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09/07/1992 | FRANCE | N°91LY01052;91LY01062

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Pleniere, 09 juillet 1992, 91LY01052 et 91LY01062


Vu, 1°) sous le n° 91LY01052, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la cour les 4 décembre 1991 et 14 février 1992, présentés pour le centre hospitalier régional de Grasse représenté par son directeur en exercice, par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; le centre hospitalier régional de Grasse demande à la cour d'annuler le jugement du 1er octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamné à payer aux héritiers de Mme M.-C. S. la somme de 600 000 francs, à M. S. la somme de 420 000

francs et à Mlle T. la somme de 180 000 francs ;

Vu, 2°) sous le n...

Vu, 1°) sous le n° 91LY01052, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la cour les 4 décembre 1991 et 14 février 1992, présentés pour le centre hospitalier régional de Grasse représenté par son directeur en exercice, par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; le centre hospitalier régional de Grasse demande à la cour d'annuler le jugement du 1er octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamné à payer aux héritiers de Mme M.-C. S. la somme de 600 000 francs, à M. S. la somme de 420 000 francs et à Mlle T. la somme de 180 000 francs ;

Vu, 2°) sous le n° 91LY01062 la requête enregistrée au greffe de la cour le 9 décembre 1991 présentée pour Mlle N. T. demeurant Les Terrasses de Grasse, Bâtiment C1, 81, avenue Henri Dunant (06120) GRASSE, par la SCP Arnaud Lyon-Caen, Françoise Fabiani, Frédéric Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; Mlle T. demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 1er octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné le centre hospitalier régional de Grasse à lui verser une indemnité de 180.000 francs qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la maladie suivie du décès de sa mère Mme M.-C. S. contractée lors de son séjour dans cet établissement hospitalier à la suite d'une transfusion sanguine ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Grasse à lui verser la somme de 500.000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 1990 et capitalisation ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Grasse à lui verser la somme de 20.000 francs au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 1992 :
- le rapport de M. JULLIEN, président--rapporteur ;
- les observations de Me LE PRADO, avocat du centre hospitalier de Grasse, de la SCP MATTEI-DAWANCE, avocat de M. S. et de Me SAGALOVITSCH substituant la SCP LYON-CAEN FABIANI THIRIEZ, avocat de Mlle T. ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes du centre hospitalier régional de Grasse et de Mlle T. sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes :
Considérant que le tribunal administratif de Nice a rejeté comme irrecevables les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes tendant à ce que le centre hospitalier régional de Grasse soit condamné à lui rembourser les prestations versées à Mme S. ; que ladite caisse ne conteste pas l'irrecevabilité qui lui a été opposée ; que les conclusions de sa requête tendant à ce que ledit centre hospitalier soit condamné à lui verser la somme de 43 171,40 francs en remboursement des frais qu'elle a exposés antérieurement au jugement du tribunal ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur la responsabilité :
Considérant que Mme S. qui avait subi une intervention chirurgicale le 5 février 1980 au centre hospitalier régional de Grasse, a dû être opérée à nouveau le 2 mai 1984 dans le même établissement afin de retirer une compresse qui avait été oubliée lors de la précédente intervention ; que des complications étant survenues, une nouvelle opération a été effectuée le 13 mai 1984 ; qu'au cours de ces deux dernières interventions trois culots globulaires ont été transfusés à l'intéressée ; qu'une analyse effectuée au mois d'avril 1986 à la suite d'un don de sang effectué par Mme S. a fait apparaître que celle-ci était contaminée par le virus de l'immunodéficience humaine (V.I.H.) ; que Mme S. est décédée du SIDA le 16 février 1991 ;
Considérant que la circonstance que l'un des trois donneurs dont provenait le sang qui a été transfusé à Mme S., ait laissé sans réponse les convocations qui lui ont été adressées aux fins de se soumettre à un test de séropositivité alors que l'examen des deux autres donneurs a donné un résultat négatif, ne pouvait, à elle seule, permettre de considérer comme l'ont fait les premiers juges, que la contamination de l'intéressée par le virus V.I.H. était la conséquence de la transfusion du sang provenant du lot dont le donneur n'a pu être examiné ; que dans ces conditions, et alors même que l'établissement hospitalier se borne à relever que Mme S. exerçait la profession d'infirmière anesthésiste sans invoquer un comportement de l'intéressée qui aurait été un facteur de risque de contamination particulier, le lien de causalité entre les transfusions ci-dessus évoquées et la contamination de Mme S. par le V.I.H. ne peut être regardé comme établi ; que, par suite, le centre hospitalier requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a déclaré responsable des conséquences dommageables de ces transfusions ;

