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09/12/1992 | FRANCE | N°91LY00327;92LY00173

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4e chambre, 09 décembre 1992, 91LY00327 et 92LY00173


Vu, I°) la requête enregistrée le 29 mars 1991 au greffe de la cour, présentée pour M. et Mme Z..., demeurant ..., par la SCP CHANON-CARBOD-MONOD, avocat au barreau de Lyon ;
M. et Mme Z... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur payer la somme de 1 500 000 francs en réparation du préjudice qu'ils ont subi par suite de la destruction de leur maison provoquée par un glissement de terrain et mis les frais d'expertise d'un montant de 40 12

0 francs toutes taxes comprises à leur charge ;
2°) de condamner l...

Vu, I°) la requête enregistrée le 29 mars 1991 au greffe de la cour, présentée pour M. et Mme Z..., demeurant ..., par la SCP CHANON-CARBOD-MONOD, avocat au barreau de Lyon ;
M. et Mme Z... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur payer la somme de 1 500 000 francs en réparation du préjudice qu'ils ont subi par suite de la destruction de leur maison provoquée par un glissement de terrain et mis les frais d'expertise d'un montant de 40 120 francs toutes taxes comprises à leur charge ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 834 634,77 francs avec intérêts de droit et à leur rembourser le montant des frais d'expertise avec intérêts de droit ;
3°) de condamner également l'Etat à leur verser la somme de 10 000 francs au titre de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, II°) la requête enregistrée le 21 février 1992 au greffe de la cour, présentée pour la compagnie La Concorde dont le siège social est ..., par Me Serge Y... de la SCP CHANON-CARLOT-MONOD et Associés ;
La compagnie La Concorde demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 23 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 572 095 francs en remboursement des sommes versées par elle pour l'indemnisation des époux Z... à la suite du glissement de terrain qui a rendu leur maison de Dargoire (Loire) impropre à l'habitation ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme outre intérêts de droit à compter du jour de la requête introductive d'instance ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10 000 francs en application de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 1992 :NePasSéparer
- le rapport de M. QUENCEZ, conseiller ;
- les observations de Me Y..., substituant la SCP CHANON-CARLOT-MONOD, avocat de la Société "La Concorde" et de M. X..., fonctionnaire de la Direction Départementale de l'Equipement de la Loire. - et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées, relatives aux conséquences dommageables pour les époux Z... et leur assureur la compagnie "La Concorde" du glissement ayant affecté le terrain du lotissement "But" à Dargoire (Loire) dans lequel était située la maison de ces derniers, présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article R 315-7 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : "l'autorisation de lotir peut être refusée ou n'être accordée que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si le lotissement est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" ; qu'aux termes de l'article R 111-2 dudit code : "le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions par leur situation sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ;
Considérant qu'il est constant que la maison que les époux Z... ont fait construire sur un terrain de 1200 m2 environ situé dans un lotissement autorisé par arrêté préfectoral du 6 août 1975 et pour laquelle un permis de construire leur avait été délivré au nom de l'Etat par le maire de Dargoire le 12 juillet 1976 et le certificat de conformité délivré sans réserves le 30 janvier 1978 a été très gravement endommagée en 1983 par un important glissement de terrain sur l'ensemble du lotissement, qui a rendu cette maison impropre à sa destination et a necessité sa démolition ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon le 10 janvier 1984 qu'alors même que ce glissement de terrain s'est produit à la suite d'une pluviométrie exceptionnelle au printemps 1983, il ne peut être regardé comme ayant présenté les caractères d'un évènement de force majeure ; que le projet de lotissement autorisé par l'arrêté préfectoral du 6 août 1975 comportait douze lots en vue de la construction de pavillons sur un terrain présentant une pente de 20 à 36 % et situé dans une zone de type minier très fracturée et hétérogène avec des écoulements d'eau ; que, dans ces conditions, en accordant l'autorisation de lotir dans cette zone, dont les caractéristiques générales ne pouvaient être ignorées, sans assortir cette autorisation de prescriptions spéciales propres à prévenir les glissements de terrains risquant d'être générés par l'ensemble des travaux prévus, le préfet a, en ce qui concerne la sécurité du lotissement, commis une erreur manifeste d'appréciation qui s'est répercutée lors de la délivrance du permis de construire aux époux Z... par le maire de Dargoire et qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant toutefois qu'en procédant à la viabilisation et à la commercialisation des douze lots prévus sans étude géotechnique d'ensemble propre à éclairer les acquéreurs de lots et l'autorité compétente pour délivrer les permis de construire dans le respect des dispositions de l'article R 111-2 du code de l'urbanisme, le lotisseur a commis une faute de nature à atténuer à hauteur de 50 % la responsabilité de l'Etat dans la survenance des désordres qui ont affecté la maison des époux GIRE ;
Sur la détermination des préjudices indemnisables :
. En ce qui concerne les époux Z... :
Considérant que M. et Mme Z..., qui ne contestent pas avoir été complètement indemnisés par leur assureur du préjudice résultant de la démolition de leur maison, demandent que l'Etat prenne à sa charge tant le surcoût constitué par la différence entre le montant des emprunts qu'ils avaient souscrits pour la construction de cette maison et ceux qu'ils ont contractés pour se reloger, que les frais de notaire payés pour l'achat de cette deuxième acquisition, les frais de déménagement, la perte du droit à l'exonération de la taxe foncière pendant dix ans, divers frais occasionnés par le sinistre, des travaux d'aménagement dans la nouvelle maison, la perte de la valeur vénale du terrain sinistré et enfin des troubles dans leurs conditions d'existence ;
Considérant que ne peuvent être regardés comme ayant un lien direct avec la faute commise par l'administration ni le surcoût d'emprunt allégué, ni des travaux d'aménagement de la nouvelle maison ni enfin la perte du droit à exonération de la taxe foncière pendant dix ans qui était attaché au prêt initialement obtenu ;
Considérant en revanche que, dans les circonstances de l'espèce, les époux Z... sont fondés à demander à être indemnisés de la perte partielle de valeur de leur terrain acheté 35 000 francs en 1975, des frais de notaire et d'expertise, des frais de déménagement, et enfin des troubles dans leurs conditions d'existence occasionnés par le sinistre ; qu'en l'état des justifications fournies par les époux Z..., il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi en le fixant à 100 000 francs tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte du partage de responsabilité ci-dessus décidé qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser aux époux Z... une indemnité de 50 000 francs ;

