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04/06/1992 | FRANCE | N°90LY00444

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 04 juin 1992, 90LY00444


Vu les requêtes, enregistrées le 18 juin 1990, présentées par M. X... demeurant chez Mlle Y..., ..., Les Mouettes Batiment I à Nice (06200) ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 752-86-III en date du 21 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 et de l'emprunt obligatoire de 1981 ;
2°) de prononcer le sursis à exécution des avis de mise en recouvrement desdites impositions ;
3°) de prononc

er la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assortie...

Vu les requêtes, enregistrées le 18 juin 1990, présentées par M. X... demeurant chez Mlle Y..., ..., Les Mouettes Batiment I à Nice (06200) ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 752-86-III en date du 21 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 et de l'emprunt obligatoire de 1981 ;
2°) de prononcer le sursis à exécution des avis de mise en recouvrement desdites impositions ;
3°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
4°) d'ordonner la restitution des acomptes versés assortis de l'intérêt moratoire légal ;
5°) d'ordonner le remboursement des frais exposés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 1992 :
- le rapport de Mme Z..., président-rapporteur ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date des 22 novembre 1990 et 8 août 1991 postérieures à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence d'une somme, d'une part de 89 554 francs, d'autre part de 210 157 francs des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... Daniel a été assujetti au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 ; que les conclusions de la requête de M. X... relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus du litige :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier de première instance, d'une part que l'ensemble des mémoires présentés par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget ont été régulièrement communiqués à M. X..., d'autre part, que le jugement attaqué n'est entaché d'aucun défaut de motivation ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à soutenir que ledit jugement serait irrégulier ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Sur les années 1980 et 1981 :
Considérant qu'il ressort des dispositions des articles 176 et 179 du code général des impôts, repris aux articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, que l'administation peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration et que le contribuable qui répond à une demande de justification après l'expiration du délai qui lui a été imparti pour ce faire, doit être regardé comme s'étant abstenu de répondre ; que, dans ce cas, l'administration est en droit de le taxer d'office ; que toutefois l'administration n'est en droit d'adresser à un contribuable, qui a compris dans la déclaration de son revenu global un bénéfice ou un revenu forfaitairement fixé, une demande de justification que si elle peut faire état d'indices sérieux pouvant donner à penser que ce contribuable a disposé de revenus d'autres sources que celle à raison de laquelle il est forfaitairement imposé ; que de tels indices sérieux sont notamment réunis lorsque l'administration est en mesure d'établir que les différents comptes, bancaires et autres de l'intéressé, ont enregistré des rentrées de fond excédant notablement les recettes réelles qui ont pu normalement résulter de l'activité forfaitairement imposée ;

Considérant, en premier lieu, que M. X... exerçait au cours des années en litige l'activité de négociateur immobilier et se trouvait placé sous le régime de l'évaluation administrative de son bénéfice professionnel ; que l'administration fiscale, eu égard, au montant des crédits bancaires de l'intéressé et s'élevant à la somme de 297 390 francs en 1980 et 385 520 francs en 1981 lui a adressé le 25 novembre 1983 les demandes de justification ; que compte tenu du montant des recettes déclarées toutes taxes comprises par M. X... et s'élevant aux sommes de 30 582 francs en 1980 et 14 394 francs en 1981, l'administration justifie, en l'espèce, de l'existence de rentrées de fonds sur les comptes du contribuable excédant notablement les recettes réelles pouvant normalement résulter de l'activité forfaitairement imposée ; que, par suite, l'administration était en droit de demander à M. X... des justifications sur l'origine des revenus en cause ;
Considérant, en deuxième lieu, que le fait que M. X... ait indiqué le 2 juin 1983 qu'il était hospitalisé ne peut être considéré comme valant notification à l'administration fiscale d'un changement d'adresse ; que le contribuable reconnait dans sa requête d'appel que le service lui a adressé les demandes de justification du 25 novembre 1983 dont s'agit à son "dernier domicile fiscal" ; que, par suite, les demandes de justification, alors même que le contribuable aurait été absent de ce domicile, ont été régulièrement notifiées ;
Considérant, en troisième lieu, que si l'administration n'est pas en droit d'adresser au contribuable une demande de justification fondée sur des renseignements qu'elle aurait obtenus dans l'exercice de son droit de communication auprès de tiers sans mettre l'intéressé à même de demander la communication des documents sur lesquels elle s'est ainsi appuyée, cette obligation ne peut toutefois s'étendre à des relevés bancaires qui constituant des documents personnels sont nécessairement connus du contribuable ; que, par suite, M. X... ne peut utilement soutenir que les demandes de justification du 25 novembre 1983 seraient irrégulières en ce que l'administration ne lui aurait pas communiqué les relevés bancaires dont elle avait demandé la copie aux banques auprès desquelles celui-ci avait ouvert des comptes ;
Considérant, en quatrième lieu, que les demandes de justification dont s'agit indiquaient la date et le montant de chaque versement dont M. X... était invité à donner l'origine et contenaient ainsi toutes les précisions nécessaires pour permettre au redevable de donner les justifications demandées, alors même, qu'elles ne précisaient pas pour un des comptes le nom de la banque et son numéro ;
Considérant, en cinquième lieu, que M. X... n'établit pas que l'administration aurait préalablement à l'envoi de l'avis de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble en date du 25 mars 1983 qu'elle lui a adressé procédé au contrôle de ses différents comptes de dépôt l'ayant conduite à lui demander des justifications sur les sommes y portées ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ne saurait être accueilli ;

