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16/07/1992 | FRANCE | N°90LY00694

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 16 juillet 1992, 90LY00694


Vu enregistrée au greffe de la cour le 7 septembre 1990, la requête présentée par Me BASSALER, avocat, pour M. Jean-François A..., demeurant ..., M. Serge C..., Mme C... née Liliane Y..., Mlle Nathalie C..., Mme E... née Sylvie C..., M. Jean X..., Mme Marie-Thérèse Z..., M. Jean-Antoine X... et M. Paul X... ;
M. A... et autres demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 19 juin 1990, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat et la région d'Auvergne soient déclarés solidairement responsables de l

'accident survenu le 8 juin 1980 sur le chemin départemental 5 à Roya...

Vu enregistrée au greffe de la cour le 7 septembre 1990, la requête présentée par Me BASSALER, avocat, pour M. Jean-François A..., demeurant ..., M. Serge C..., Mme C... née Liliane Y..., Mlle Nathalie C..., Mme E... née Sylvie C..., M. Jean X..., Mme Marie-Thérèse Z..., M. Jean-Antoine X... et M. Paul X... ;
M. A... et autres demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 19 juin 1990, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat et la région d'Auvergne soient déclarés solidairement responsables de l'accident survenu le 8 juin 1980 sur le chemin départemental 5 à Royat, alors que se déroulait la compétition de vitesse en circuit fermé dénommée "Les Trophées d'Auvergne" ;
2°) de prononcer ladite condamnation et de les indemniser du préjudice subi du fait de cet accident ;
3°) d'ordonner une expertise médicale aux fins de déterminer l'importance des séquelles dont M. A... reste atteint à la suite de l'accident ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 55-1366 du 18 octobre 1955 portant règlementation générale des épreuves et compétitions sportives sur la voie publique ensemble l'arrêté ministériel du 1er décembre 1959 modifié, pris pour son application ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juillet 1992 :
- le rapport de Mlle PAYET, conseiller ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 8 juin 1980, alors que se déroulait la compétition de vitesse en circuit fermé dénommée "Les Trophées d'Auvergne" ayant pour cadre le chemin départemental 5 à Royat transformé pour la circonstance en circuit automobile, un accrochage se produisit entre deux voitures de course dont l'une, par l'effet de choc, quitta le circuit à la hauteur du poste 6, fauchant au passage quatre commissaires de course, provoquant la mort de trois d'entre eux, MM. Lionel C..., Bernard X... et Marc B..., et blessant grièvement le quatrième, M. Jean-François A... ; que ce dernier et les ayants droit des deux premiers nommés ont saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à ce que l'Etat et la région d'Auvergne soient déclarés solidairement responsables dudit accident et condamnés à leur payer différentes indemnités au titre de leur préjudice moral et matériel et à ce qu'une expertise soit ordonnée aux fins de déterminer l'étendue du préjudice corporel subi par M. A... ; que, par le jugement en date du 19 juin 1990, le tribunal administratif a rejeté leur demande ; que M. A... et les ayants droit de MM. C... et X... font appel dudit jugement ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de l'arrêté ministériel du 1er décembre 1959 modifié, pris pour l'application du décret n° 55-1366 du 18 octobre 1955 portant règlementation générale des épreuves et compétitions sportives sur la voie publique : "Les compétitions de vitesse en circuit fermé ne peuvent se disputer que sur des circuits ayant fait l'objet d'une homologation donnée : Par le ministre de l'intérieur, après une visite effectuée par la commission nationale d'examen des circuits de vitesse lorsque les véhicules mis en course sur lesdits circuits sont susceptibles d'y dépasser la vitesse de 200 km/h à la date de la visite ; par le préfet dans les autres cas, après une visite effectuée par la commission départementale de la circulation et de la sécurité routière (...)" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du règlement de la compétition dont s'agit que l'épreuve au cours de laquelle l'accident s'est produit concernait les voitures Renault 5 Alpine type R 1223 dont il est constant qu'elles sont susceptibles de dépasser la vitesse de 200 kms à l'heure ; que d'ailleurs le procès-verbal du constat de l'accident établi par la gendarmerie mentionne expressément qu'aucune limitation de vitesse n'était imposée pour l'épreuve considérée ; qu'il suit de là que l'homologation du circuit relevait nécessairement de la compétence du ministre de l'intérieur sur proposition de la commission nationale d'examen des circuits de vitesse, conformément aux dispositions de l'article 17 précité ;

