Vu, enregistrée au greffe de la cour le 15 juillet 1991, la requête présentée par la société anonyme MUSEL TRINQUARD, dont le siège social est ... représentée par son président-directeur général ;
La SA MUSEL TRINQUARD demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 19 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge d'impositions supplémentaires en matière de taxes assises sur les salaires pour les années 1985, 1986 et 1987 ;
2°) de lui accorder la décharge sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 1992 :
- le rapport de Mlle PAYET, conseiller ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que pour contester le jugement en date du 19 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impositions résultant de la modification de la base d'imposition des taxes assises en tout ou partie sur les salaires au titre des années 1985 à 1987, la SA MUSEL TRINQUARD fait valoir que les dépenses engagées pour le règlement de cotisation d'assurance en vertu d'un contrat d'assurance-décès souscrit sur la tête de son président-directeur général en garantie d'un prêt bancaire, devaient être qualifiées non de charges salariales mais de charges financières assumées dans l'intérêt de la société ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 39-1 du code général des impôts, applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "Le bénéfice est établi sous déduction de toutes charges ..." ;
Considérant que lorsqu'une banque consent à une société un crédit dont l'octroi est subordonné à la caution d'un dirigeant de cette société, cette caution étant elle-même garantie par la souscription d'une assurance-décès, les primes afférentes à cette assurance constituent une charge normale de la société lorsque l'assurance est souscrite au bénéfice de cette dernière ou de la banque ; que, dans le cas où le crédit consenti par la banque consiste en l'octroi d'une autorisation de découvert dont seul le maximum est fixé et dont le montant peut être inférieur à ce maximum ou même nul lors du décès éventuel du dirigeant qui a accordé sa caution, les primes d'assurance peuvent constituer une charge normale de l'entreprise, dès lors que les stipulations contractuelles garantissent que l'indemnité d'assurance sera versée à la banque dans toute la mesure où les engagements de remboursement pris par la société à son égard ne seraient pas respectés ; que la seule circonstance qu'une opération de cette nature puisse comporter un avantage éventuel pour un tiers, ne suffit pas à lui donner le caractère d'une opération anormale dès lors qu'elle n'est pas contraire ou étrangère aux intérêts de la société ;
Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que la SA MUSEL TRINQUARD a obtenu de la société générale la ligne de découvert qu'elle sollicitait pour les besoins de son exploitation à condition que son président-directeur général, Mme X..., fournisse sa caution personnelle ; que la banque lui a demandé par lettre du 10 avril 1980 d'inviter Mme X... à souscrire une assurance-décès dont le capital serait tenu à sa disposition pour la durée de ses engagements ; qu'un tel contrat d'assurance a été signé le 16 mars 1981 ; que si l'époux de l'assurée et, à défaut, ses héritiers ou ayants-droit, étaient désignés comme bénéficiaires, un notaire était simultanément désigné comme réceptionnaire du capital-décès et que, par lettre du 21 avril 1981, Mme X... prescrivait au notaire de conserver les fonds jusqu'au complet remboursement des sommes dues à la banque ou, en cas de non-remboursement, de les remettre à celle-ci ; que l'assurance ainsi souscrite satisfaisait aux exigences de la banque dont le concours répondait aux besoins de la société ; qu'il suit de là que les primes d'assurance versées par la société durant les années en litige devaient être regardées comme des charges normales déductibles des bénéfices imposables ; que dès lors, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, pour rejeter la demande de la SA MUSEL TRINQUARD, considéré que celle-ci n'avait pas rapporté la preuve que les dépenses engagées pour le paiement des cotisations d'assurance l'avaient été dans l'intérêt direct de l'entreprise ; que le jugement du 19 avril 1991 doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SA MUSEL TRINQUARD devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Considérant que, pour les motifs susénoncés, les primes d'assurance versées par la société requérante constituaient une charge déductible de ses résultats en application de l'article 39-1 du code général des impôts ; que, par suite, la SA MUSEL TRINQUARD est fondée à demander l'annulation du jugement du 19 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires en matière de taxes assises sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1985 à 1987 ;
Article 1er : Le jugement en date du 19 avril 1991 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La SA MUSEL TRINQUARD est déchargée des impositions supplémentaires en matière de taxes assises sur les salaires mises à sa charge au titre des années 1985 à 1987.