Considérant, enfin qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que la notification de redressements en date du 19 avril 1984 indique que faute pour l'intéressé d'avoir répondu aux demandes de justifications du 28 novembre 1983 l'invitant à faire connaître l'origine de certaines sommes figurant au crédit de ses comptes bancaires ouverts au crédit lyonnais et à la caisse d'épargne soit au titre de 1980 157 740 francs et 139 650 francs et au titre de 1981 192 120 francs et 193 400 francs celles-ci étaient taxées sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi cette notification a précisé de façon suffisamment explicite les éléments servant au calcul des bases d'imposition et les modalités de leur prise en compte pour la détermination de celles-ci ; que cet acte est, par suite, suffisamment motivé au sens de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, que ce document a été notifié comme les demandes de justification au "dernier domicile fiscal" de l'intéressé celui-ci ne peut utilement soutenir qu'il ne lui a pas été régulièrement adressé ; que, pour soutenir que le pli ne lui a pas été régulièrement présenté le contribuable ne peut utilement se prévaloir d'une instruction administrative dès lors que le bénéfice de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts ne vise pas la procédure d'imposition ;
Sur l'année 1982 :
Considérant que si l'imposition contestée procède de la taxation d'une somme de 156 930 francs au titre des revenus d'origine indéterminée, l'administration qui peut invoquer à tout moment de la procédure un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, dès lors, que cette substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties attachées par la loi à la procédure corespondant à la nouvelle base invoquée, soutient que M. X... était en situation de taxation d'office sur le fondement des articles L. 66 et L. 67 du livre des procédures fiscales ; que M. X... n'ayant pas déposé de déclaration d'ensemble de revenus pour ladite année malgré l'envoi d'une mise en demeure le 15 septembre 1983 et son état de santé ne constituant pas un cas de force majeure de nature à l'exonérer de ses obligations fiscales, l'administration est recevable à demander ladite substitution ; que si l'administration a commis lors de l'envoi de la mise en demeure une erreur dans l'adresse, il résulte de l'instruction que cette erreur, n'a pas toutefois fait obstacle à la présentation du courrier ; que, par suite, le requérant ne peut soutenir que la mise en demeure n'a pas été régulière ; qu'il suit de là, que, les moyens tirés de l'irrégularité de la demande de justification du 28 novembre 1983 ainsi que de la vérification approfondie de situation fiscale sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... s'est placé en situation de taxation d'office, qu'il lui appartient, par suite, pour obtenir par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction des impositions contestées d'apporter la preuve de l'exagération des bases retenues par l'administration ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des articles 1966-1 du code général des impôts applicable aux années 1980 et 1981 et de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales applicable à l'année 1982 que la prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement ; qu'il résulte de l'instruction que la notification du 19 avril 1984 porte qu'eu égard au défaut de réponse à des demandes de justification les crédits bancaires inexpliqués sont taxés sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales selon la procédure de taxation d'office pour des sommes de 297 390 francs, 385 520 francs et 202 700 francs au titre respectivement des années 1980, 1981 et 1982 ; que ce document ainsi suffisamment motivé a régulièrement interrompu la prescription ;
