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09/06/1992 | FRANCE | N°90LY00520

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 09 juin 1992, 90LY00520


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 12 juillet 1990, présenté par le ministre de l'économie des finances et du budget ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 février 1990 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à l'Union Mutualiste de l'Allier (UMA) la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1981 à 1984 à la suite de la vérification de sa comptabilité ;
2°) de rétablir l'intéressée à cette imposition ;
Vu les autres pièces du do

ssier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu l...

Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 12 juillet 1990, présenté par le ministre de l'économie des finances et du budget ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 février 1990 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à l'Union Mutualiste de l'Allier (UMA) la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1981 à 1984 à la suite de la vérification de sa comptabilité ;
2°) de rétablir l'intéressée à cette imposition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la sécurité sociale ; Vu le code de la mutualité ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 1992 :
- le rapport de Mme DEVILLERS, conseiller ;
- les observations de Me X... substituant la SCP DELAPORTE, BRIARD, avocat de l'Union Mutualiste de l'Allier ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le ministre de l'économie, des finances et du budget demande à la cour d'annuler le jugement du 21 février 1990 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à l'Union Mutualiste de l'Allier (UMA) des cotisations d'impôt sur les sociétés qui lui ont été réclamées au titre des années 1981 à 1983 à raison des bénéfices réalisés auprès de non mutualistes dans les centres d'optique qu'elle exploite à Moulins et à Montluçon ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que par une décision du 28 septembre 1989 postérieure à l'introduction de la demande devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand le directeur régional des impôts de Clermont-Ferrand a prononcé au bénéfice de l'UMA un dégrèvement de 117 118 francs sur les droits et pénalités en litige ; que dans cette mesure les conclusions présentées par l'UMA devant le tribunal administratif étaient devenues sans objet ; qu'il n'y avait par suite pas lieu d'y statuer ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a statué sur lesdites conclusions ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur l'étendue du litige dont étaient saisis les premiers juges ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, à concurrence de la somme de 117 118 francs portant sur les quatre années en litige, les conclusions del'UMA son devenues sans objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu, à concurrence de ce montant, d'y statuer ;
Considérant que pour accorder à l'UMA la décharge des impositions litigieuses, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur la doctrine administrative issue des instructions du 1er avril 1972 d'une part et du 27 mai 1977 d'autre part ;
Considérant, en premier lieu, que si aux termes du paragraphe 23 de l'instruction du 1er avril 1972 : " ...il y a lieu de considérer que les collectivités constituées pour réaliser une oeuvre désintéressée échappent à l'impôt sur les sociétés au titre de l'article 206-1 du code général des impôts et ne sont passibles de cet impôt qu'au titre de l'article 206-5 à raison de leurs revenus fonciers, agricoles ou mobiliers, énumérés audit article, lorsque leurs activités lucratives s'inscrivent dans le cadre d'une activité principale non lucrative avec laquelle elles présentent un lien organique, que l'exercice de ses activités ne traduit pas la recherche systématique de profits par des méthodes commerciales et que les excédents de gestion, s'il en existe reçoivent une destination conforme à la mission désintéressée que ces collectivités se sont fixées" ; le paragraphe 30 de la même instruction précise toutefois que : "la réalisation de bénéfices imposables par les groupements mutualistes peut normalement résulter d'exploitations commerciales, industrielles ou de l'exercice de professions non commerciales dans la mesure où ces collectivités effectuent des opérations avec des personnes autres que les adhérents" ;