En ce qui concerne la compagnie "La Concorde" :
Considérant que si la compagnie "La Concorde", qui agit par subrogation de M. et Mme Z..., demande la condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité de 572 095 francs, il résulte des pièces produites à l'appui de sa demande qu'elle ne justifie que d'un montant de débours de 547 743,12 francs correspondant aux sommes versées respectivement aux époux Z..., à l'entreprise de démolition et à l'entreprise ayant réalisé l'étude géotechnique demandée par l'expert commis en référé ; que ces débours ayant un lien direct avec la faute commise par l'administration, il y a lieu en raison du partage de responsabilité ci-dessus fixé de condamner l'Etat à lui payer la somme de 273 871,56 francs, majorée comme elle le demande des intérêts au taux légal à compter du 6 mai 1988, date d'enregistrement de sa demande introductive d'instance ;
Sur les conclusions des époux Z... tendant au remboursement des frais de l'expertise ordonnée en référé :
Considérant qu'aux termes de l'article R 217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de tout autre mesure d'instruction. Ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties". Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de partager par moitié entre l'Etat et les époux Z... les frais de l'expertise ordonnée en référé à la demande des époux Z..., dont le montant total a été fixé à 40 120 francs ;
Considérant que les époux Z... ayant été tenus au paiement de ces frais en raison du caractère exécutoire du jugement de première instance, ils ne sont pas fondés à demander à la cour administrative d'appel le versement d'intérêts au taux légal de cette somme ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux Z... et la compagnie "La Concorde" sont fondés à demander la réformation, respectivement du jugement en date du 31 décembre 1990 et du jugement en date du 23 décembre 1991 en tant que, par ces jugements, le tribunal administratif de Lyon a intégralement rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions des époux Z... et de la compagnie "La Concorde" tendant au paiement d'une somme aux titre des frais non compris dans les dépens :
Considérant que les conclusions des époux Z... et de la compagnie "La Concorde" doivent être appréciées aux regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'articles L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue au dépens ou à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser 2 000 francs aux époux Z... et 2 000 francs à la compagnie "La Concorde" sur le fondement des dispositions précitées ;
Article 1er : L'Etat est condamné à payer aux époux Z... une indemnité de cinquante mille francs (50 000 francs), tous intérêts compris au jour du présent arrêt, ainsi que la somme de vingt mille soixante francs (20 060 francs) correspondant au remboursement de la moitié des frais de l'expertise ordonnée en référé et la somme de deux mille francs (2 000 francs) au titre des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la compagnie "La Concorde" une indemnité de deux cent soixante treize mille huit cent soixante et onze francs, cinquante six centimes (273 871,56 francs) qui portera intérêts à compter du 6 mai 1988 ainsi que la somme de deux mille francs (2 000 francs) sur le fondement de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Les jugements du tribunal administratif de Lyon en date du 31 décembre 1990 et du 23 décembre 1991 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes des époux Z... et de la compagnie "La Concorde" est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 91LY00327;92LY00173
Date de la décision : 09/12/1992
Sens de l'arrêt : Indemnités
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - Autorisations de lotir - Responsabilité engagée à raison de la délivrance de l'autorisation - Délivrance sans prescriptions spéciales d'une autorisation de lotir un terrain en très forte pente dans un site à risque - Erreur manifeste d'appréciation engageant la responsabilité de l'Etat en cas de glissement de terrain (1).