Considérant, en second lieu, que M. X... soutient que la taxation contestée a porté sur des sommes correspondant à la participation de son ex-concubine au frais du ménage ; qu'eu égard aux divers documents versés et aux recoupements qu'ils permettent d'opérer entre eux, le contribuable doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant apporté la preuve à concurrence de la somme de 2 550 francs de l'exagération de la taxation relative à l'année 1980 ; que, pour le surplus des sommes qui auraient été encaissées à ce titre, M. X... ne peut utilement se prévaloir de ce que l'article L. 83 du livre des procédures fiscales autorise l'administration fiscale à obtenir des banques la communication des opérations enregistrées sur le compte bancaire d'une personne faisant l'objet d'un contrôle dès lors qu'elle n'y est pas tenue ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des courriers échangés par des marchands de biens en direction de leur banque aux fins d'obtenir la copie de chèques adressés à M. X... en rémunération de ses services de négociateur immobilier, et des demandes de justification que à concurrence de 4 224 francs pour 1980 et de 14 112 francs pour 1981, la taxation des crédits bancaires inexpliqués correspond à des recettes professionnelles déjà prises par suite en compte pour la détermination de ses évaluations administratives ; qu'il y a donc lieu de réduire à due concurrence les bases imposables des années 1980 et 1981 ;
Considérant, enfin, que pour le surplus, M. X... n'établit pas par les pièces qu'il a produites que lesdits crédits bancaires correspondraient à des gains en espèces provenant du PMU ou du LOTO, à des sommes encaissées de locataires pour le compte des propriétaires auxquels il les aurait reversées ou enfin à des dons d'amis ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant que s'agissant de l'année 1982, l'administration, qui avait appliqué une pénalité de 50 % pour absence de bonne foi y a substitué une pénalité de 25 % prévue à l'article 1733 du code général des impôts pour non-dépôt de la déclaration d'ensemble après le délai de 30 jours d'une première mise en demeure, a, par suite, prononcé le 22 novembre 1990 le degrèvement y correspondant pour une somme de 41 605 francs ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs de décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui ... infligent une sanction ..." ; qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 30 décembre 1986 portant loi de finances pour 1987 : "I. Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressé au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable" ;
Considérant que les pénalités prévues par le code général des impôts sont au nombre des sanctions auxquelles s'appliquent les dispositions précitées ; que, dès lors, qu'il ressort de celles-ci que la décision relative à la motivation doit être adressée au plus tard lors de la notification du titre exécutoire, l'administration n'est pas fondée à soutenir qu'elle a légalement motivé la pénalité de l'article 1733 du code général des impôts dans son mémoire en défense du 13 novembre 1990 ; qu'il suit de là, que la substitution ainsi opérée est illégale et qu'il y a lieu, par suite, de prononcer la décharge de la pénalité restant en litige et d'y substituer les intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts dans la limite du montant de ladite pénalité ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. X... d'allocation d'une somme d'argent sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 299 711 francs, en ce qui concerne les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... a été assujetti au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X....
Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. X... au titre de 1980 est réduite d'une somme de 6 774 francs et celle de l'impôt sur le revenu assignée au titre de 1981 d'une somme de 14 112 francs dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.
Article 3 : M. X... est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article ci-dessus.
Article 4 : M. X... est déchargé de la pénalité de 25 % mise à sa charge et afférente au complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1982.
Article 5 : Les intérêts de retard sont substitués, dans la limite du montant de ladite pénalité de 25 % à celle-ci au titre du complément d'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti pour l'année 1982.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 21 mars 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 90LY00444
Date de la décision : 04/06/1992
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE


Références :

CGI 176, 179, 1649 quinquies E, 1966-1, 1733, 1727
CGI Livre des procédures fiscales L16, L69, L47, L76, L66, L67, L189, L83
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1
Loi 86-1317 du 30 décembre 1986 art. 42 Finances pour 1987


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: SIMON
Rapporteur public ?: HAELVOET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1992-06-04;90ly00444 ?
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