Considérant, en second lieu, que si aux termes de l'instruction du 27 mai 1977 l'exercice d'une activité commerciale n'est pas de nature à remettre en cause le caractère non lucratif d'une association, c'est notamment à la condition que l'activité exercée par celle-ci entre strictement dans le cadre de l'activité générale désintéressée de l'association et qu'elle contribue par sa nature et non simplement financièrement à la réalisation de cet objet ; que tel n'est pas le cas de l'activité exercée par l'UMA en direction des non mutualistes, même si des conventions ont été régulièrement passées à cet effet avec des caisses de sécurité sociale dès lors que ces conventions ne peuvent avoir pour effet de modifier l'objet de la mutuelle lequel consiste aux termes de l'article L 111-1 du code de la mutualité à mener au moyen des cotisations des membres des actions de prévoyance de solidarité et d'entraide au profit des adhérents et de leur famille ; que d'ailleurs, il résulte de la réponse ministérielle au parlementaire BERNARD Y..., qui a été publiée au journal officiel avant la date de mise en recouvrement des impositions litigieuses et qui constitue une composante de la doctrine administrative, que l'exonération de taxe professionnelle et d'impôt sur les sociétés dont bénéficient les mutuelles qui exploitent des centres d'optique peut être remise en cause si un tel organisme ne fonctionne pas conformément aux dispositions du code de la mutualité ou de ses statuts ; que cette réponse précise que "tel serait le cas d'une mutuelle qui offrirait ses services à des non adhérents ..."
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UMA n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine administrative pour revendiquer, en application de l'article L 80 A du code général des impôts l'exonération de l'impôt sur les sociétés en ce qui concerne les bénéfices réalisés à l'occasion de ventes d'articles d'optique faites à des non-adhérents ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les deux instructions ci-dessus mentionnées pour accorder à l'UMA la décharge des impositions litigieuses ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler le jugement du 27 février 1990 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour saisie par l'effet dévolutif de l'appel de statuer sur les autre moyens présentés par l'UMA tant en première instance qu'en appel ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que l'administration a averti l'UMA le 25 octobre 1985 de la vérification dont sa comptabilité allait être l'objet et que les opérations de vérification ont commencé le 7 novembre 1985 ; qu'ainsi, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le jour de la Toussaint se trouvait inclus dans cette période, l'UMA a disposé d'un délai suffisant pour lui permettre de se faire assister d'un conseil conformément aux dispositions de l'article L 47 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, que la notification de redressements en date du 19 décembre 1985 comme la réponse aux observations du contribuable en date du 23 mai 1986 précisent quel impôt en a fait l'objet, les années, les bases et les motifs des redressements ; qu'ainsi ces redressements ont été motivés de manière à permettre à l'UMA de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation conformément aux dispositions de l'article L 57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le fond :
En ce qui concerne le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes de l'article 206.1 du code général des impôts : " .... sont passibles de l'impôt sur les sociétés, ... toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif" ; qu'aux termes de l'article 207. 5 bis du même code, sont exonérés de l'impôt sur les sociétés "les organismes sans but lucratif mentionnés à l'article 261.7.1° pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée " ; qu'enfin aux termes de l'article 261 du code général des impôts : "sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : ... 7 -1° a Les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif et dont la gestion est désintéressée. ..."
Considérant en premier lieu que les opérations réalisées par les centres d'optique mutualistes dans des conditions qui sont comparables à celles des commerces exploités par des opticiens indépendants constituent, par nature, des activités lucratives alors mêmes qu'elles sont exercées par un organisme sans but lucratif ; que de telles activités entrent dès lors dans le champ d'application de l'article 206.1 précité du code général des impôts ;
Considérant, en second lieu, que l'exonération édictée par les dispositions de l'article 261 - 7 1° précité du code général des impôts ne concerne pas les opérations réalisées par les organismes non lucratifs avec les personnes qui n'en sont pas membres ; qu'il est constant qu'au cours des années en litige, l'UMA a ouvert ses centres d'optique à une clientèle non mutualiste ; que la circonstance qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus cette ouverture aurait fait l'objet de conventions régulièrement conclues avec des caisses de sécurité sociale et qu'elle ne lui aurait pas fait perdre son caractère non lucratif est sans influence sur l'application des dispositions précitées ; qu'ainsi l'UMA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a imposé à l'impôt sur les sociétés les bénéfices litigieux ;
En ce qui concerne le montant des impositions :
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient l'UMA l'administration a tenu compte de l'ensemble de frais de siège de l'union, afférents aux centres d'optique et justifiés devant elle en cours d'instance ; que si l'U.M.A fait valoir devant la cour que les frais de siège afférents à l'année 1981 s'élèvent non pas à 221 300 francs mais à 305 780 francs, elle n'assortit cette affirmation d'aucun élément probant ;