Considérant par ailleurs que si l'arrêté préfectoral pris le 6 juin 1980 pour autoriser l'épreuve dont s'agit, vise expressément une lettre en date du 14 décembre 1979 du ministre de l'intérieur accordant le renouvellement de l'homologation du circuit des Charades jusqu'au 31 décembre 1983, cette correspondance laisse clairement apparaître que ladite homologation était subordonnée à la double condition que soient exécutés les travaux recensés le 30 mai 1979 par la commission nationale d'examen des circuits de vitesse et que ladite commission en ait effectué le contrôle sur place ; qu'il n'est pas établi que cette double condition ait été effectivement remplie ; que la commission départementale de la circulation et de la sécurité routière ne pouvait en tout état de cause se substituer à la commission nationale d'examen des circuits de vitesse, seule compétente pour formuler un avis sur les conditions de sécurité du circuit, d'autant plus qu'en la circonstance, 35 véhicules se trouvaient en course et non 25 comme le prescrivait le ministre de l'intérieur dans sa lettre précitée du 14 décembre 1979 ; qu'il suit de là qu'à la date à laquelle s'est déroulée l'épreuve dénommée "Les Trophées d'Auvergne", le circuit des Charades ne pouvait être regardé comme étant effectivement homologué pour la compétition envisagée ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'en prenant, dans les conditions susmentionnées, l'arrêté du 6 juin 1980 qui a autorisé le déroulement de l'épreuve de vitesse en circuit fermé dénommée "Les Trophées d'Auvergne", le préfet du Puy-de-Dome a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il est constant que l'accident dont s'agit s'est produit à un endroit précisément dépourvu de glissières de sécurité alors que la commission nationale en avait prescrit la pose aux accès des différents chemins aboutissant au circuit ; qu'ainsi il existe un lien entre la faute commise et le préjudice subi par les victimes de l'accident ou leurs ayants droit ; que, dès lors, M. Jean-François A..., M. Serge C..., Mme C..., née Liliane Y..., Mlle Nathalie C..., Mme E..., née Sylvie C..., M. Jean X..., Mme Marie-Thérèse Z..., M. Jean Antoine X... et M. Paul X..., sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ;
Sur le préjudice :
- Sur le préjudice de la famille C... :
Considérant que M. et Mme Serge C..., père et mère de M. Lionel C..., décédé dans l'accident, Mlle Nathalie C..., Mme E..., née Sylvie C..., soeurs de Lionel, ont subi un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 100 000 francs pour chacun des père et mère et 30 000 francs pour chacune des soeurs ;
- Sur le préjudice de la famille X... :
Considérant que M. Jean X... et Mme Marie-Thérèse Z..., père et mère de Bernard X..., décédé dans l'accident, M. Jean-Antoine X... et M. Paul X..., frères de Bernard, ont subi un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 100 000 francs pour chacun des père et mère, et de 30 000 francs pour chacun des frères ;
- Sur le préjudice de M. A... :

