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24/09/1991 | FRANCE | N°89LY01910

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 24 septembre 1991, 89LY01910


Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 14 novembre 1989, présenté par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 1989 par lequel le tribunal administratif de NICE a accordé à Melle X... décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'impôt sur le revenu pour les années 1978, 1979, 1980 et 1981,
2°) de remettre à la charge de Melle X... lesdites impositions supplémentai

res ainsi que celles résultant de redressements non contestés de revenus de ca...

Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 14 novembre 1989, présenté par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 1989 par lequel le tribunal administratif de NICE a accordé à Melle X... décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'impôt sur le revenu pour les années 1978, 1979, 1980 et 1981,
2°) de remettre à la charge de Melle X... lesdites impositions supplémentaires ainsi que celles résultant de redressements non contestés de revenus de capitaux mobiliers,
3°) à défaut de rétablir les impositions supplémentaires des années considérées résultant de la taxation d'office en revenus d'origine indéterminée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 1991 :
- le rapport de M. ZUNINO, conseiller ;
- et les conclusions de M.JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une enquête diligentée en 1982 par la sûreté urbaine de NICE, dans le cadre de la poursuite du proxénétisme hôtelier, divers documents regardés comme constituant une comptabilité occulte saisis dans l'hôtel CHAUVAIN, à NICE, établissement exploité par Melle X..., ont été communiqués aux services fiscaux ; que ces derniers ont alors procédé à une vérification de comptabilité commerciale et de situation fiscale d'ensemble pour la période du 1er janvier 1978 au 31 décembre 1981 ; qu'utilisant les renseignements recueillis, la direction des services fiscaux a déclaré caducs les forfaits concernant ladite période et proposé de nouvelles évaluations à l'intéressée ; qu'après saisine de la commission départementale des impôts, l'administration a fixé de nouvelles bases d'imposition pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de NICE a accordé la décharge des impositions supplémentaires ainsi établies ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 8 du livre des procédures fiscales : "Le forfait de bénéfices industriels et commerciaux et de taxes sur le chiffre d'affaires ou l'évaluation administrative de bénéfices non commerciaux devient caduc lorsque le montant en a été fixé au vu de renseignements inexacts ou lorsqu'une inexactitude est constatée dans les documents dont la production ou la tenue est exigée par la loi. Il est alors procédé dans les conditions fixées aux articles L 5 et L 7 à l'établissement d'un nouveau forfait ou d'une nouvelle évaluation si le contribuable remplit encore les conditions prévues pour bénéficier du régime correspondant." ;
Considérant qu'il appartient à l'administration de fournir la preuve que les forfaits qu'elle entend déclarer caducs ont été établis sur la base de renseignements inexacts ; que cette preuve ne peut résulter de la seule constatation d'un enrichissement inexpliqué de l'assujetti ;
Considérant que pour établir l'inexactitude des renseignements ayant abouti à fixer le montant des forfaits initiaux, l'administration se fonde sur la saisie par les services de police judiciaire de documents retraçant selon elle des recettes occultes, sur le caractère non probant de la comptabilité de la gérance de l'hôtel, sur le caractère habituel d'activités de prostitution dans ledit hôtel et sur les aveux qu'aurait fait Melle X... et diverses prostituées ;
Considérant d'une part, que Melle X... a formellement contesté s'être livrée au proxénétisme hôtelier antérieurement à l'année 1982 ; qu'elle a contesté également avoir tenu une comptabilité occulte ; que l'administration, qui n'a pas précisé les éléments au vu desquels avaient été arrêtés les forfaits initiaux, n'a pas produit devant la juridiction administrative les éléments regardés par elle comme constituant une telle comptabilité, non plus que les aveux allégués de Melle X... ;
Considérant, d'autre part, que si la comptabilisation des recettes de l'hôtel avait été faite de façon globale, ce défaut ne pouvait en l'espèce affecter le caractère probant de cette comptabilité, dès lors que le tarif des chambres de l'établissement était uniforme ;

Considérant qu'il suit de là que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de NICE a décidé que l'imposition attaquée n'avait pu légalement être établie selon la procédure liée à la caducité des forfaits ;
Considérant toutefois, en premier lieu, que l'imposition supplémentaire correspondant aux revenus de 1979 à 1981 a été établie, pour partie, à la suite de la réintégration dans le revenu imposable des sommes de 2 296 francs, 2 330 francs et 5 864 francs, représentant les intérêts perçus lors de chacune de ces années sur des dépôts d'épargne ; que ces intérêts, afférents à des livrets de caisse d'épargne supplémentaires, devaient être soumis à l'impôt ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a prononcé le dégrèvement de l'imposition supplémentaire correspondant à leur réintégration dans le revenu imposable ;
Considérant, en second lieu que, invitée par lettre du 26 octobre 1983, en application de l'article L 16 du livre des procédures fiscales, à fournir des éclaircissements sur l'origine de certains mouvements créditeurs de ses comptes bancaires et livrets de caisse d'épargne de 1979 à 1981, Melle X... s'est bornée à déclarer que ces versements provenaient soit de recettes comptabilisées dans ses livres, soit d'un plan d'épargne-logement, soit de dons faits par un ami, soit de ventes de valeurs mobilières, soit d'économies antérieures, sans assortir ces affirmations d'explications suffisantes, ni d'une quelconque justification ; que, dès lors, l'intéressée doit être réputée s'être abstenue de répondre aux demandes d'éclaircissements qui lui ont été adressées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 179 du code général des impôts repris à l'article L 69 du livre des procédures fiscales : "Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L 16." ; que l'administration est, dès lors, fondée à demander que, Melle X... se trouvant, pour les années 1979 à 1981, en situation d'être taxée d'office, cette base légale soit substituée à celle qui a été retenue par le service ;
Considérant que l'imposition supplémentaire des revenus de 1979 à 1981 a été établie sur des bases correspondant, outre la réintégration des intérêts ci-dessus mentionnés, à la réintégration des versements d'origine inexpliquée figurant sur les comptes bancaires et d'épargne des années considérées, et qui ont été regardés comme recettes commerciales pour l'établissement des nouveaux forfaits ; qu'il appartient à Melle X..., qui se trouve en situation d'être taxée d'office ainsi qu'il a été dit, d'apporter la preuve que ces sommes, désormais d'origine indéterminée, sont excessives ; qu'en se bornant à faire état d'économies antérieures ou de dons, l'intéressée n'apporte pas la preuve qui lui incombe ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre requérant est seulement fondé à demander que Melle X... soit rétablie aux rôles de l'impôt sur le revenu, pour les années 1979 à 1981, pour les sommes initialement mises à sa charge ;
Article 1er : Les impositions supplémentaires auxquelles Melle X... avait été assujettie au titre de l'impôt sur le revenu pour les années 1979, 1980 et 1981 sont remises à sa charge.
Article 2 : Le jugement en date du 6 juillet 1989 du tribunal administratif de NICE est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre délégué au budget est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 89LY01910
Date de la décision : 24/09/1991
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ART. 176 ET 179 DU CGI, REPRIS AUX ARTICLES L.16 ET L.69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES)


Références :

CGI 179
CGI Livre des procédures fiscales L8, L16, L69


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: ZUNINO
Rapporteur public ?: JOUGUELET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1991-09-24;89ly01910 ?
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