Considérant, en second lieu, que si l'UMA critique le pourcentage de 20 % retenu par l'administration pour déterminer les résultats de l'activité que les centres d'optique ont exercé en faveur de la clientèle non mutualiste il résulte des pièces qu'elle produit que le résultat qu'elle propose de retenir est supérieur à celui qu'a déterminé l'administration ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UMA n'est pas fondé à contester les bases d'imposition qui lui ont été assignées ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : "Lorsqu'une personne physique ou morale ... tenue de souscrire ou de présenter une déclaration comportant l'indication de bases ou éléments à retenir pour l'assiette ... de l'un des impôts ... établis ... par la DGI déclare ou fait apparaître une base ou des éléments d'imposition insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits éludés est majoré soit de l'indemnité de retard prévue à l'article 1727 s'il s'agit des versements, impôts ou taxes énumérés audit article, soit un intérêt de retard calculé dans les conditions fixées à l'article 1734 ..." ;
Considérant que l'UMA demande à la cour comme en première instance, dans ses conclusions subsidiaires, la décharge des sanctions fiscales qui lui auraient été appliquées sur le fondement des articles 1727, 1728-1 et 1734 du code général des impôts ; que si elle se prévaut de l'inapplicabilité des dispositions de l'article 1727, le moyen manque en fait, la sanction prévue par ledit article n'ayant pas été mise en recouvrement ; que le moyen qu'elle tire de sa bonne foi est inopérant dès lors que les sanctions prévues par les articles précités ont pour seul objet de compenser le retard dans le règlement de l'impôt ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et du budget est fondé à soutenir que l'UMA doit être entièrement rétablie à l'impôt sur les sociétés auquel elle est demeurée assujettie, compte tenu des dégrèvements prononcés en cours de l'instance devant le tribunal administratif, au titre des années 1981 à 1984 ;
Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 27 février 1990 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu, à concurrence d'une somme de 117 118 francs portant sur les quatre années en litige de statuer sur les conclusions de l'U.M.A devenues sans objet.
Article 3 : L'impôt sur les sociétés auquel l'UMA est demeurée assujettie au titre des années 1981 à 1984 est remis intégralement à sa charge.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 90LY00520
Date de la décision : 09/06/1992
Sens de l'arrêt : Annulation non-lieu à statuer
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - PERSONNES MORALES ET BENEFICES IMPOSABLES -Bénéfices et revenus imposables - Recettes provenant de prestations fournies par des centres d'optique à des personnes qui n'adhèrent pas à la mutuelle qui les gère (oui).

19-04-01-04-01 Les recettes tirées par des centres d'optique mutualistes, dans des conditions analogues à celles des commerces exploités par des opticiens indépendants, au profit d'une clientèle non mutualiste sont par nature des activités lucratives qui entrent dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés. La circonstance que l'ouverture des centres en question à une clientèle non mutualiste résulterait de conventions régulièrement conclues avec des caisses de sécurité sociale est sans influence sur l'application des dispositions des articles 207.5° bis et 261 du code général des impôts, lesquelles excluent que la mutuelle soit exonérée de l'impôt sur les sociétés pour la part des recettes qu'elle tire des prestations fournies à cette clientèle. La doctrine administrative contenue dans les instructions du 1er avril 1972, du 27 mai 1977 et dans la Réponse Bernard Reymond ne dérogent pas aux règles ainsi posées.


Références :

CGI 206, 261, 1728, 1727, 1728 par. 1, 1734, 207 par. 5 bis
CGI Livre des procédures fiscales L47, L57
Code de la mutualité L111-1
Instruction du 01 avril 1972 par. 23, par. 30
Instruction du 27 mai 1977


Composition du Tribunal
Président : M. Lopez
Rapporteur ?: Mme Devillers
Rapporteur public ?: M. Chanel

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1992-06-09;90ly00520 ?
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