Considérant d'une part que l'état du dossier ne permet pas à la cour de déterminer le préjudice corporel subi par M. Jean-François A... du fait de l'accident dont s'agit ; que, par suite, il y a lieu avant de statuer sur sa demande d'indemnisation, d'ordonner une expertise médicale en vue de rechercher les éléments de ce préjudice, notamment la date de consolidation des blessures, la durée de l'incapacité temporaire totale, le taux de l'incapacité permanente partielle, les souffrances physiques endurées, le préjudice d'agrément, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence ;
Considérant d'autre part qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à M. A... une provision de 10 000 francs ;
- Sur les intérêts :
Considérant que les requérants demandent que les indemnités allouées soient productives d'intérêts "à compter du jour où la décision aura été rendue" ; que dès lors, il y a lieu de faire droit à leur demande et de leur allouer des intérêts à compter du 19 juin 1990, date du jugement, que lesdits intérêts porteront sur les sommes allouées dans les conditions susmentionnées soit 100 000 francs à M. Serge C..., 100 000 francs à Mme C... son épouse, 30 000 francs à Mlle Nathalie C..., 30 000 francs à Mme E... née D...
C..., 100 000 francs à M. Jean X..., 100 000 francs à Mme Marie-Thérèse Z..., 30 000 francs à M. Jean Antoine X... et 30 000 francs à M. Paul X... ;
Article 1er : Le jugement en date du 19 juin 1990 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... et autres.
Article 2 : L'Etat est déclaré entièrement responsable de l'accident survenu le 8 juin 1980 au cours de la compétition de vitesse en circuit fermé dénommée "Les Trophées d'Auvergne" et condamné à en réparer les conséquences dommageables.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer les sommes suivantes : 100 000 francs à M. Serge C..., 100 000 francs à Mme C... née Liliane Y..., 30 000 francs à Mlle Nathalie C..., 30 000 francs à Mme E... Née Sylvie C..., 100 000 francs à M. Jean X..., 100 000 francs à Mme Marie-Thérèse Z..., 30 000 francs à M. Jean Antoine X... et 30 000 francs à M. Paul X.... Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 19 juin 1990.
Article 4 : L'Etat est condamné à payer à M. A... une somme de 10 000 francs à titre de provision.
Article 5 : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité de M. Jean-François A..., procédé par un expert désigné par le président de la cour, à une expertise médicale en vue de déterminer :
- la date de consolidation des blessures, - la durée de l'incapacité temporaire totale, - le taux de l'incapacité permanente partielle, - les souffrances physiques endurées, - le préjudice d'agrément, - le préjudice esthétique, - et les troubles dans les conditions d'existence.
Article 6 : L'expert prêtera serment par écrit. Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour dans le délai de deux mois suivant la prestation de serment.
Article 7 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 90LY00694
Date de la décision : 16/07/1992
Sens de l'arrêt : Indemnités expertise médicale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE SIMPLE - Police - Autorisation de déroulement d'une manifestation sportive - Autorisation d'une course automobile sur un circuit non régulièrement homologué - Existence d'une faute.

60-01-02-02-02, 60-01-04-01, 63-05, 63-05-04 Les courses de vitesse en circuit fermé mettant en compétition des véhicules pouvant dépasser la vitesse de 200 km à l'heure ne peuvent être disputées que sur des circuits ayant fait l'objet d'une homologation par le ministre de l'intérieur après une visite effectuée par la commission nationale d'examen des circuits de vitesse. En autorisant une course de vitesse en circuit fermé mettant en compétition des Renault 5 Alpine type R 1223 dont il est constant qu'elles peuvent dépasser la vitesse de 200 km à l'heure, en se fondant uniquement sur l'avis de la commission départementale de la circulation de la sécurité routière, incompétente pour ce type d'épreuve, le préfet a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - Police - Autorisation d'une course automobile sur un circuit non régulièrement homologué.

SPECTACLES - SPORTS ET JEUX - SPORTS - Responsabilité de la puissance publique à raison du déroulement dommageable de manifestations sportives autorisées - Responsabilité engagée lorsque l'autorisation a été délivrée en méconnaissance de la réglementation applicable.

SPECTACLES - SPORTS ET JEUX - SPORTS - ACCIDENTS SUBIS AU COURS DE SEANCES D'ENTRAINEMENT OU DE COMPETITIONS - Accident lors d'une course automobile irrégulièrement autorisée - Responsabilité de l'Etat.


Références :

Arrêté du 01 décembre 1959 art. 17
Arrêté du 14 décembre 1979
Arrêté du 06 juin 1980
Décret 55-1366 du 18 octobre 1955


Composition du Tribunal
Président : M. Bonifait
Rapporteur ?: Mlle Payet
Rapporteur public ?: Mme Haelvoet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1992-07-16;90ly00694 ?
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