60-02-05, 68-02-04-02-02 Projet de lotissement en douze lots en vue de la construction de maisons individuelles d'un terrain en très forte pente situé dans une zone très fracturée et hétérogène avec des écoulements d'eau, autorisé par arrêté préfectoral du 6 août 1975 sans aucune prescription spéciale relative à la sécurité publique. Erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R.315-7 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur. Faute de l'Etat entraînant sa responsabilité pour moitié dans les désordres qui ont affecté la maison construite par l'un des acquéreurs des lots par suite d'un glissement des terrains du lotissement, ces désordres étant également imputables à la faute du lotisseur qui a réalisé la viabilisation et la commercialisation des lots sans étude géotechnique d'ensemble à la disposition des acquéreurs de lots et de l'autorité compétente pour délivrer les permis de construire.

- RJ1 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCEDURES D'INTERVENTION FONCIERE - LOTISSEMENTS - AUTORISATION DE LOTIR - CONTENU DE L'AUTORISATION - Autorisation assortie de clause spéciale - Prescription spéciale - Prescriptions spéciales imposées par des risques pour la sécurité publique (article R - 315-7 du code de l'urbanisme) - Omission fautive engageant la responsabilité de l'Etat (1).


Références :

Code de l'urbanisme R315-7, R111-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R217, L8-1

1.

Rappr. CE, Section, 1980-03-21, Peyrusque, p. 157 ;

CE, 1989-01-03, SNC Sanz-Samenayres et autres, T. p. 916 ;

CAA de Lyon, 1990-10-17, Ministre de l'équipement c/ Diennet, n° 89LY01068 et 89LY00354


Composition du Tribunal
Président : Mme Latournerie
Rapporteur ?: M. Quencez
Rapporteur public ?: M. Bonnaud

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1992-12-09;91ly00327 ?
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