Considérant en revanche que l'oubli d'une compresse dans l'abdomen de Mme S. au cours de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 5 février 1980 constitue une faute qui est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional de Grasse ; qu'il s'ensuit que les héritiers de Mme S. sont fondés à demander à ce dernier réparation des préjudices qui sont la conséquence directe de cette faute ; qu'il sera fait une juste appréciation des conséquences dommageables de ladite faute en fixant l'indemnité destinée à les réparer à la somme de 20.000 francs ; que, dès lors, il y a lieu de ramener à ce montant la somme de 600.000 francs que le centre hospitalier régional de Grasse a été condamné à verser aux héritiers de Mme S. et d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a condamné le centre hospitalier à verser à M. S. et à Mlle T. à titre personnel les sommes respectives de 420.000 francs et 180.000 francs ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les frais d'expertise exposés en première instance à la charge de la succession de Mme S. ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que M. S., Mlle T. et la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes succombent dans la présente instance ; que leurs demandes tendant à ce que le centre hospitalier régional de Grasse soit condamné à leur verser une somme au titre des frais qu'ils ont exposés doivent, en conséquence, être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 1er octobre 1991 est annulé en tant qu'il a condamné le centre hospitalier régional de Grasse à verser à M. S. et à Mlle T. les sommes respectives de 420.000 et 180.000 francs.
Article 2 : La somme de 600.000 francs que le centre hospitalier régional de Grasse a été condamné à payer aux héritiers de Mme S. par le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 1er octobre 1991 est ramenée à 20.000 francs.
Article 3 : Le surplus du jugement du tribunal administratif de Nice du 1er octobre 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les demandes présentées à titre personnel par M. S. et Mlle T. devant le tribunal administratif de Nice sont rejetées ainsi que le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier régional de Grasse, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, la requête de Mlle T., les recours incidents de M. S. et des héritiers de Mme S.
Article 5 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de la succession de Mme S.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 91LY01052;91LY01062
Date de la décision : 09/07/1992
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - Usager d'un établissement hospitalier imputant à des transfusions de sang reçues dans cet établissement sa contamination par le virus V - I - H - Lien de causalité non établi en l'espèce par le doute sur la séronégativité de l'un des donneurs du sang transfusé.

60-02-01-01, 60-02-01-02, 60-04-01-03-01 La seule circonstance que l'un des donneurs des trois lots de sang transfusé à un malade au cours d'interventions chirurgicales n'ait pu être soumis à un test de séropositivité contrairement aux deux autres donneurs qui se sont avérés séronégatifs, ne permet pas de retenir l'existence d'un lien de causalité entre les transfusions et la contamination de ce malade par le virus V.I.H., révélée près de deux ans après la dernière transfusion.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - DONS DU SANG - Lien entre la contamination d'une patiente par le virus de l'immunodéficience humaine et les transfusions subies par elle - Preuve non rapportée en l'espèce par le doute sur la séronégativité de l'un des donneurs du sang transfusé.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - ABSENCE - Lien entre la contamination d'une patiente par le virus de l'immunodéficience humaine et les transfusions subies par elle - Preuve non rapportée en l'espèce par le doute sur la séronégativité de l'un des donneurs du sang transfusé.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : Mme Latournerie
Rapporteur ?: M. Jullien
Rapporteur public ?: M. Chanel

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1992-07-09;91ly01052 ?
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