de la contradiction des motifs du jugement attaqué et de l'omission de répondre à certaines conclusions manquent en fait ; que si M. X... et la SARL du Lac du Bouchet soutiennent que ledit jugement est intervenu sur une procédure irrégulière, ils n'assortissent ce moyen d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier la portée ; que les moyens tirés d'une irrégularité du jugement doivent donc être écartés ;
Au fond :
Considérant que par convention en date du 28 juillet 1977, le département de la Haute-Loire a concédé à M. X... l'exploitation de l'hôtel-restaurant du Lac du Bouchet ; qu'un avenant a autorisé M. X... à constituer la SARL du Lac du Bouchet pour l'exécution de cette convention, qui devait prendre fin au 31 octobre 1987 ; que par décision du 8 mars 1982, le département de la Haute-Loire a mis fin sans indemnité à ladite concession ;
Considérant que par décision en date du 4 mars 1991, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a estimé que les manquements reprochés au concessionnaire ne présentaient pas un caractère de suffisante gravité qui pût justifier la résiliation sans indemnité du contrat de concession et que c'était à bon droit que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand avait annulé la décision du 8 mars 1982 et prononcé la résiliation de cette convention aux torts exclusifs du département de la Haute-Loire ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le département de la Haute-Loire à verser une indemnité de 332 000 francs à M. X... et de 276 000 francs à la SARL du Lac du Bouchet, sommes que discutent tant M. X... et la SARL du Lac du Bouchet que le département de la Haute-Loire ;
En ce qui concerne les préjudices afférents à la période antérieure à la résiliation :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les retards apportés par le département de la Haute-Loire dans la réalisation correcte des travaux de rénovation et d'aménagement qui étaient à sa charge ont privé le concessionnaire des moyens nécessaires à une exploitation normale de l'établissement ; qu'ils sont ainsi à l'origine directe de pertes ou de manques à gagner dont le département doit réparation ; que toutefois, il ressort notamment du rapport d'expertise que les choix de gestion retenus par M. X..., tant pendant son exploitation personnelle que lorsqu'il était gérant de la SARL du Lac du Bouchet, en ce qui concerne tant le nombre de salariés que l'importance des matières premières utilisées en restauration, sont également à l'origine de l'insuffisante rentabilité de l'affaire ; que, compte tenu des conditions de fonctionnement des établissements similaires normalement gérés, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait une juste appréciation du préjudice imputable aux fautes du département en le fixant à 276 000 francs pour la SARL du Lac du Bouchet ; qu'en revanche, s'agissant de M. X..., si c'est à bon droit qu'a été retenu un préjudice au titre de la période pendant laquelle il exploitait personnellement, lequel doit être fixé à 58 000 francs, c'est à tort que le tribunal administratif y a ajouté le montant des rémunérations dont M. X..., devenu gérant de la SARL du Lac du Bouchet, soutient qu'il a été privé, un tel préjudice, qui trouve son origine dans les relations existant entre la société du Lac du Bouchet et son gérant, n'étant pas directement imputable aux fautes du département ; qu'il convient en conséquence de ramener à 58 000 francs l'indemnité due par le département à M.
X...
au titre de la période sus-mentionnée ;
En ce qui concerne les préjudices imputables à la résiliation de la concession :
Considérant en premier lieu que M. X... n'établit ni même n'allègue que la résiliation de la concession aurait eu pour effet direct de le priver de revenus ; que s'il se prévaut de la perte de la caution qu'il avait consentie au bénéfice de la SARL, cette dernière, qui trouve son origine dans l'engagement qu'il avait souscrit, n'est pas la conséquence directe des fautes du département ; que, par suite, M. X... n'établit pas que la résiliation de la concession lui aurait causé un préjudice dont le département de la Haute-Loire devrait répondre ;
Considérant en second lieu que si la SARL du Lac du Bouchet soutient que la résiliation dont s'agit lui a fait perdre des investissements, ses allégations sont sur ce point dépourvues de toute précision et de tout commencement de preuve ;

Considérant enfin que si la SARL du Lac du Bouchet se prévaut de la perte des bénéfices escomptés de l'exploitation, il résulte de l'instruction que, compte tenu tant de l'environnement immédiat de l'établissement concédé que de son rayonnement commercial limité et de sa fréquentation normalement prévisible, qui ne saurait atteindre les coefficients purement hypothétiques retenus par l'expert, un tel établissement n'avait pas de chance sérieuse de dégager un bénéfice, une fois couvertes toutes ses charges de fonctionnement et notamment rémunéré son personnel et son gérant ; que, par suite, aucune indemnité n'est due à la SARL du Lac du Bouchet du chef de la privation d'un bénéfice escompté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Haute-Loire est seulement fondé à demander que l'indemnité que le jugement attaqué l'a condamné à payer à M. X... soit ramenée à la somme de 58 000 francs et que la SARL du Lac du Bouchet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par ledit jugement, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité à 276 000 francs l'indemnité qui lui est due par le département de la Haute-Loire ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que les indemnités accordées à la SARL du Lac du Bouchet et à M. X... doivent porter intérêts au 15 avril 1982, date de l'enregistrement de leur demande d'indemnisation au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que la SARL du Lac du Bouchet et M. X... ont demandé la capitalisation des intérêts afférents aux indemnités auxquelles ils ont droit aux 1er juin 1987, 15 avril 1988, 28 mars 1989 et 1er août 1991 ; que s'il était dû plus d'une année d'intérêts aux 1er juin 1987, 28 mars 1989 et 1er août 1991, il ne s'était pas écoulé une année entre la première capitalisation et le 15 avril 1988 ; que, dès lors, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit aux demandes de capitalisation des intérêts au 1er juin 1987, au 28 mars 1989 et au 1er août 1991 ;
Article 1er : L'indemnité que le département de la Haute-Loire a été condamné à payer à M. X... est ramenée à 58 000 francs.
Article 2 : La somme indiquée à l'article 1 ainsi que la somme de 276 000 francs due par le département à la SARL du Lac du Bouchet porteront intérêts au taux légal au 15 avril 1982. Les intérêts échus au 1er juin 1987, au 28 mars 1989 et au 1er août 1991 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 6 octobre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions du département de la Haute-Loire, de la SARL du Lac du Bouchet et de M. X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89LY01096;89LY01097;89LY01098
Date de la décision : 24/09/1991
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-03-01,RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - ABSENCE -Lien entre le préjudice invoqué et une faute de service - Perte de rémunération subie par un gérant de société à la suite des troubles d'exploitation subis par cette société et imputables à la carence du département (1).

60-04-01-03-01 Constitue un préjudice indirect, pour le gérant d'une société dont l'exploitation a été perturbée par la faute du département, le fait de ne pas avoir perçu de ladite société toutes les rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre.


Références :

Code civil 1154

1.

Rappr. CE, 1984-07-11, Mme Jonon et autres, T. p. 741


Composition du Tribunal
Président : M. Chabanol
Rapporteur ?: M. Zunino
Rapporteur public ?: M. Jouguelet

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1991-09-24;89ly01096 ?
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